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La conférence de l'O.M.C. à Cancún : 3)
Malgré l'échec du sommet |
CANCUN, 15 sep (IPS) - Le dossier du coton, âprement défendu par les pays africains depuis plusieurs mois, leur permet de faire entendre leurs préoccupations pour la première fois dans un sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à Cancun, au Mexique, malgré l'échec des négociations. Pour plusieurs organisations non-gouvernementales (ONG), le coton devait être la porte d'entrée à Cancun. ''Cette fois, c'est la bonne car pour la première fois, les pays africains font connaître leurs problèmes propres à eux, ils communiquent sans problème et se font entendre par tous'', estime Teteh Hormeku, activiste de l'ONG Third World Network. ''Les Africains sont mieux organisés, ils montrent plus d'engagement et résistent aux pressions de tous genres'', poursuit Hormeku. Soutenus par les ONG, la société civile et plusieurs pays émergeants comme le Brésil et l'Inde, ainsi que par l'Argentine et l'Australie, les ministres du Commerce du Burkina, du Bénin, du Mali et du Tchad ont, tour à tour, défilé mercredi à la tribune de l'OMC pour rappeler aux pays riches que les subventions accordées à leurs producteurs créaient le désarroi, le désespoir chez les paysans africains. Dès jeudi soir, les premières consultations sur le coton ont débuté après la mise en place du groupe de consultation. Ce groupe, constitué du Burkina Faso, du Mali, du Bénin et du Tchad, comprend également les Etats-Unis, le Pakistan, l'Union européenne (UE), le Japon. Il discute des différentes préoccupations sur le dossier du coton et doit fournir des éléments pour un compromis à la fin de la conférence ministérielle de l'OMC. ''C'est un événement historique de voir que quatre pays d'Afrique de l'ouest, que personne n'écoute traditionnellement à l'OMC, mettent le coton à l'agenda de l'organisation et mettent en fait les pays les plus riches du monde dans l'embarras parce qu'ils n'ont aucune réponse à apporter à cette question vitale pour eux'', se réjouit Céline Chaveriat, responsable de l'ONG Oxfam à Genève. ''Je rends un hommage à ces gouvernements qui ont le courage extraordinaire de remettre en cause le statut quo de l'OMC et de dire, pour une fois, que l'OMC doit répondre à leurs attentes en les aidant a réduire la pauvreté dans leurs pays'', ajoute-t-elle. Pour Chaveriat, ''On n'obtient peut-être pas tout ce qu'on veut à Cancun, mais je pense que si les gouvernements résistent à la pression qui doit être mise sur leurs épaules pour qu'ils renoncent aux revendications, ils peuvent obtenir des résultats concrets à Cancun''. Elle accuse l'UE et les Etats-Unis de ''noyer le poisson''. Selon Oxfam, il faudrait ici, à Cancun, un engagement clair de l'OMC de réduire de manière accélérée les subventions sur le coton et de faire du coton un cas spécifique qui fera l'objet de négociations spécifiques dès l'année prochaine. Le Burkina, le Bénin, le Tchad et le Mali ont, à la veille de la rencontre de Cancun, adressé une proposition conjointe au Conseil général de l'OMC dans laquelle ils préconisent la mise en place, à Cancun, d'un système de réduction du soutien à la production cotonnière en vue de son élimination totale par les pays riches dans une période de trois ans. Cette réduction, selon les quatre pays, pourrait se faire sur la base d'une diminution graduelle de 33,3 pour cent par an. Ils exigent également un mécanisme de compensation qui servira à indemniser les producteurs de coton des pays touchés par les conséquences des subventions. Une étude récente a montré que les pays producteurs de coton d'Afrique de l'ouest et du centre ont déjà perdu un milliard de dollars par an en raison des subventions qui ont atteint 3,7 milliards de dollars en 2002 pour les Américains, 700 millions de dollars pour les Européens et 1,2 milliard de dollars pour les Chinois. ''Nous allons nous mobiliser et rester très attentifs pour faire aboutir ce dossier'', a confié à IPS le ministre du Commerce du Burkina Faso, Benoît Ouattara, au sortir des premières consultations sur le coton avec le directeur général de l'OMC. ''La mise en place du groupe de consultation est une première qui signifie que le coton est reconnu enfin comme un produit important et que notre initiative a retenu l'attention de l'OMC; et elle permet de ne pas noyer le dossier du coton au milieu de diverses autres préoccupations comme les médicaments et l'agriculture, les Accords sur les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC)'', ajoute Ouattara. Selon François Traoré, président de l'Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), chaque fois que les décideurs partent de la préoccupation de leur société civile, il y a un réalisme qui permet d'argumenter le sujet, et c'est ce qui a donné la crédibilité aux pays africains. ''C'est un bon exemple de comprendre que l'Afrique change, mais qui permet également aux dirigeants de comprendre qu'en se basant sur les réalités des paysans et de la société civile, ils sont pris au sérieux'', explique Traoré. ''Je suis aujourd'hui content d'entendre des dirigeants dire qu'ils ne savent pas ce qu'ils vont dire à leurs paysans s'ils retournent les mains vides de Cancun'', indique Traoré. A l'ouverture des travaux, le ministre béninois du Commerce, Fatiou Akplogan, a demandé à l'OMC d'être un ''médecin efficace capable de guérir un malade au lieu d'être un médecin légiste pour déterminer les causes de la mort''. Au Bénin, selon des études récentes, 250.000 personnes vont vivre en dessous du seuil de pauvreté, avec moins d'un dollar US par jour, à cause de la crise du secteur du coton. Par Brahima Ouedraogo |
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