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Oui, l'Europe est vache avec l'Afrique !

Nous avons appris que le Comité Français pour la Solidarité Internationale (CFSI) et SOS-Faim de Belgique et du Luxembourg ont lancé une campagne commune intitulée :

L'Europe est vache avec l'Afrique

Vous ne serez pas étonnés si nous vous disons qu'ici, au Burkina Faso, nous sommes pleinement d'accord avec l'intitulé de cette campagne. Ce ne sont pas les femmes de la laiteries de Koudougou qui vont me contredire. Elles ont dû aligner les prix de leurs yaourts sur ceux d'une laiterie de Ouagadougou qui vient jusqu'ici pour vendre ses produits fabriqués à partir de lait en poudre importé. Je ne sais pas avec quel lait cette laiterie de Ouagadougou fabrique ces yaourts, mais je sais qu'à Ouagadougou vous pouvez trouver des sacs de 25 kg de lait en poudre Vivalait ou Bridel (donc venu d'Europe) à 40 000 F le sac. C'est-à-dire qu'avec 200 F de poudre de lait cette laiterie reconstitue un litre de lait pour préparer ses yaourts. Pendant ce temps, les femmes de la laiterie du Bulkiemdé (à Koudougou) achètent le lait produit localement à 300 F.  Je sais aussi que, si la chaîne du lait en Europe n'était pas subventionnée (depuis l'alimentation du bétail jusqu'à la transformation en lait en poudre), ce lait arriverait au Burkina Faso à plus de 300 F.

Je sais également que l'Europe est en train de faire le forcing auprès des ministres du commerce des Etats de l'Afrique de l'Ouest pour imposer un soi-disant Accord de Partenariat Economique entre l'Union Européenne et l'Afrique de l'Ouest. La CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) a demandé un délai de trois ans pour mieux examiner le document présenté par l'Union Européenne et pour mieux se préparer, mais là encore l'Europe cherche à imposer son agenda : les négociateurs sont venus à Ouagadougou ce mois de décembre pour dire que tout devrait être bouclé et signé dès le mois de décembre 2007. Et cela, malgré l'opposition de la CEDEAO. Les négociateurs africains sauront-ils imposer leur point de vue à l'Europe qui répète à qui veut l'entendre que "tout est négociable, que rien ne sera imposé !".

Mais il est permis d'en douter ! La capacité d'écoute de l'Europe ne semble pas être sa première qualité ! Nous (une trentaine de représentants de la société civile du Burkina) en avons été témoins le 14 décembre dernier. En effet, ce jour-là, nous étions invités par la Délégation de de la Commission européenne à une rencontre d'information et d'échanges sur les enjeux et les opportunités de l'Accord de Partenariat Economique (APE) pour le Burkina Faso.

Cette rencontre était présidée par le chef de la délégation européenne venue négocier les APE avec la CEDEAO. Il nous a dit combien il était heureux de venir nous écouter. Qu'il avait besoin d'entendre notre point de vue. Mais au bout de 90 minutes, l'Union Européenne s'était exprimée pendant 85 minutes, répétant sans cesse qu'elle avait foi au commerce pour entraîner le développement de l'Afrique de l'Ouest. Ainsi, à ce moment de la rencontre (qui n'a duré que 2 heures), nous n'avions eu que 5 minutes pour nous exprimer. Nous avons là, me semble-t-il, une bonne expression du rapport de force qui existe entre les négociateurs africains et européens : 5/85, soit  1/17 !

A cette occasion, la Confédération Paysanne du Faso a eu l'occasion de s'exprimer deux fois à la télévision nationale sur les Accords de Partenariat Economique. C'est ainsi que Madame G. K. (qui possède quelques vaches et une mini laiterie) a eu à comparer les APE au sida !
Les APE - qui vont permettre aux produits alimentaires de l'Europe d'envahir encore davantage les marchés de l'Afrique de l'Ouest - vont enfoncer les paysans et les éleveurs dans la misère. Bientôt, ils ne pourront plus se soigner, ni même se nourrir. "Aujourd'hui, dit-elle, on peut se protéger du sida, mais quand les APE seront signés nous serons sans défense devant l'Europe. Même les fonctionnaires seront concernés, puisque les paysans quitteront leurs villages pour s'installer chez eux, en ville." D'où son cri d'alarme envers les responsables politiques africains pour qu'ils ne sacrifient pas leurs populations en signant de mauvais accords basés sur le libre-échange dans sa forme radicale.

Oui, vraiment, l'Europe est vache avec l'Afrique !

La CEDEAO va-t-elle céder devant l'Europe ou va-t-elle, dans un sursaut démocratique, se mettre à l'écoute de sa société civile ?

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