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Faut-il avoir peur du Nigeria ?

Certains responsables politiques semblent craindre le jour où l’UEMOA (Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest) va disparaître au profit d’un espace plus grand : la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest). Certains craignent de se faire absorber par le Nigeria. Pourtant le Nigeria peut aussi être le moteur économique dont l’Afrique de l’Ouest a besoin. Et surtout, le Nigeria semble être le seul pays de la CEDEAO capable de dire non à l’Europe, au FMI ou à la Banque Mondiale quand la CEDEAO doit défendre ses intérêts au niveau international.

L’exemple des poulets congelés importés est significatif. Le Sénégal, le Ghana et le Cameroun, entre autres, ont laissé ces poulets détruire presque entièrement la production avicole (la production de volaille) de leurs pays. Les parlementaires ghanéens ont même fait une loi pour se protéger des importations de volailles à bas prix. Mais en vain. Sous la pression de l’Europe, du FMI et de la Banque Mondiale, le président du Ghana a eu peur, et n’a pas signé le décret d’application de la loi.

Le gouvernement du Nigeria, lui, n’a pas eu peur d’interdire purement et simplement l’importation de volailles dans son pays. Mieux, en février, une mission commerciale, conduite par le Ministre du Commerce du Nigeria, a accompagné l’Association Avicole du Nigeria (PAN) à Cotonou au Bénin. Ils ont rencontré l’Association Nationale des Aviculteurs du Bénin (ANAB), en présence du Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural du Bénin.

Au cours de la réunion, il a été constaté que l’importation massive au Bénin de poulets congelés et d’œufs d’Europe et du Brésil avait entraîné une déroute totale de l’industrie avicole béninoise.

Il a ensuite été décidé que :

  • les deux pays « travailleront ensemble au développement du commerce bilatéral et d’investissement dans le domaine avicole. »
  • « Durant les deux prochaines années, les aviculteurs pourront, avec l’appui de leurs homologues nigérians, être capables de produire suffisamment pour la consommation locale. Cet appui concernera la mise à disposition de produits avicoles et la fourniture de services techniques en coopération, par l’association avicole nigérianne. »
  • « La Partie Nigériane a donné son accord pour coopérer avec l’Association Nationale des Aviculteurs du Bénin (ANAB).
  • « Pour assurer le développement durable des activités avicoles dans les deux pays, il devra s’instaurer un environnement économique incitatif et une volonté politique pour mettre fin à l’importation de produits avicoles (œufs, poulets morts ou vivants…) des pays non membres de la CEDEAO. »

(Source : le mémorandum de cette réunion signé par des représentants des associations avicoles des deux pays, mais aussi par le Ministre du Commerce du Nigeria et celui du Bénin)

Que certains fonctionnaires de l’U.E.M.O.A. craignent de disparaître dans la CEDEAO, on peut le comprendre. Les Organisations Paysannes de l’U.E.M.O.A. devraient, quant à elles, malgré la difficulté de la langue, se tourner vers le Nigeria. Elles y trouveraient certainement des alliers pour défendre la souveraineté alimentaire et donc un niveau efficace de protection de l’agriculture et de l’élevage par des taxes significatives à l’importation. Autre chose que le TEC (Tarif Extérieur Commun) actuellement en vigueur au sein de l’U.E.M.O.A. Ce TEC, qui fait le malheur des paysans et des éleveurs de l’U.E.M.O.A., mais que certains prétendent étendre à l’ensemble de la CEDEAO. Il est urgent que les paysans et les éleveurs de la CEDEAO fassent entendre leur voix !

Koudougou, le 31 mars
Maurice Oudet

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