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Vous trouverez ci-dessous un article paru dans le quotidien d'information burkinabè, l'Observateur du 11 avril 2003, suivi de quelques commentaires envoyés à la rédaction du journal.

Appel aux lecteurs, spécialement aux lecteurs africains :

je pense que " l'aide alimentaire en riz " en provenance du Japon n'est pas réservé au Burkina Faso. Je serai très intéressé par toute information faisant état d'une aide semblable, surtout si vous pouvez préciser ce que le gouvernement de votre pays a fait d'une telle aide. Par la même occasion, si vous pouvez m'indiquer le prix d'un sac de 50 kg de riz importé sur le marché local près de chez vous (ici au Burkina Faso vous trouvez un sac de riz chinois ou thaïlandais pour
11 000 FCFA, voire 12 000 FCFA), ainsi que les taxes à l'importation (10 % au Burkina, 100 % au Nigéria ! ), je vous en serais très reconnaissant.

 

Les gouvernements japonais et burkinabè ont procédé le 10 avril 2003 à Ouagadougou à la signature de notes concernant un don d’un milliard 800 millions de FCFA. Ce don entre dans le cadre de l’aide alimentaire que le Japon apporte à notre pays.

C’est le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, M. Youssouf Ouédraogo, et l’ambassadeur japonais M. Yuji Kurokawa, qui ont signé chacun pour son pays les notes relatives au projet «Aide alimentaire (KR-2002)». Par cette signature, le Japon met à notre disposition la bagatelle de 1,8 milliard de FCFA destiné à l’achat de riz. Dans son adresse, le ministre Youssouf Ouédraogo a souligné que «Cette cérémonie constitue une manifestation concrète de l’excellence de nos relations bilatérales». Pour lui en effet, ce don est la preuve de la constance de la solidarité du Japon à l’égard de notre pays. Du reste, le fruit de la coopération japonaise est «un apport important pour atteindre les objectifs prioritaires de développement du Burkina Faso». Pour sa part, le diplomate nippon a tenu à préciser que ce don «est destiné à l’achat de riz dans le cadre de l’aide alimentaire KR-2002». Ce don, a-t-il rappelé, vise à soutenir le gouvernement burkinabè dans la résolution des problèmes alimentaires du pays et à l’encourager à valoriser les potentialités agricoles pour faire de la sécurité alimentaire une réalité. Avant de terminer son propos, l’ambassadeur japonais a déclaré que son pays tenait au respect scrupuleux des termes de ce don. Par l’utilisation de ce nouveau don, le montant cumulé des dons octroyés par le gouvernement du Japon au Burkina Faso s’élève à plus de 130 milliards de FCFA depuis 1979.

Signé : San Evariste Barro

 

Cette information est tout à fait intéressante. Pour mieux la comprendre, je pense qu'il faut la situer dans le cadre des accords de l'O.M.C.

 
1) La première remarque que j'ai envie de faire, c'est que cette année la récolte de céréales au Burkina Faso a été globalement excédentaire, même s'il existe des régions largement déficitaires. On peut donc se demander pourquoi cette aide alimentaire ? L'insistance de l'ambassadeur japonais nous met sur la voie : Il commence par dire que ce don "est destiné à l'achat de riz dans le cadre de l'aide alimentaire KR-2002"; puis il insite en disant "que son pays tenait au respect scrupuleux des termes de ce don" (donc qu'il serve bien à acheter du riz... et donc pas du maïs ou autre céréale...).
 
C'est que cette aide va permettre au Japon de respecter la lettre des accords de l'O.M.C. Le Japon taxe fortement le riz à l'importation (à un taux de 490 % !), ce qui empêche l'importation de tout riz étranger. Mais dans les accords de l'OMC, il est spécifié que 5 % de la consommation doit pouvoir entrer librement sans taxe, en se fournissant sur le marché mondial. C'est la fonction de l'aide alimentaire du côté du Japon : Ces 5 % vont être donnés sous forme d'aide alimentaire, ce qui permet de protéger totalement ses producteurs de riz, qui peuvent ainsi vendre leur riz 5 ou 6 fois plus cher que le cours mondial, et donc vivre dignement de leur travail !
 
2) Il me semble que le Burkina, et donc la presse du Burkina, devrait se poser certaines questions :
si le Japon juge bon de protéger ses producteurs de riz jusqu'à ce point, n'est-il pas étonnant que le Burkina laisse entrer le riz disponible sur le marché mondial, à un coût en dessous des coûts de production, et cela sans taxe spécifique, décourageant ses propres producteurs de riz (allez faire un tour dans les rizières et vous verrez l'ampleur du découragement).
 
3) Ce n'est certainement pas la première année que le Burkina reçoit cette sorte "d'aide" ! Il serait très intéressant de savoir ce que le gouvernement a fait de cette aide : a-t-il acheté du riz burkinabè à un "juste" prix, soutenant ainsi ses producteurs de riz à l'instar du Japon (mais aussi des Etats-Unis qui eux achètent le riz au prix fort à leurs producteurs, pour l'offrir aux ONG américaines qui le brade alors sur le marché burkinabè - et autres pays africains ou non) au risque d'enfoncer un peu plus les producteurs burkinabè dans la misère?
Ou plus probablement, a-t-il acheté du riz sur le marché mondial, pour le revendre à bon prix, et renflouer les caisses de l'Etat? Une enquête sur ces questions seraient tout à fait intéressante et permettrait à vos lecteurs de mieux comprendre l'enjeux du commerce international pour l'agriculture, et donc l'importance des négociations qui ont cours actuellement à l'O.M.C.
 
4) Enfin, il serait bon de suivre l'affaire et de demander au gouvernement burkinabè comment il compte utiliser ce don de un milliard 800 millions de FCFA.
 
Cordialement

Maurice Oudet, le 22 avril 2003

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