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L'après "Hong Kong" a commencé :

L'Europe démasquée par la grippe aviaire !

Le dernier coup bas de l'Europe va-t-il réveiller les négociateurs africains à Genève (OMC) ou à Bruxelles (où se négocient les Accords de Partenariat Economique avec l'Union Européenne) ? On peut légitimement se poser la question.

En effet, alors qu'à l'OMC les pays riches font semblant de libéraliser leurs échanges (pour accentuer la pression sur les pays pauvres), l'Europe non seulement continue à subventionner ses exportations (de façon directe et indirecte), mais voilà qu'elle exporte ses problèmes en augmentant ses subventions à l'exportation de ses poulets.

L'importation de poulets congelés étaient l'un des nombreux griefs évoqués par les pays africains lors de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce qui s'est tenue le mois dernier à Honk Kong, et où les pays en développement ont à plusieurs reprises critiqué les subventions agricoles et les autres politiques commerciales qui favorisent les pays industrialisés au détriment des pays pauvres.

Des milliers de fermiers et de militants altermondialistes venus d'Afrique et d'Europe se sont retrouvés le mardi 17 janvier à Yaoundé, la capitale camerounaise pour exiger la fin des importations des poulets congelés, qui selon les fermiers et les consommateurs menacent la santé des camerounais et leurs revenus.

Près de 6 000 personnes s'étaient réunies pour manifester devant les bureaux de l'Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (ACDIC), - qui a organisé l'évènement - après que les autorités aient, à la dernière minute, interdit toute manifestation dans le centre ville.

Les manifestants arboraient des banderoles sur lesquelles ont pouvait lire « Les poulets congelés - une catastrophe pour les producteurs camerounais » et « Importer ce que nous produisons ? Quel crime pour notre économie locale ! ».

C'est ce moment que l'Europe a choisi pour augmenter ses subventions aux exportations de poulets de 8,6 % !

Pourquoi une telle mesure de la part de l'Europe ?

Tout simplement parce qu'avec la grippe aviaire la consommation de poulet a fortement baissé en Europe. Il faut donc, de son point de vue, que "ses partenaires", qui ont déjà des problèmes, consomment les poulets que les européens ne veulent plus manger ! Voilà ce que veut dire être partenaire de l'Europe !

L'Europe nous donne ainsi un signal fort ! C'est avec cet éclairage qu'il nous faut comprendre ce que cherche l'Europe quand elle parle d'Accord de Partenariat Economique ! C'est à la lumière de ce que vient de faire l'Europe que les négociateurs africains doivent retourner à la table des négociations de l'OMC à Genève.

Les pays riches ne sont pas prêts à abandonner sans combat leurs avantages acquis ! Les pays pauvres ne doivent pas négocier à partir des propositions de ces pays riches, mais à partir des besoins réels de leurs populations. Si les pays d'Afrique de l'Ouest veulent reconquérir une parcelle de souveraineté, ils doivent commencer par exiger que le droit de souveraineté alimentaire soit reconnu par la Communauté internationale, et donc à l'OMC. Si l'OMC refuse d'aller dans ce sens, alors les pays africains n'ont aucun intérêt à signer un accord quelconque à Genève. Mieux, ils doivent exiger que l'agriculture (et donc la question du commerce des produits agricoles) soit retirée de l'OMC pour être confiée à une autre instance internationale plus respectueuse du droit des populations.

Les pays africains ne sont pas sans moyens de pression. C'est plutôt la volonté politique qui semble faire défaut. En effet, les mêmes arguments qui ont permis de condamner les Etats Unis sur le coton, pourraient être utilisés contre la politique agricole de l'Europe. Nous y reviendrons dans un autre courrier.

Maurice Oudet,
Koudougou, le 26 janvier 2006

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