Déclaration Finale de la COPAGEN BURKINA (Coalition pour la protection du patrimoine génétique)
sur l’introduction et la généralisation de la culture du coton transgénique au Burkina

Depuis ces dix dernières années, l’Afrique subit une pression de plus en plus forte des pays du Nord, des instituions internationales (BM, FMI, OMC),  et des multinationales qui se soutiennent mutuellement pour introduire les organismes génétiquement modifiés (OGM) dans les pratiques agricoles du continent sous le couvert de la biotechnologie moderne.

 

En Afrique de l’Ouest, en particulier, de nombreuses initiatives sont en cours visant toutes la promotion des  OGM ou la création de cadres réglementaires  propices à la vulgarisation des cultures transgéniques. Ce sont entre autres, le Programme du CORAF/WECARD sur la Biotechnologie et la Biosécurité, l’initiative du CILSS en Biosécurité, le Plan d’Action pour la Promotion de la Biotechnologie et la Biosécurité dans l’espace CEDEAO, le projet régional ouest africain (Bénin, Burkina faso, Mali, Sénégal, Togo) de biosécurité ,  presque tous financés par le même partenaire, l’USAID avec le soutient de la Banque Mondiale.

 Il est particulièrement préoccupant que ces nombreuses initiatives soient prises par des acteurs tous extérieurs  au continent, dans le but de lui imposer de l’extérieur ce qu’elles ont convenu d’appeler la « révolution génétique », mais qui s’avère en réalité de véritables agressions contre les sociétés paysannes Ouest africaines en particulier et toutes les populations en général.

 Notre pays, le Burkina Faso, n’a pas résisté à cette agression ; bien plus, il a été le premier pays en Afrique de l’Ouest à s’engager, et cela depuis 2003, dans cette aventure de la transgenèse  par l’introduction  des essais de culture de coton transgénique. Les premiers semis dits « en champ isolé » ont été effectués en fin juin 2003 sur deux stations de recherche de l’INERA (l’Institut National de l’Environnement et de Recherche Agricole), à l’est et à l’ouest du pays. La restitution des résultats de ces premiers essais, menés on le sait de façon non indépendante, ont, selon leurs initiateurs, conclu à des résultats probants. Forts donc de ces résultats, et de ceux issus de l’expérimentation en plein champ du coton transgénique Bolgard II, le gouvernement a affirmé son intention de procéder, à partir de 2008, à la généralisation de la culture du coton transgénique et ce, en l’absence d’un débat national sur une question aussi grave.

 A cet égard, il convient de rappeler que le  Burkina a ratifié la Convention sur la diversité biologique, le protocole de Carthagène, et adopté de concert avec les autres pays de l’UA  les modèles africains de lois sur la biosécurité et les droits des communautés adoptés par les chefs d’Etat africains en juillet 2001 à Lusaka. Il est également partie prenante du Codex alimentarus de la FAO.

 En rappel,

La convention sur la diversité biologique reconnaît le droit de souveraineté des Etats sur leurs ressources biologiques. De ce fait, la collecte de ces ressources est subordonnée à "l'accord préalable donné en connaissance de cause" par l'Etat qui possède ces ressources.

L’objet du Codex alimentarius (de la FAO) est de protéger le consommateur des effets pervers des produits alimentaires. Le protocole de Carthagène reconnaît que les OGM sont porteurs de risques et méritent un traitement spécifique. Il fait part de la nécessité d’une gestion équitable des ressources biologiques et de la prévention liée aux risques biotechnologiques. Le principe de précaution est préconisé dans ce protocole, et les pays, en acceptant de signer et de ratifier ce protocole, adhèrent donc à ce principe.

 La loi « Modèle » de l’Union Africaine sur la sécurité en biotechnologie complète le Protocole de Carthagène qui a été signé par notre pays. Elle accorde une importance particulière à l’évaluation et à la gestion des risques (Articles 8 et 9). Selon cette loi, « Aucune décision d’importation, d’utilisation confinée, de dissémination ou de mise sur le marché d’un OGM ou dérivé d’OGM ne peut être prise par l’Autorité compétente sans évaluation des risques pour la santé humaine, la diversité biologique et l’environnement, notamment ses conséquences sur l’environnement socio-économique et les normes culturelles.

