Le ROPPA veut sauver la politique agricole de la CEDEAO.
Il propose :

1. d'introduire au sein du TEC une bande tarifaire    
à 50% pour les produits alimentaires.

2. de négocier un Accord de Partenariat Economique
(APE) qui respecte la souveraineté alimentaire
de l'Afrique de l'Ouest

En marge de sa 4° convention ordinaire (voir abc Burkina n° 182) , le ROPPA (Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest) a publié, le 5 avril 2006, un document très intéressant intitulé :

Proposition du ROPPA pour la mise en oeuvre
et la défense de la politique agricole de la CEDEAO (ECOWAP)

Ce document a été envoyé aux structures compétentes de l'UEMOA et de la CEDEAO. Il mérite une large diffusion. Il représente le point de vue officiel  des organisations paysannes de l'UEMOA (plus celles du Ghana et de la Sierra Leone présentes à la convention). Par ses propositions réalistes et la qualité de son argumentation, il devrait pouvoir nourrir les négociations actuelles à l'OMC, comme celles qui ont lieu au sujet d'un APE (Accord de Partenariat Economique) entre l'Union Européenne et l'Afrique de l'Ouest . Nous vous en proposons  quelques extraits plus significatifs.

Introduction

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La réalisation de la souveraineté alimentaire implique nécessairement une réussite de l’intégration régionale. C’est pourquoi le TEC (le Tarif Extérieur Commun qui détermine les taxes douanières) devrait être un instrument qui garantisse aux produits vivriers une protection suffisamment incitative et efficace pour assurer la préférence communautaire, base de l’intégration régionale. C’est pour cela que la transposition du TEC de l’UEMOA à l’ensemble de la CEDEAO mérite d’être sérieusement modifiée pour s’assurer que les objectifs de l’ECOWAP peuvent être atteints.

Parallèlement, il paraît important de s’assurer des chances de la CEDEAO d’atteindre les objectifs de sa politique agricole, lorsqu’à partir de 2008, elle serait amenée à créer un marché de libre-échange avec l’UE, c’est-à-dire ouvrir son marché intérieur aux produits européens conformément aux accords de l’OMC, notamment l’article XXIV du GATT (zone de libre-échange). Toutefois, s'il est entendu que les APE ne peuvent s’affranchir des règles de l’OMC, ils ne devraient en aucun cas imposer aux parties contractantes des conditions plus contraignantes ou moins favorables. C’est pour cela qu’il faut aussi prendre en compte les nombreuses dispositions relatives à l’accès aux marchés des Pays en développement (PED) ou des Pays les moins avancés (PMA).

De toute évidence, l’Afrique de l’Ouest se trouve à un moment déterminant de son histoire économique et sociale avec les négociations des pays de la CEDEAO pour une véritable intégration régionale et celles avec l’Union Européenne pour la création d’une zone de libre-échange. Les résultats de ces négociations vont avoir des conséquences directes ou indirectes sur toutes les couches sociales de la sous région, en particulier celles qui constituent la majorité des populations. Cependant, compte tenu de la structure des économies de la sous région, ce sont les agriculteurs (au sens large) qui pourraient payer le prix fort d’une intégration économique aux produits agricoles et agroalimentaires européens.

Etant les premiers concernés dans la mise en oeuvre de ECOWAP, les exploitations familiales et les producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest, réunis au sein du ROPPA, ont procédé à l’analyse des enjeux et des possibilités qui s’offrent aux pays de la CEDEAO pour mieux adapter les instruments d’intégration régionale aux objectifs de leur politique agricole.

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Ces propositions sont à considérer comme un argumentaire que le ROPPA met à la disposition des gouvernements de la CEDEAO et de l’UEMOA dont la responsabilité est de réussir l’intégration régionale et de négocier des accords favorables à l’agriculture et aux exploitations ouest africaines.

Ainsi, après une analyse de la situation alimentaire et de l’intégration régionale, nous faisons des propositions pour mieux protéger l’agriculture ouest africaine à travers la création d’une cinquième bande tarifaire dans le TEC de la CEDEAO et une ouverture partielle du marché régional dans les APE.

