"Aucun membre du gouvernement n’est passé à Gogo"

jeudi 16 août 2007.

La localité de Gogo vient de connaître de violents affrontements. Jamais cette bourgade de 30 000 habitants n’avait été secouée par une vague de violences d’une telle ampleur. Si le calme semble revenu à Gogo, le climat, lui, reste tendu, comme le souligne un responsable de la province du Zoundwéogo. C’est un village martyr et fantôme que nous avons visité le 10 août dernier.

La délimitation de la zone pastorale et celle agricole a toujours été un casse-tête pour l’Administration à Gogo, village qualifié de "zone rebelle", situé à 15 km de Manga, sur l’axe Manga-Gomboussougou. A Manga-Est, les traces de violences entre éleveurs et agriculteurs restent indélébiles : maisons et greniers calcinés, animaux abattus à coups de fusils et de machettes.

Lohbo Diallo du village de Zem explique, encore sous le choc : "Mes 2 vélos, ma moto, mon grenier sont partis en fumée. Tout mon troupeau a été abattu. Nous sommes devenus des réfugiés dans notre propre pays. On nous prend pour des Togolais ou des Ghanéens." "Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités dans cette affaire. Depuis que nous sommes ici, à part le secrétaire général de la province, aucun membre du gouvernement n’est passé nous voir", s’insurge Ali Bandé du village de Kaman-Baongo. Abdoul Aziz Ouédraogo est étudiant en 2e année de Communication et journalisme à l’université de Ouagadougou, actuellement en vacances dans son village natal Gogo.

Il ne passe pas par quatre chemins pour tirer à boulets rouges sur l’Administration : "Quand j’écoute les habitants de Gogo ici, il m’a tout l’air que les événements étaient prévisibles. Lorsque les animaux détruisent les récoltes, très vite, les éleveurs devancent les agriculteurs chez le préfet. Lorsque des boeufs commettent des dégâts dans un champ, le propriétaire a tout au plus 72 heures pour signaler à la préfecture. Je trouve ce délai trop court dans la mesure où il y a des villages qui sont situés à plus d’une dizaine de kilomètres de Gogo-centre." Hamado Koanda, responsable de la police de proximité, et ses éléments assurent la sécurité des personnes déplacées, rassemblées au niveau de la garderie populaire.

Pour lui, "l’animosité entre éleveurs et agriculteurs à Gogo ne date pas d’aujourd’hui. Issaka Congo qui a été tué possédait un fusil de chasse. Il est connu dans la zone pour être un homme tenace. Il détestait l’injustice. Il résidait au bord du bas-fond où il pratiquait le maraîchage. Une semaine auparavant, son arme avait été volée. Il demandait à l’Administration de procéder à la délimitation entre zone agricole et zone pastorale, soulignant que tant que les choses resteront en l’état, il n’y aura jamais la paix. A la longue, les choses risquent d’être encore plus difficiles vu que nous sommes débordés par le nombre croissant des déplacés. Nous sommes au nombre de 9 et nous montons la garde à 3 de 18h à 6h du matin. Tout ce beau monde n’arrive pas à manger à sa faim. La CONASUR nous a envoyé 9 sacs de riz, des nattes, des couvertures, des dattes et des lampes. Mais jusque-là, il y en a qui dorment sur la terrasse. Entre minuit et 1 h du matin, la terrasse se refroidit. Ils ne peuvent plus dormir. Nous avons aussi des femmes enceintes qui sont malades. L’une d’elles avait ses seins enflés, qui ont fini par s’éclater la nuit dernière. Chose déplorable aussi, nous avons enregistré de nombreux cas de viols".

Quant au gouverneur de la région du Centre-Sud, elle a exprimé toute sa compassion aux familles éplorées avant d’appeler les uns et les autres au calme.

Le lieutenant Yogo, commandant de la Brigade de gendarmerie de Manga, a, quant à lui, indiqué qu’aucune personne n’a encore été interpellée, avant d’ajouter qu’ils attendent que les choses se calment avant de commencer l’enquête proprement dite.

En rappel, des hameaux de cultures ont été le théâtre de troubles sanglants entre agriculteurs et éleveurs à Gogo. Ces affrontements se sont soldés par 3 morts, une dizaine de blessés et de nombreux dégâts matériels.

Par Steven Bayala (Collaborateur)

Le Pays

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