a b c B u r k i n a

Les Accords de Partenariat Economiques Régionaux (APER)

 (Dr Raoul Marc JENNAR, 4 juin 2002)

 La Commission européenne manifeste de grands talents dans la maîtrise des subtilités sémantiques : pour désigner son objectif prioritaire de politique étrangère, elle ne parle plus de « zones de libre-échange, » comme elle le faisait au moment de l’accord avec l’Afrique du Sud. Elle a imposé la formule, plus équivoque mais plus alléchante, de « partenariat économique. »

A partir du 27 septembre vont commencer des négociations sur ces futurs APER. D’ores et déjà, pour les pays ACP, ces négociations soulèvent plusieurs questions :

1) la Commission européenne exerce une forte pression en faveur d’un calendrier extrêmement serré pour ces négociations qui, normalement peuvent s’étaler de fin 2002 à fin 2007, la dérogation accordée par l’OMC sur les préférences tarifaires unilatérales cessant d’être valable le 1 janvier 2008. Les pays ACP voudraient une négociation en deux phases : a) la période 2002-2004 pour débattre des principes, des objectifs ainsi que des questions d’intérêt commun ; b) la période 2004-2007 pour traiter des questions régionales spécifiques. La pression européenne n’est pas innocente. La Commission européenne entend coupler le calendrier ACP avec le calendrier fixé à Doha pour les négociations du nouveau round qui, elles, doivent se terminer le 1 janvier 2005. Pascal Lamy l’a déclaré au Parlement européen le 14 mai : « les négociations ACP doivent tenir compte des négociations multilatérales dans le cadre de Doha ». On observe, une fois de plus, l’intensité avec laquelle l’Union européenne veut imposer les contraintes de l’OMC aux pays ACP.

2) la Commission européenne insiste pour obtenir, de la part des pays ACP, une décision rapide sur la configuration géographique des futures régions concernées par ces APER. La Commission a fait une proposition qui n’emporte pas l’adhésion spontanée des pays concernés. Ceux-ci avancent des propositions dont ils débattent entre eux. Pascal Lamy attend pour fin juin une décision qui ne peut cependant être prise à la légère puisqu’elle aura des conséquences durables. Cette question est d’autant plus importante que les pays ACP craignent, si on n’y prend garde, que les APER concurrencent et déstabilisent les programmes d’intégration régionale qui privilégient les intérêts nationaux légitimes et qui ont été arrêtés par les pays ACP eux-mêmes.

3) ce qui préoccupe le plus les pays ACP, c’est la définition d’un processus original d’intégration dans l’économie mondiale qui tienne compte de leurs spécificités, de leurs besoins et de leurs attentes et qui n’est pas nécessairement compatible avec le respect des règles de l’OMC voulu par l’Union européenne.  Un tel processus réclame plus qu’une mise en oeuvre flexible des accords de l’OMC telle qu’elle est proposée. par la Commission. Selon les pays ACP, il s’agit d’inventer un traitement différencié adapté aux contraintes auxquelles chacun des pays doit faire face. C’est l’enjeu fondamental de ces négociations. Il représente à la fois une opportunité et un défi. Une opportunité, parce que la négociation qui va commencer peut, si l’Union européenne ne s’y oppose pas, offrir aux pays ACP l’occasion de formuler ce qui pourrait constituer un modèle de développement dont ils auront défini eux-mêmes les objectifs, les caractéristiques et les modes opératoires. Un défi, parce qu’il s’agit de prendre en compte des réalités plurielles, de les intégrer dans un contexte contraignant à maints égards et de faire accepter par les pays industrialisés qu’ils renoncent à leurs pratiques néo-coloniales. Mais les travaux des pays africains sur des dossiers comme le brevetage du vivant ont montré qu’existent non seulement une capacité critique pertinente, mais une expertise en mesure de fournir des alternatives opérationnelles qui répondent aux attentes légitimes de ces pays.

Raoul Marc JENNAR

Chercheur auprès d’Oxfam-Solidarité et de l’URFIG


Les accords de partenariat économiques regionaux (APER)

(suite)

(Dr Raoul Marc JENNAR, 28 juin 2002)

  

Les négociations qui vont commencer le 27 septembre entre l’UE et les pays ACP soulèvent un grand nombre de questions au-delà des préoccupations exprimées dans la note précédente.

