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La conférence de l'O.M.C. à Cancún :

2) Le coton à Cancún, selon "Passerelles

Coton, droits de propriété intellectuelle et autres questions (10 sept)

Egalement en négociation à Cancun, il y a des questions telles que les règles commerciales, les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC), le règlement des différends et quelques sujets de moindre importance. Deux questions qui préoccupent les pays en développement se sont frayé un chemin dans le projet de texte ministériel à un stade avancé : une discussion sur la " crise des produits de base ", c'est-à-dire le fait que de nombreux pays en développement dépendent de quelques produits de base et rencontrent des problèmes en raison des baisses à long terme et des brusques fluctuations dans les cours des produits de base. Une seule phrase incomplète dans le texte renvoie à une initiative lancée par quatre PMA d'Afrique centrale et d'Afrique de l'ouest exportateurs de coton visant l'élimination rapide des subventions au coton.

L’initiative sur le coton 11 sept.

Le Bénin, le Mali, le Tchad et le Burkina Faso ont proposé l’élimination des subventions sur le coton à l’échelle mondiale afin de garantir la survie et le développement du secteur cotonnier en Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), où le coton compte pour 80% des recettes d’exportation. Les fortes subventions au coton octroyées dans les pays riches, en particulier aux Etats-Unis, ont mené à une hausse artificielle de l’offre sur les marchés internationaux et à une chute des prix à l’exportation. Les effets en termes de développement sur les petits agriculteurs qui perdent leurs parts de marchés ont été désastreux. Beaucoup ont comparé l’initiative sur le coton à la campagne sur les ADPIC et la santé publique menée à Doha.

Le 9 septembre, les Etats-Unis ont rencontré les pays d’AOC sur cette question. Lors de la réunion, les délégués américains ont suggéré que les pays se concentrent sur la diversification de leurs économies, de la production cotonnière à la production textile, qui pourrait alors bénéficier d’un accès aux marchés préférentiel vers les Etats-Unis à travers l’AGOA. Les observateurs ont reproché à cette approche d’omettre de traiter des subventions, qui sont la cause profonde de la chute des cours du coton à des niveaux non viables.

Lors d’une séance plénière de l’après-midi du 10 septembre, la Mali a appelé à une décision rapide " early harvest " dans ce domaine, en présentant un plan pour l’élimination des mesures ayant des effets de distorsion, associé à un mécanisme de compensation transitoire aux termes duquel les pays qui octroient des subventions effectueraient des paiements aux pays les moins avancés (PMA) lésés pour éviter la destruction de leurs secteurs cotonniers. Le Tchad a mis l’accent sur la nécessité de résultats concrets pour que le système commercial multilatéral conserve sa crédibilité, en soulignant que le coton était un produit spécial et stratégique pour la réduction de la pauvreté et le développement économique. D’autres pays africains, notamment le Cameroun et le Sénégal, se sont prononcés en faveur de l’initiative.

Le directeur général de l’OMC, Supachai, a pris la parole sur ce qu’il a qualifié d’initiative inhabituelle. Il a déclaré que les pays d’AOC ne demandaient pas de préférences, mais juste qu’il soit mis fin à des distorsions et a instamment invité les ministres à accorder à l’initiative une attention sérieuse.

Les Etats-Unis ont réitéré certains des points qu’ils avaient soulevés dans leurs discussions antérieures avec les pays d’AOC, en soulignant qu’ils appuyaient la suppression des subventions et la baisse des entraves aux marchés dans l’ensemble à la fois pour les produits agricoles et pour les produits industriels. Ils ont présenté une approche ‘générale’ de la question du coton et pointé du doigt des facteurs autre que les subventions qui provoquent la chute des cours, tels que le ralentissement général de l’économie, la concurrence des fibres artificielles et l’augmentation des récoltes dues à de bonnes conditions climatiques. Ann Veneman a proposé l’examen de la chaîne de valeur totale du coton – comprenant la fibre, les textiles et les vêtements – et suggéré des dispositions sur mesure pour relancer la demande de produits liés au coton, par exemple la prise en compte des mesures de soutien qui faussent les échanges, des obstacles tarifaires et non-tarifaires et des politiques industrielles. Tout en convenant que le problème du coton avait des facettes multiples et qu’il ne dépendait pas uniquement des subventions, l’UE a appuyé les aspects commerciaux de l’initiative des pays d’AOC et s’est déclarée prête à assumer son rôle.

