Bush envoie 6 000 soldats à la frontière du Mexique.

Où l'Europe enverra-t-elle les siens quand les APE seront signés ?

Peut-être vous demandez-vous : " Qu'est-ce qu'un APE ? " Vous n'êtes pas le seul. Je viens en effet de rencontrer un député du parlement européen qui n'était pas plus au courant que vous. Mais là, c'est inquiétant !

En effet, un APE, c'est un des accords que l'Europe se prépare à signer avec différentes régions d'Afrique (et aussi du Pacifique et des Caraïbes). Au début, on parlait d'ALE (Accord de Libre-Échange). Mais comme cela faisait peur à certains (avec raison, nous allons le voir ci-dessous), l'Europe a changé de vocabulaire. Elle parle maintenant d'Accord de Partenariat Economique (APE). Mais la réalité, elle, n'a pas changé !

Il y a quelques jours (le 16 mai 2006), j'ai entendu M. Bush annoncer qu'il allait mettre 6 000 soldats à la frontière du Mexique pour stopper l'immigration clandestine. Ces soldats viendront renforcer les patrouilles de gardes frontières déjà en action.

Par là, le président Bush rejoint une préoccupation forte des Américains et spécialement du Congrès américain. Ce dernier a voté, le 16 décembre 2005, à une écrasante majorité, un projet de loi anti-migration très répressifs. Ce projet prévoit la construction de 5 pans de mur à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Totalisant 1 000 km, un tiers de la frontière, ce mur aura une hauteur de 4,5 m.

Son annonce a fait l'effet d'une bombe au Mexique. D'habitude modéré avec son grand voisin du nord, le président Vicente Fox a dénoncé une «hypocrisie» en arguant qu'il n'était pas possible qu'au «XXIe siècle, on puisse construire un mur entre deux nations voisines, entre deux nations soeurs, entre deux nations associées.»

Pourquoi le président du Mexique parle-t-il de "nations soeurs", de "nations associées" ? Parce que, en  janvier 1994, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont lancé l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et formé ainsi la plus vaste zone de libre-échange du monde. Le président Fox parle donc de nations soeurs et de nations associées, pendant que l'Europe parle de partenariat. 

Aujourd'hui, il est temps de nous demander à qui profite l'ALENA ? Une chose est sûre : "Pas aux paysans mexicains".

Déjà en 2003, André Maltais écrivait :

"En 2000, une étude du professeur Alejandro Nodal, du Collège de Mexico, révélait que, depuis 1994, année d’entrée en vigueur de l’ALENA, quinze des vingt millions de paysans mexicains avaient perdu une source de revenus suffisante pour envisager d’abandonner leur terre.

Aujourd’hui, un million de petits producteurs de maïs sont passés aux actes et, chaque jour, 600 autres font de même. Un autre million d’entre eux doivent quitter leur ferme au moins une partie de l’année pour aller chercher les revenus de subsistance que leur procurait autrefois la vente de leurs récoltes.

Cela va s’aggraver au cours des prochaines années puisque les deux principales cultures du pays, les fèves et le maïs, doivent, d’ici 2008, passer dans le tordeur de l’ALENA.

Au Mexique, le maïs à lui seul occupe 60 % des terres cultivées et équivaut à 60 % de la valeur produite par toute l’agriculture. Il fait vivre les familles de trois millions de paysans et 40 % des travailleurs de tout le secteur agricole, soit 8 % de la population du pays. "

.../...

"Les paysans mexicains vivaient du maïs depuis plus de 5000 ans jusqu’à ce que l’ALENA, en seulement neuf ans, impose une augmentation de 40 % des importations de maïs américain" (car ce maïs profite de subventions américaines !).

(Source : Source :http://www.lautjournal.info/autjourarchives.asp ?article=1449&noj=220 )

L'ALENA n'a pas créé l'immigration mexicaine vers les USA, mais en détruisant les campagnes, il l'a considérablement renforcé.

Or les APE sont tout à fait comparables à l'ALENA. 

Avec une différence, mais de taille : En 1994 au Mexique, les paysans représentaient 25 % de la population. En Afrique, dans de nombreux pays, plus de 70 % de la population sont composés d'agriculteurs et d'éleveurs. Où iront-ils quand les APE seront signés ? C'est-à-dire quand l'agriculture africaine sera en concurrence directe (sans protection douanière) avec l'agriculture européenne techniquement très développée et de surcroît subventionnée ! Où iront-ils quand l'effet dévastateur de ces accords de libre-échange aura enfoncé ces paysans dans la misère ? Les villes africaines ne seront pas capables de les accueillir. Où chercheront-ils à se rendre, sinon, pour la plupart, en Europe ?

Que fera alors l'Europe ? 

Où placera-t-elle ses soldats ? 

Où construira-t-elle son mur ?

Maurice Oudet, le 2 juin 2006

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