Forum de Bamako… suite :

 Résistances, résistances...

Dans les précédents numéros d’abc Burkina, Maurice a évoqué quelques questions soulevées au forum social de Bamako.

 J’ajoute ici quelques autres aspects qui m’ont particulièrement touchés.

 A plusieurs reprises, pour rejoindre les lieux de conférences du forum, j’ai emprunté les « SOTRAMA », taxis collectifs où l’on s’entasse à 10 ou 15… Mon jula (dialecte de la langue Bambara, parlé au Burkina Faso) m’a permis d’échanger avec mes compagnons et compagnes de voyage, et chaque fois que je disais que j’étais français, revenait la question de l’immigration. L’âme malienne a été profondément et durablement blessée par le mépris de la France (des dirigeants français ?) dans le traitement de cette question. Oui, beaucoup de maliens (d’Africains de l’Ouest ?) veulent venir en France pour envoyer de l’argent au pays… Oui, l’agriculture au Mali, comme ailleurs bien souvent en Afrique de l’Ouest, ne nourrit pas ses enfants, les banlieues de villes africaines encore moins. Les coûts de production sont à peine couverts par les prix offerts par le « marché »… Le travail du paysan n’est pas correctement rémunéré… Et ceux qui ont trouvé un travail en Europe aident réellement le pays par des envois considérables d’argent… Quand on n’a plus rien à perdre (et éventuellement tout à gagner), pourquoi ne pas tenter sa chance et rejoindre ces pays qui ont accumulé pour eux seuls tant de richesses ? Beaucoup d’ateliers ont abordé ces questions au forum. Libre circulation des capitaux, des marchandises et des services… mais surtout pas des hommes et des femmes…

 Partout, les privatisations sont imposées, sans autre raison fondamentale que la privatisation des profits immédiats… et éventuellement le renvoi au contribuable des charges d’investissement à plus long terme… A ce propos, un cri a jailli du cœur des maliens : pourquoi privatiser le chemin de fer construit par la sueur et le sang des maliens astreints aux travaux forcés durant la colonisation… Pourquoi ? Plusieurs ateliers ont abordé ces questions dénonçant une recolonisation intensive et une nouvelle spoliation des richesses actuelles de l’Afrique par les multinationales : il faut résister…

 Il faut résister. Ce fut le maître mot de plusieurs ateliers auxquels j’ai plus directement participé.

 Résister aux semences OGM si elles n’ont pas prouvé leur supériorité sur les semences traditionnelles, si les profits éventuellement réalisés ne reviennent pas aux paysans, si elles préludent à l’appropriation des semences par les multinationales et l’asservissement des agricultures du monde à leurs seuls intérêts à court terme.

 Résister aux APE (Accords de Partenariat Economique proposés par l’Union Européenne) qui, en libéralisant les échanges, ne laissent pratiquement aucune chance aux produits agro-alimentaires (trop souvent recalés aux frontières pour des motifs multiples) ni aux productions naissantes encore trop fragiles…

 Résister à l’appropriation systématique de tous les savoirs traditionnels, des terres et de l’eau  par des multinationales plus puissantes que les états qui, au gré de leurs seuls intérêts à court terme, peuvent déstabiliser des pays entiers, ruiner des peuples et conduire à la misère une foule innombrable… ;

 Et puis, il y a aussi ceux qui travaillent au quotidien, au ras des pâquerettes, dans l’ombre, pour rendre leur dignité à tant d’hommes et de femmes, d’enfants si terriblement malmenés dans un monde si violent qui les écrase. ATD Quart-Monde, Secours Catholique, Associations s’opposant à la traite des enfants, aux violences faites aux femmes… Nombreux sont ceux qui sont venus là, découvrir qu’ils ne sont pas seuls dans ces combats, raviver leur espérance ensemble pour un autre monde, pour un monde meilleur…

 David contre Goliath ?

 N’oubliez pas la fin de l’histoire…. c’est bien David qui a gagné !

 Jacques Lacour
(Koudougou, le 10 février 2006)

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