"Les américains taxent 
les producteurs de coton africains 
pour reconstruire les tours du World Trade Center."

Ce jeudi 28 novembre 2002, j’ai eu l’occasion d’échanger avec un groupe de producteurs de coton du sud-ouest du Burkina Faso. Je leur ai demandé s’ils savaient pourquoi le prix d’achat du coton-graine (c’est à dire le coton tel qu’il est fourni par le producteur pour être porté et traité à l’usine d’égrenage) était passé, pour la meilleure qualité (« premier choix ») de 200 FCFA le kilo (la saison 2001 – 2002) à 175 FCFA pour la récolte actuelle (saison 2002 – 2003). Voici la réponse que j’ai obtenu :

"Les américains taxent les producteurs de coton africain pour reconstruire les tours du World Trade Center."

Ce producteur parlait sérieusement. Il n’a pas dit cela pour nous faire rire. C’est vraiment ce qui se dit, ce que les gens croient dans son village, et sans doute dans quelques autres.

Cela veut dire que les organisations paysannes (spécialement l’UNPCB), les médias (mais surtout les radios locales) ont encore beaucoup à faire pour informer l’ensemble des producteurs de coton.

Mais tout n’est pas faux dans cette assertion. Quelque part, ils ont compris que les américains étaient la cause de la baisse de leurs recettes (compte tenu du coût de production de ce coton, cela représente une baisse de 25 % de leur bénéfice). En effet, c’est bien parce que les producteurs de coton américains sont subventionnés qu’ils produisent tant de coton, et donc qu’ils inondent le marché mondial. Et c’est bien cette surproduction qui entraîne l’effondrement des cours sur le marché mondial. Les usines d’égrenage qui achètent le coton aux producteurs africains sont obligées de s’adapter au marché mondial.

Voici ce qu’en disent des voix mieux informées (comme celle de M. Eric Hazard de l’ONG Enda – Sénégal, ou encore celle d’OXFAM)

Les subventions américaines condamnent les producteurs de coton africain à la pauvreté.

Si ces politiques de subventions vont à l’encontre des règles de l’OMC, elles sont aussi et surtout l’exact contraire de la devise américaine « Trade not Aid ». Certaines études estiment que pour l’année 2001, les 8 producteurs d’Afrique de l’Ouest ont perdu près de 191 millions de dollars directement du fait des subventions américaines. De nombreux travaux confirment ces tendances lourdes et quelques statistiques peuvent facilement les illustrer :

Lorsque le Mali recevait 37 millions de dollars de l’aide américaine, il en perdait près de 43 millions, soit 1,7 % de son PIB ou 8 % de ses recettes d’exportation.

Au Tchad, au Bénin, au Burkina Faso…, les fonds reçus au titre de l’allégement de la dette, à travers l’initiative PPTE, par certains pays seront inférieurs aux sommes perdues par les filières cotonnières.

Afin de payer les prix garantis aux producteurs de coton, l’Etat Burkinabé a contracté de nouvelles lignes de prêt auprès des institutions de Brettons Wood, un comble pour une culture censée lui rapporter des devises !

Enfin, nous retiendrons que les producteurs de coton américains reçoivent des subventions trois fois supérieures au budget global que l’USAID consacre à quelques 500 millions de personnes en Afrique.

Conclusion :

Quand les fédérations nationales de producteurs de coton ont lancé leur appel solennel contre les subventions aux producteurs américains et européens, elles ne disposaient pas de ces chiffres. Mais très vite, elles ont compris que c’était l’avenir de chaque producteur de coton africain qui était en jeu. Elles ont été les premières à réagir, avant les gouvernements ou les sociétés d’égrenage. Elles ont trouvé des appuis auprès d’associations de solidarité internationale. Le travail de plaidoyer et de lobbying de ces fédérations nationales de producteurs de coton ouest africaines a participé, de façon directe et indirecte, à l’intérêt que la Banque Mondiale et le FMI ont porté à ces filières lors de leurs réunions annuelles du mois d’octobre passé. C’est peut être là que se trouve l’enseignement le plus important des filières cotonnières ouest africaines : désormais, il sera difficile d’ignorer les organisations paysannes dans l’élaboration de toute politique agricole. C’est un encouragement pour le mouvement paysan, et un avertissement aux responsables politiques, comme aux « experts » des organisations internationales et aux partenaires au développement.

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