 

1. Contexte et enjeux

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L’ECOWAP est soumise à l’urgence de la mise en place des instruments économiques (TEC, Tarif Extérieur Commun, 2006) et aux défis des négociations commerciales avec l’UE (APE) et l’OMC. Le facteur temps est essentiel pour la réussite du projet. Il a fallu à l’Europe plus de 30 ans de forte protection à l’importation et de fortes subventions pour atteindre son niveau de productivité et de compétitivité actuel, garantir son autosuffisance alimentaire et réaliser son intégration économique.

Qui plus est, malgré 11 ans d’application de l’Accord sur l’agriculture (AsA) où les droits de douane ont été réduits de 36% par rapport à la période de base 1986-88, ils restent infiniment supérieurs dans l’UE à ceux de l’UEMOA-CEDEAO :
de 51 à 75% pour le blé (contre 5%),
47% pour le riz (contre 10%),
65% pour la viande bovine (contre 20%),
75% pour le lait en poudre écrémé (contre 5%) 
et de 90% pour le sucre (contre 20%).

En outre, la capacité de subventionner les agriculteurs pour compenser les faibles prix liés à la baisse des droits de douane est quasi inexistante pour la CEDEAO.

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2. Mesures pour la souveraineté alimentaire

2.1 introduire au sein du TEC une bande tarifaire à 50% pour les produits alimentaires.

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2.2 Imposer une ouverture partielle du marché régional dans les APE.

( Commentaire abc Burkina : le document développe un argumentaire pour montrer comment il est possible de négocier des APE compatibles avec les règles de l'OMC et  qui respectent la souveraineté alimentaire)

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 L’importance du nombre de PMA en Afrique de l’Ouest permet de défendre une proposition favorable d’ouverture asymétrique des marchés dans le cadre de l’APE, avec 100% d'ouverture du marché de l’UE et 50% d'ouverture pour celui de l’Afrique de l’Ouest.

Conclusion

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C'est pour cela que la CEDEAO n'a d'autres choix que de modifier son TEC (Tarif Extérieur Commun) en instaurant une 5ème bande tarifaire de produits taxés à 50 %.

Parallèlement, il faut négocier avec l’UE une libéralisation asymétrique qui permettrait de mieux protéger certaines catégories de produits agricoles alimentaires ou non selon l’importance stratégique qu’il leur sera accordée. On y inclurait tous les produits intervenant dans la souveraineté alimentaire de la région mais également des produits non alimentaires comme le coton et l’industrie textile de manière à valoriser sur place le coton de la région au lieu de continuer à l’exporter à des prix mondiaux très bas et fluctuants.

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Les APE ne doivent pas être plus durs que les règles de l’OMC. "

... / ... ( fin des extraits du document ).

 

Pour lire l'ensemble du document (14 pages) : Proposition du ROPPA

 

Commentaire d'abc Burkina : Ce document marque une évolution importante par rapport aux APE. Il fait preuve de réalisme. En ce sens qu'aucun Etat de l'Afrique de l'Ouest n'est prêt à refuser un APE avec l'Union Européenne. Il fait une proposition  - compatible avec les règles de l'OMC - qui devrait permettre de préserver la souveraineté alimentaire et plus largement le maintien d'une protection suffisante sur les secteurs clés de l'économie des pays de la CEDEAO. Reste que ce type d'APE n'est pas gagné d'avance. Pour l'obtenir, il est certainement nécessaire de faire pression, dès maintenant,  sur les Ministres de l'Agriculture et sur les Ministres du Commerce de la CEDEAO. A cette fin, les organisations paysannes doivent négocier sans tarder des alliances avec les autres secteurs de la société civile (syndicats, ligues des consommateurs, etc.). Ces propositions méritent d'être débattues dans les assemblées parlementaires des différents pays de la CEDEAO. Il faut également chercher à mobiliser la société civile du Nigeria.

Maurice Oudet
Koudougou, le 26 avril 2006

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