Le Canada et l’Australie ont tous deux fortement appuyé l’initiative, en notant les effets préjudiciables des subventions agricoles en général et des subventions au coton, en particulier. Le délégué argentin a déclaré que l’adoption d’une décision sur l’initiative pourrait servir de rampe de lancement pour le ‘cycle du développement’. L’Afrique du sud a souligné la pertinence systémique de la question en notant que des problèmes similaires s’appliquaient pour d’autres produits tels que le sucre. Le Bangladesh a mis l’accent sur l’urgence de prendre en compte le problème, en observant que l’agriculture était le pilier des économies des PMA. L’Inde aussi a favorablement accueilli la proposition, en notant que les secteurs du sucre, des produits laitiers et des graines oléagineuses étaient confrontés à des problèmes similaires et a souligné que la prise en compte des subventions au coton était une première étape importante.

Supachai dirige les débats sur le coton (le 12 sept.)

Dans une tentative visant à rendre plus visibles les préoccupations de quatre pays d’Afrique de l’ouest et du Centre (AOC) en ce qui concerne les subventions au coton, le président de la Conférence, Ernesto Luis Derbez, a demandé au directeur général de l’OMC Supachai de diriger les débats dans ce domaine. Les pays AOC veulent que l’OMC examine les subventions au coton pratiquées par les pays riches – en particulier les Etats-Unis – qui faussent les cours en ayant des effets négatifs sur les modes de subsistance de millions d’agriculteurs africains pauvres. Les pourparlers étaient ouverts à toutes les parties intéressées et la première réunion, vendredi soir, a été suivie par les pays AOC, les Etats-Unis, l’UE et d’autres. Les délégations ont essentiellement profité de la réunion pour exprimer leurs préoccupations, et les pourparlers se poursuivront vendredi. Supachai a rencontré l’UE, le Japon, le Pakistan, l’Inde et la Chine et a demandé a chacun son avis sur des questions liées au coton telles que les subventions à l’exportation et la compensation transitoire pour les pays lésés. Les pays AOC auraient été abordés tant par le G-21 que par le groupe de Cairns et se trouvent devant le dilemme de décider d’adhérer ou non à ces groupes ; tant le G-21 que le Groupe de Cairns pourraient ajouter leur poids à la position des pays AOC, mais les priorités et les positions générales des pays AOC peuvent ne pas coïncider pleinement avec celles de l’un ou l’autre groupe. En outre, les pays AOC ne souhaitent pas compromettre le statut de seul groupe dirigé par Supachai.

Le coton a émergé comme élément potentiel clé axé sur le développement et susceptible de déboucher sur un résultat positif à Cancun. Les Etats-Unis ont refusé de débattre de toute réduction de leurs subventions préférant plutôt persuader les pays d’accepter une solution qui ciblerait plus généralement le secteur des textiles et des fibres. Les Etats-Unis ont à présent soumis une communication dans ce sens. Toutefois, les pays AOC recherchent une solution beaucoup plus ciblée qui résoudrait le problème immédiat et sauverait les petits agriculteurs de la faillite. A cette fin, ils ont suggéré un plan de trois ans pour le retrait progressif des subventions au coton et un mécanisme de compensation transitoire. Un représentant des pays AOC a observé que l’argent qu’ils demandaient dans l’intervalle pour sauver leurs agriculteurs ne correspondrait qu’à 5% des subventions au coton actuelles et après tout " les gens laissent 10% de pourboire au restaurant, nous demandons moins. ". Un document diffusé hier par un conseiller pour le Burkina Faso (un des pays AOC) a ajouté une certaine spécificité au débat en indiquant comment six types de pratiques de subventions aux Etats-Unis affectent le marché global du coton.

Quelle issue pour le coton africain ? (13 sept.)

