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« C'est mon vieux, qui m'a fait découvrir et aimer ce travail de pépiniériste »

Me voici de retour au Burkina. Les pluies, elles aussi, sont de retour, si bien que le Burkina est en train de reverdir. Samedi dernier, le 25 juin 2011, me rendant à Bobo, j'en ai profité pour faire un crochet au pays dagara, et y saluer mon ami Somé Nouritol, à V7, sur la route qui va de Dano à Koumbia.

Nouritol dans sa pépinière avec deux de ses employésVisite de la pépinière, à V7Je l'ai rejoint dans sa pépinière, vers 15 heures, en plein travail. Il était en train de mettre des plants de manguiers dans des sachets en plastique, avec l'aide de deux de ses employés. C'est que l'hivernage semble s'installer, et que les clients ne vont pas tarder à venir ou à passer leurs commandes. Cette lettre voudrait rappeler qu'il est temps de se préparer à planter des arbres, mais aussi être un hommage à tous les pépiniéristes. Tous ont leur histoire personnelle. Celle de M. Somé Nouritol me semble intéressante à un plus d'un titre.

Il est né dans la commune de Guénguéré, près de Dano en 1966. En ce temps là, les vieux du village avaient un profond respect de la terre, et des arbres. Il y avait des bosquets sacrés (où il était interdit d'abattre un seul arbre). Partout, certains arbres étaient protégés, comme les karités, les nérés, les acacia albida. Mais le père de Nouritol, un paysan au milieu de paysan, allait plus loin. C'était un grand travailleur. Il a transmis à son fils un profond amour des arbres, de tous les arbres. Nouritol n'avait que 10 ans quand son père lui disait de s'intéresser aux arbres. « Ils nous donnent la vie, comme le mil et les arachides. N'aie pas peur de planter des arbres, même si tu es le seul à le faire. »

Cela n'a pas empêché le jeune Nouritol d'aller tenter sa chance en Côte d'Ivoire. Cependant, en 1985, il retourne au village pour saluer sa famille. Mais il trouvera son père gravement malade. Au décès de son père, il décide de rester dans sa famille. Il sera là en 1990 quand avec le recul de la mouche tsé-tsé, l'AVV (l'Autorité pour l'Aménagement des Vallées des (fleuves) Voltas cherchera 65 personnes pour s'installer à V7 (Vallée n° 7) entre Dano et Kumbia.

On y trouve des acacia albida, des manguiers, des nérés...Notre pépiniériste devant son champ de manioc !Comme les autres, il recevra un peu de matériel pour défricher de nouveaux champs : pelles, brouettes, barre à mine... En 92, un responsable de l'AVV ayant remarqué son intérêt et son travail pour les arbres, l'invitera pour une formation de pépiniéristes à Orodara. C'est là qu'il apprendra à faire des greffes pour avoir de beaux manguiers, mais aussi des goyaviers, des citronniers... Il recevra des semences d'eucalyptus, d'anacardiers, de nérés, d'acacias albidas.

Aujourd'hui, sans faire de bruit, par sa persévérance et son goût du travail bien fait, mais aussi parce qu'il n'a pas peur des initiatives, il est à la tête d'un domaine où sa terre, ses sols et ses arbres respirent la santé. Sa dernière initiative : faire un champ de manioc. Nous allons le visiter ensemble. Il est magnifique ! Sur le retour, il cueille un fruit sur un anacardier, et il fait cette réflexion. « Comme la terre est bonne, cet arbre donne des fruits toute l'année. »

A la fin de ma visite, en contemplant ce que un paysan presque seul a été capable de faire, je me dis que toute commune rurale pourrait (devrait) avoir son « paysan pépiniériste ». Je me demande ce qu'il en est du projet du Président : « 8 000 villages, 8 000 bosquets ». Pourquoi pas un nouveau projet : 302 communes rurales, 302 paysans pépiniéristes !

Bobo-Dioulasso, le 26 juin 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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