L’Union européenne vient d’arrêter le mandat de ses négociateurs. D’emblée, elle décrète que les APER constituent la « réponse globale » aux besoins des pays ACP. La lecture de ce mandat  confirme ce qu’on avait déjà constaté : l’objectif prioritaire de l’UE n’est pas de faciliter le commerce des biens en vue d’aider les économies des pays ACP à se développer. La volonté européenne consiste à contraindre les pays ACP à se plier aux règles de l’OMC avec tout ce qu’elles contiennent de profitable aux pays industrialisés et de préjudiciable pour les pays en développement (le dossier agricole, si important pour les pays ACP, offre l’exemple le plus spectaculaire de l’unilatéralisme européo-américain). Lire le mandat européen équivaut à énumérer les intitulés des accords de l’OMC : commerce des services, normes et mesures sanitaires et phytosanitaires, marchés publics, investissement, concurrence, droits de propriété intellectuelle … alors que les pays ACP observent dans le quotidien à quel point les règles de l’OMC ne contribuent pas aux améliorations promises. Il convient dès lors de soumettre à un examen critique les avantages invoqués par l’UE dont bénéficieraient les pays ACP suite à la création des APER. Passons en revue les cinq avantages principaux présentés par les Européens pour justifier ces APER.

1.     Les bénéfices d’une économie d’échelle. Ils ne peuvent être réalisés qu’à la condition que les pays ACP surmontent un certain nombre de contraintes (fourniture d’eau et d’électricité ; infrastructures routières et ferroviaires ; cadres institutionnels ; faible productivité consécutive aux insuffisances en matière d’éducation, de santé et de logement). Prendre en compte ces contraintes est une condition incontournable si on prétend transformer les économies ACP et si on veut qu’elles profitent effectivement des économies d’échelle que permet une production accrue pour un marché élargi. On chercherait en vain des programmes européens de développement mettant en oeuvre une approche systématique, cohérente et intégrée de ces contraintes.

2.     La spécialisation des productions ACP. La question se pose de savoir dans quels secteurs les pays seront encouragés à se spécialiser. Alors que la tendance actuelle est à la diversification, permettra-t-on que les pays ACP se spécialisent dans des secteurs où la demande est en plus forte croissance et où les prix sont plus stables que dans ceux où se pratique actuellement la monoculture ?

3.     L’augmentation des investissements. Les APER vont-ils effectivement favoriser les investissements dans les pays ACP ou vont-ils simplement participer à la mise en place d’un ensemble de zones de libre-échange initiées par l’UE dont elle jouera en quelque sorte le rôle de « hub » permettant aux investisseurs – européens – de combiner les avantages fiscaux de ce réseau de zones de libre-échange, sans que les APER des pays ACP aient la garantie d’être la destination exclusive,  ni même principale de ces investisseurs ?

4.     L’augmentation des échanges régionaux. L’UE souligne que les APER vont contribuer à l’abaissement des barrières tarifaires entre pays ACP associés dans un même APER, puisque toute préférence commerciale dont jouirait un pays sera automatiquement étendue à tous les pays de l’APER dont fera partie ce pays. Mais, comme le soulignent des représentants des pays ACP, cet avantage peut être atteint par des accords volontaires entre pays ACP sans devoir se soumettre à un APER avec l’UE.

5.     L’augmentation du commerce avec l’Europe. S’il est manifeste que les APER vont favoriser les exportations européennes vers les pays ACP, les produits européens n’étant plus soumis à des barrières tarifaires et étant plus compétitifs que les produits ACP équivalents, rien n’indique que les APER vont favoriser une augmentation des exportations des pays ACP vers le marché européen.

Sans réponse précise à ces questions qui devraient être soulevées lors des négociations, la crainte est justifiée de voir les APER bénéficier en premier lieu aux firmes européennes et contribuer fort peu au développement structurel et à la transformation des économies des pays ACP.

 Dr Raoul Marc JENNAR

Chercheur auprès d’Oxfam Solidarité et de l’URFIG

28 juin 2002 


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