La loi Modèle pour la protection des droits des communautés estime que la privatisation des formes de vie, à travers le régime des droits de propriété intellectuelle, viole le droit fondamental à la vie et va à l’encontre du concept africain du respect de la vie (non brevetabilité du vivant). De solides arguments éthiques justifient l’exclusion des micro-organismes, végétaux ou animaux du système de brevets.

 Toutes ces conventions et textes que nous avons ratifiés prévoient un mécanisme d'information, de sensibilisation et de participation du public à la prise de décision. C’est dire qu’en matière de sécurité en biotechnologie, la décision ne doit être prise qu’après une large information et sensibilisation des populations sur les avantages mais, aussi et surtout, les risques liés à l’utilisation des produits transgéniques. Le public doit être réellement impliqué à la prise de décision (il ne s’agit pas de ces rencontres auxquelles les participants sont invités un ou deux jours avant sans avoir eu l’occasion d’examiner profondément les documents parfois remis séance tenante comme nous avons coutume de le faire. Exemple : la validation du projet de loi sur la biosécurité, ses arrêtés et décrets).

 Même le cadre  réglementaire conséquent pour protéger les populations et l’environnement des risques liés aux OGM n’est pas totalement mis en place ;  à ce jour, nous avons seulement l’agence nationale de biosécurité qui est mise en place, une loi portant régime de sécurité en matière de biotechnologie qui a été votée en mars 2006, des décrets d’application de cette loi qui sont toujours dans le circuit pour être examinés, la mise en place d’un Comité Scientifique National de Biosécurité. Il reste encore la mise en place d’un Observatoire National de Bio surveillance, de Comités Scientifiques internes de Biosécurité, comme le prescrit notre loi en son article 53.

 Au regard de tout ce qui précède, la prudence requiert que nous nous abstenions de nous lancer dans cette aventure. Nous savons tous que les produits dérivés du coton sont utilisés dans l’alimentation humaine et animale au Burkina Faso. Or, de plus en plus d’études montrent que les risques liés à la consommation de produits transgéniques sont réels (problèmes d’allergie, etc.).  Non seulement la participation du public n’a pas été respectée au moment de la prise de décision d’introduire des OGM sur le territoire burkinabé, mais bien plus, l’on veut nous les faire produire et consommer  sans requérir notre avis !

 Les firmes qui encouragent ce jeu, gardons-le à l’esprit, sont toutes des firmes qui avaient dans le temps produit les pesticides et les engrais de la révolution verte des années 70. Vu les résultats désastreux de leurs produits sur l’environnement et voyant que pesticides et engrais chimiques sont de plus en plus contestés dans le monde, ils se sont reconvertis dans la production de semences et entendent gérer le monde par ce biais. Tant qu’il s’agissait d’hybrides qui étaient mis au point cela pouvait encore être accepté, mais à partir du moment où nous sommes passé dans la manipulation du vivant (les OGM sont des produits obtenus à partir de la manipulation de gènes, c’est-à-dire l’essence même de la vie : ce sont des produits artificiels, c’est-à-dire qui n’auraient jamais pu exister si l’homme ne les avait pas créer), nous ne pouvons plus rester les bras croisés, parce qu’en Afrique cela est contraire à notre éthique.

 Il est vrai que les promoteurs des OGM affirment que les produits agricoles transgéniques vont rapporter  de larges bénéfices aux paysans et aider à réduire l'utilisation des pesticides. Mais l’ exemple de l’Inde est là pour affirmer  le contraire ; en effet, les données collectées sur le coton Bt dans les champs des cotonculteurs par plusieurs services gouvernementaux et autres chercheurs indépendants montrent que le coton Bt a échoué. Des études menées également  sur le coton Bt au Mexique, en Argentine et en Afrique du Sud ont étés non concluantes. Aux Etats-Unis, ces études, conduites récemment, montrent  que le maïs développe de la résistance.

