abc  Burkina  n° 34

L’agriculture a le droit
d’être protégée

La Communauté de Travail des Oeuvres d'Entraide Suisse vient de publier un dossier ( 23 p ) sur "L'agriculture a le droit d'être protégée".  Il est disponible sur le site :  www.swisscoalition.ch/publications . Pour l'essentiel, il rejoint nos analyses. Aussi nous sommes heureux de vous en présenter la conclusion, qui est un résumé de l'ensemble du document.

Conclusion et résumé

Huit ans après l’entrée en vigueur de l’Accord sur l’agriculture, on mesure les dégâts et aberrations des libéralisations au Sud comme au Nord. La recette libérale, axée sur le libre-échange et la promotion des exportations, imposée par les gouvernements occidentaux et relayée par les institutions économiques internationales – dont en particulier l’OMC – a abouti à un échec. Cela tient au fait que de nombreux aspects structurels propres aux marchés agricoles nationaux et internationaux n’ont pas été pris en considération. Chaque pays, voire région, bénéficie de conditions-cadre spécifiques qui influencent fortement le mode et les coûts de production. Le contraste est évident entre les agricultures fortement subventionnées et productives des pays occidentaux, et celles bien moins dotées et extensives des pays en développement. Mais on constate aussi que les conditions de survie d’une agriculture locale ne sont pas compatibles avec un système commercial mondial libéralisé, que l’on se situe dans un pays pauvre ou riche.

Cette situation appelle une réflexion approfondie sur la fonction et le rôle que l’on veut donner à l’agriculture dans un monde globalisé, et donc sur les objectifs que l’on doit poursuivre en priorité tant au niveau national qu’international.

Les produits agricoles sont-ils une marchandise comme une autre, «commercialisable » avec la rentabilité et le profit comme seuls critères? Ou existe-t-il des limites à ne pas franchir dans la mesure où l’agriculture a pour vocation première de nourrir l’être humain? Qu’est-ce qui doit prédominer: le droit du libre-échange ou le droit à l’alimentation?

A l’heure, où le dossier agricole fait une fois de plus l’objet de négociations tendues à l’OMC, ces questions ont amené la Communauté de travail à élaborer une nouvelle position, plus nuancée et soucieuse de la complexité des problèmes. Avec cependant toujours le même but: l’émergence d’un marché agricole mondial équitable et durable. Cette nouvelle position se décline selon les quatre revendications centrales et complémentaires exposées précédemment et résumées ci-dessous:

1. Le développement rural au Sud: au-delà de la production, l’agriculture remplit plusieurs autres fonctions essentielles, qui vont du renforcement du tissu économique local à la création d’emplois. Cela est particulièrement vrai pour les pays qui pratiquent une agriculture de subsistance. Celle-ci est en effet beaucoup plus intensive en maind’œuvre que l’agriculture d’exportation, et joue de ce fait un rôle central dans le développement rural et l’élimination de la pauvreté dans les campagnes. Le développement des marchés intérieurs doit, par conséquent, redevenir une priorité; les gouvernements des pays pauvres doivent retrouver le droit de mener de véritables politiques agricoles nationales, en mettant l’accent sur la protection et le soutien aux petits paysans, le développement rural, la dissolution des grands monopoles aux mains des multinationales et la mise en œuvre de réformes agraires.

2. La protection durable des marchés au Sud contre les importations agricoles bon marché: une telle protection ne pourra être assurée que si l’on permet aux pays en développement de réintroduire des droits de douane. C’est en effet le seul instrument financièrement à leur portée. Une telle mesure pourrait voir le jour à travers l’adoption d’une «boîte de développement», qui redonnerait aux pays en développement le droit de protéger leur agriculture pour assurer la sécurité alimentaire de leur population.

3. La maîtrise de la production au Nord: l’élimination des subventions aux exportations et du bradage des surplus sur les marchés internationaux par les pays industrialisés est l’une des principales conditions qui permettra aux pays en développement de mieux s’intégrer au marché international et protéger leurs agricultures de la concurrence déloyale. La réalisation de cet objectif passe par la diminution de la production agricole dans les pays industrialisés et un ajustement des prix par rapport aux coûts de production sur les marchés internationaux et nationaux (obtenir des prix rémunérateurs).

4. Une régulation du marché agricole mondial est finalement un impératif pour développer un commerce mondial durable et équitable. L’accent devrait être mis en priorité sur les mesures suivantes:

- l’adoption de règles multilatérales et équitables sur les investissements et la concurrence, dans le cadre d’un forum où le développement et la lutte contre la pauvreté – plutôt que le commerce – seraient les objectifs prioritaires;

- l’amélioration substantielle de l’accès aux marchés des pays industrialisés par l’élimination des pics tarifaires et des tarifs progressifs et la réintroduction pour les pays en développement du droit de protéger leurs marchés agricoles aux frontières; - la protection des innovations et des droits des paysans, le juste partage des bénéfices liés à l’exploitation des ressources naturelles et l’interdiction du brevet sur le vivant;

- la stabilisation des prix des matières premières à un niveau rémunérateur, par exemple à travers la création d’une nouvelle institution internationale de régulation;

- la promotion de produits cultivés dans le respect des normes sociales et écologiques et du «commerce équitable»;

- l’augmentation substantielle de l’assistance technique et financière.

Cette position a été adoptée par le Comité directeur de la Communauté de travail en 2002. Auteur: Bastienne Joerchel, Lausanne. E-mail: bjoerchel swisscoalition.ch

Repris par abc Burkina pour son n° 34 du 21 avril 2003

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