Les discussions se sont poursuivies sur l’initiative sectorielle de quatre pays d’AOC visant à prendre en compte les subventions des pays riches qui faussent les cours mondiaux du coton et qui affectent de manière négative les moyens de subsistance de millions d’agriculteurs africains pauvres. Les pourparlers ont été facilités par Supachai. Les Membres divergent sur la portée et l’ambition d’une telle solution. En présentant l’approche de l’UE, Pascal Lamy a déclaré que les Membres de l’OMC devraient supprimer le soutien interne qui a des effets de distorsion des échanges ; éliminer les subventions à l’exportation ; et assurer un accès en franchise de droits et sans contingent à tous les produits du coton originaires des PMA. Le commissaire européen à l’agriculture, Franz Fischler, a déclaré que cette approche n’avait pas encore été approuvée par les Etats Membres de l’UE mais qu’il avait présenté la proposition aux Membres de l’UE à Cancun et qu’aucun n’avait fait d’objection. Certains commentateurs ont noté que l’UE s’attribuait le mérite pour une affaire déjà réglée, - l’UE ne fournit aucune subvention à l’exportation pour le coton, est en train de transférer les subventions sur le coton de la catégorie ambre à la catégorie verte, en vertu de la réforme de la PAC et fournit déjà un accès en franchise de droits et sans contingent aux exportations des PMA. L’approche de l’UE ne s’étendait pas à la demande faite par les pays AOC d’un mécanisme transitoire pour dédommager les AOC en attendant le retrait total des subventions.

Résumant les développements lors d’une réunion des chefs de délégations, Supachai a indiqué que les Membres avaient commencé à converger sur une approche dans le cadre de laquelle une solution au problème du coton serait liée aux discussions générales sur l’agriculture et une aide financière aux pays AOC impliquerait des organisations internationales autres que l’OMC.

Interview avec le secrétaire général du ministère du commerce du Burkina Faso Seriba Ouattara (S.O)

Q: Qu'est ce qui a fait échouer la rencontre?

S.O : L'échec de la rencontre est du au fait que les pays développés ont voulu effectuer un passage en force au niveau des questions de Singapour (questions évoquées à Singapour en 1996 et qui devaient faire l'objet d'études, de clarifications avant d'engager un processus de négociations.) Les pays développés ont fait comprendre que s'il n'y a pas d'accord pour négocier sur ces points la conférence sera bloquée. Nous n'avons pas voulu céder à ces chantages parce que ces questions ne constituent pas une priorité pour nous. Déjà les accords de l'OMC sont difficiles à mettre en ?uvre donc il faut arriver à les mettre en oeuvre avant d'engager un processus qu'on n'a pas clarifié.

Ils ont voulu ensuite discuter de trois points à savoir: commerce et investissement, politique de la concurrence et enfin transparence des marchés publics qu'ils ont voulu par la suite substituer à la question de la facilitation des échanges. Nous avons compris la man?uvre qui frisait le chantage car il n'y avait pas de consensus technique sur ces questions.

Depuis que nous préparons cette conférence ministérielle la rencontre de l'agriculture a été avancée comme point essentiel pouvant conditionner le succès de cette conférence et curieusement on s'est rendu compte que cette question a été reléguée au second rang pour faire place à des questions secondaires.

Q: Le Burkina est-il satisfait de l'appui de ses pairs sur le dossier du coton malgré l'échec des négociations?

S.O: Nous avons été très satisfaits de la solidarité des pays d'abord en développement, l'Union Africaine, le groupe des ACP et le groupe des PMA ont fait front autour de la question du coton et plusieurs pays développés nous ont soutenu dans ce dossier qui a été bien soutenu et qui a obtenu l'adhésion de tous les pays. Aucun pays n'a eu le courage de dire qu'il est contre ce dossier. Chacun a compris qu'il s'agit d'une question de survie qui ne pouvait être monnayée.

Q : Quelle est la prochaine étape concernant le dossier coton

S.O: Nous pensions avoir les premiers résultats urgents pour le coton mais manifestement ce n'est pas le cas, nous avons senti un manque de volonté de nos partenaires dans cette question. Apres Cancun nous allons nous (les pays de l'initiative coton) réunir et envisager la suite. 

Brahima OUEDRAOGO

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