 Aujourd’hui, il est clair que les problèmes du coton dans la sous région Ouest Africaine n’ont rien à voir avec les semences, la productivité ou les rendements. Tout le monde sait que le coton africain est compétitif. Mais que les problèmes qu’il rencontre résident dans les subventions que les Etats-Unis et l’Europe octroient à leurs propres producteurs de coton en violation des règles de l’OMC qu’ils ont eux-mêmes contribué à mettre en place, bloquant ainsi de façon injuste la compétitivité du coton africain sur le marché international. On s’étonne que dans ces conditions, certains pays de la sous région, notamment le Burkina, investissent des ressources importantes et rares dans la production du coton Bt.

 Aussi, Monsieur le Premier Ministre, considérant que l’introduction des OGM dans notre pays pose la question centrale du contrôle politique de l’agriculture et de l’alimentation dans le contexte actuel de globalisation de l’économie ;

 Considérant que les OGM posent de sérieux problèmes environnementaux liés à l’agriculture, des problèmes d’ordre économique, politique, culturel, éthique et sanitaire tant pour les hommes que pour les animaux ;

 Considérant que l’imposition des OGM à l’agriculture africaine va contre les droits des communautés locales et contribue à une dépendance plus accrue des paysans et des paysannes vis-à-vis des multinationales semencières et de l’extérieur ;

 Considérant que l’introduction des OGM dans notre  pays  entraîne des conséquences non seulement pour lui, mais aussi pour les autres pays environnants ;

 Nous, membres de la société civile du Burkina,

 

  • sommes particulièrement préoccupées par la situation qui prévaut dans notre pays en ce qui concerne l’introduction et les expérimentations en champ du coton Bt , et maintenant par l’engagement pour une production au plan national ;
  • exprimons nos plus vives protestations face à la manière dont le coton Bt est introduit au Burkina Faso au mépris des engagements internationaux auxquels nos pays ont souscrit, démarrant des expérimentations en champ de coton Bt, sans information publique suivie de débats contradictoires et avant d’avoir mis en place un cadre juridique de biosécurité conséquent dans le pays ; et nous engageant sans avoir pris toutes les mesures de précaution dans la culture du coton transgénique.
  •  Demandons :
    • qu’un débat public soit ouvert sur le sujet ;
    • en attendant que les populations soient largement informées sur la question afin de décider en toute connaissance de cause, un moratoire au Burkina.
    • qu’un souci de transparence anime les promoteurs des cultures OGM et que les producteurs concernés puissent avoir accès aux performances réelles du coton BT.

Soucieux de ne pas voir se reproduire la même situation dans les autres pays de la sous région, 

  • appelons nos gouvernants au respect des engagements internationaux auxquels ils ont souscrit pour la protection de la biodiversité et la promotion de la biosécurité 
  • invitons les organisations de producteurs et productrices, les ONG en activités, les organisations de consommateurs à la vigilance permanente pour empêcher la prise en otage de l’agriculture africaine et partant la réduction des paysans et paysannes à la pauvreté et à la misère.

Ensemble, forts de la conviction qui nous anime et confiants dans la solidarité agissante et chaque jour  plus forte que nous tissons dans la sous région, nous affirmons notre détermination à exiger la prise en compte des intérêts des communautés locales et à n’avoir de cesse d’agir tant que les Etats de la sous région, soutenus par les multinationales propriétaires des OGM, tenteront de les imposer à l’agriculture africaine et de contrevenir aux droits des communautés locales.

 

Ouagadougou le 19/02/2008

Ont signé :

ACF
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ACORD
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ARFA/ONG
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CANAL 3
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CCAE
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CNTB
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Commission « Justice et Paix »
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DIOBASS
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FENAFER-B

FENOP
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FENUGGF

FNJPA-F
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FEPPASI
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Inades formation /Burkina
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LCB

OCADES-Burkina
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SAVANE FM
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SEDELAN
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SYNTAP
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THEATRE DE L’ESPOIR

UGCPA/BM

UNGVT de Tanlili Zitenga
BP 468 Ziniaré

URJPA/Haut Bassins

Association TIN TUA
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Composition des organes :

Point Focal : Inades Formation/Burkina

Groupe d’Animation : CNTB – CCAE – FENOP – ACF – URJPA/Hauts Bassins – Ligue des Consommateurs du Burkina

Comité Communication et Plaidoyer : ACORD – SAVANE FM – SEDICO – Théâtre de l’Espoir – CANAL 3 – SYNTAP


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