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Savez-vous où poussent les tomates qui permettent aux italiens d'inonder l'Afrique, notamment l'Afrique de l'Ouest, de ses concentrés de tomates ? Dans le sud de l'Italie ? Non !

En Chine ? Oui !

Les commerçants chinois exportent leurs concentrés de tomates vers l'Italie. Ces concentrés n'ont pas la qualité qui permettrait aux italiens de les vendre sur leur propre marché. Aussi, les italiens se contentent de les mettre en boîte avec leurs propres marques et le label "produit en Italie". Ce qui ne garantit pas l'origine des tomates, mais seulement la mise en boîte. C'est une pratique courante.

C'est ainsi qu'au Togo, vous trouvez de la noix de coco râpée et séchée importée du nord de la France. C'est ainsi que Nestlé commercialise au Ghana du lait concentré liquide "fabriqué au Ghana à partir de lait pur de vache". Mais quand vous téléphonez au service consommateur de Nestlé, on vous dit que les vaches qui ont produit ce lait sont en Europe !

Encore un exemple. C'est ainsi qu'à Ouagadougou vous trouvez plusieurs sortes d'huiles de table "garantie 100 % OGM", et importées du nord de la France. Des huiles de table que vous auriez du mal à trouver dans tout Paris !

Or, que se passe-t-il aujourd'hui ? L'Union Européenne est en train de négocier des Accords de Partenariat Economique (APE) avec quatre régions d'Afrique (dont l'Afrique de l'Ouest), plus le Pacifique et les Caraïbes (c'est-à-dire les pays ACP). Un point crucial de ces négociations, c'est la liste des produits sensibles. C'est-à-dire la liste des produits qui seront à l'abris de la libéralisation des échanges entre l'Union Européenne et les pays ACP. La liste des produits qui pourront être protégés par des taxes à l'importation.

Or le cycle actuel des négociations à l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), appelé cycle de Doha, contient également une négociation très importante sur les produits sensibles. L'Europe met constamment en avant les règles commerciales de l'OMC dans ses négociations avec les pays ACP. Or, ces règles sont en train d'être négociées. La question des produits sensibles est au coeur de ces négociations. Il est donc urgent d'attendre avant de signer un Accord de Partenariat Economique avec l'Union Européenne.

Prenons un exemple. Celui de la tomate et de ses produits dérivés, comme le concentré de tomates. On peut penser que l'Afrique de l'Ouest obtiendra que la tomate soit reconnue comme un produit sensible à l'OMC, mais pas par l'Europe dans ses négociations avec l'Afrique de l'Ouest. Cela veut dire que la Chine continuera à inonder l'Afrique de l'Ouest en concentré de tomates "made in Italy" ou "mis en boîte en Italie".

Or la marge de manoeuvre des négociateurs africains face à l'Union Européenne (et de son arme de dissuasion massive qu'est le Fonds Européen de Développement) semble très faible, et pas à la hauteur des espérances des paysans africains. Il semble que l'OMC soit plus favorable au développement de l'Afrique que les APE que proposent les commerçants de l'Union Européenne. Pour limiter la casse, une première étape décisive dans les négociations avec l'Union Européenne en vue des APE serait de ne rien signer avant les conclusions du cycle de Doha, donc avant la fin du cycle actuel de négociations à l'OMC.

En conclusion : il est urgent d'attendre !

Koudougou, le 7 avril 2007
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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