De passage à Paris :

Le commerce équitable
et le cauchemar de Darwin

 De passage à Paris, je tombe en pleine quinzaine du commerce équitable. C'est ainsi que je me suis rendu dans quelques magasins du quartier où je loge. Les produits annoncés étaient bien là. A Monoprix, par exemple, j'ai trouvé du café, du chocolat, du thé, du jus de fruit, du sucre, du miel , des bananes et des ananas (principalement des produits Max Havelaar). Mais j'ai eu du mal à les trouver. J'ai dû me faire aider par le responsable du secteur "alimentation". Ces produits n'étaient pas signalés comme les produits "bio", bien repérables. Et surtout, comme la direction de Monoprix le signale elle-même, actuellement cela ne représente que 20 produits sur 40 000 ! Soit

1 sur 2 000 !

Le commerce inéquitable est toujours là !

Par contre, c'est sans difficulté que j'ai trouvé des "briques" d'un litre de lait entier à 525 F CFA soit 0,8 €.  Et je me suis demandé : comment se fait-il qu'un litre de lait entier reconstitué à partir de lait en poudre venu d'Europe ne coûte que 200 F CFA ( 0?3 € ) au Burkina Faso ? En fait, je le sais en partie : c'est principalement à cause des subventions européennes à la filière lait (y compris les subventions à l'exportation qui sont toujours là, même si on annonce, sans date (!), leurs suppressions). C'est ce lait en poudre qui rentre en masse au Burkina Faso et dans tous les pays de l'Afrique de l'Ouest qui a empêché jusqu'à aujourd'hui le développement de la filière lait dans cette région d'Afrique.

Le commerce inéquitable se porte bien !

Après cette visite à Monoprix, j'ai décidé d'aller voir le film de Sauper : 

 

Je n'ai pas été déçu. Si vous avez l'occasion d'aller voir ce film, n'hésitez pas. Vous y découvrirez un aspect du commerce inéquitable qui mérite notre attention ! Alors que le plus souvent les pays riches, comme l'Europe, nous envoie leurs déchets après avoir consommé les bons morceaux (pensez aux ailes de dindes et autres morceaux de poulets congelés qui entre par conteneur entier en Afrique de l'Ouest), dans ce film nous est décrit le phénomène inverse. Le film se passe en Tanzanie, autour du lac Victoria. Les pêcheurs y captures de magnifiques poissons : des perches du Nil qu'ils vendent à une société traitent ces poissons. Les filets seront conditionnés dans des caisses qui partiront en Europe. Seules les carcasses resteront en Tanzanie, et seront consommées par la population pauvre qui vit au bord du lac. Les bons morceaux partent en Europe, les déchets restent en Afrique.

Le commerce inéquitable sera-t-il donc toujours et partout le plus fort ?

Autre aspect de ce commerce et non des moindres. Pour rentabiliser l'affaire, les avions qui exportent le poisson vers l'Europe, transportent des armes vers l'Afrique. C'est ainsi qu'au cours de ce documentaire un pilote russe nous apprend comment, une année, peu avant Noël il a transporté des armes vers l'Angola, avant de continuer sur l'Afrique du Sud pour prendre une cargaison de raisins destinée à l'Europe. Comme il dit : "Pour Noël, des armes aux enfants d'Afrique, du raisin pour les petits européens".

Quand finira donc ce commerce inique ?

En sortant de la salle de cinéma d'arts et d'essais où le film était projeté je me disais : une quinzaine de commerce équitable, c'est bien. Mais, malheureusement, quelque peu dérisoire. Pourquoi, pendant cette quinzaine, ne dénonce-t-on pas plus le commerce inéquitable ? Il me semble que ce que j'écrivais il y a deux ans sur le commerce équitable reste d'actualité : il est nécessaire, pendant cette quinzaine du commerce équitable, de ne pas se contenter de faire la promotion de quelques produits, il faut aussi organiser des animations pour faire connaître l'iniquité de la presque totalité du commerce. Pourquoi cela ne se fait-il pas ?

Oui, le commerce inéquitable a encore de beaux jours devant lui !

Une bonne nouvelle pourtant : c'est la sortie du livre de Jean-Pierre Boris (qui a animé quotidiennement pendant 7 ans la "Chronique des matières premières" sur RFI. Son livre s'intitule :

Commerce inéquitable

Le roman noir des matières premières

Ce livre, en effet, se lit comme un roman. Il s'agit d'une coédition (Hachette et RFI). Il est vendu 17 € en France. Jean-Pierre Boris y est sans doute trop sévère dans son jugement sur le commerce équitable, mais tous ceux qui s'impliquent dans ce commerce devraient lire ce livre, et notamment le chapitre 6 "Le mirage équitable", et faire la promotion de ce livre en même temps que celle de leurs produits, spécialement au cours de la prochaine "quinzaine du commerce équitable.

Maurice Oudet
Paris, le 14 mai 2005

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