Les éleveurs peuls de la province des Banwa sont déterminés à s’alphabétiser en fulfulde.


A l’invitation de l’Union Provinciale des Eleveurs de la province des Banwa, je viens de passer 3 jours entre Solenzo et Kouka. En effet, les éleveurs de cette province (située à l’ouest du Burkina) avaient manifesté leur désir de pouvoir apprendre à lire, à écrire et à calculer dans leur langue le fulfulde. Il s’agissait donc d’aller à la rencontre des éleveurs dans leurs campements pour apprécier leur détermination et leur degré d’engagement dans la prise en charge des dépenses.

Vue sur le campement peulHommes et femmes, tous sont très déterminés à faire le nécessaire pour ouvrir un centre en fulfulde.C’est ainsi que nous avons rencontré les éleveurs dans 7 de leurs campements. J’ai été impressionné par leur forte détermination tant du côté des hommes que des femmes. Si, pour des raisons sociales, les femmes s’asseyaient un peu en retrait, et si au début, elles avaient un peu de mal à s’exprimer devant les hommes, ce sont elles qui souhaitent le plus fortement cette alphabétisation en fulfulde. Il faut dire qu’un nombre non négligeable d’hommes est déjà alphabétisé en arabe et/ou en jula.

Il est intéressant de noter que dans cette province les éleveurs sont très bien organisés. Les visites dans les campements avaient été bien préparées. Nous étions accompagnés du président de l’Union, très respecté par l’ensemble des éleveurs. C’est lui qui expliquait les conditions pour obtenir un centre dans leur campement (cotisation, construction d’un hangar avec tables et bancs et un tableau, 30 inscriptions, avec si possibles plus de femmes que d’hommes…).

Nous étions accompagnés aussi d’un superviseur : un jeune homme peul qui a déjà 6 ans d’expérience d’alphabétisation en jula. C’est lui qui supervisera les 10 centres que, ensemble, nous avons décidé d’ouvrir le 4 septembre prochain. Les éleveurs peuls ont choisi cette date, car actuellement tous sont revenus de la transhumance. Les 10 animateurs ont déjà reçu une formation de 3 semaines. L’Union (à ses frais) a décidé de compléter cette formation par un nouveau stage de 15 jours qui commencera le 15 août prochain. Pour cette formation, il dispose d’un formateur en provenance de Tiou, au nord de Ouahigouya.
Une fois de plus, nous avons donc constaté qu’aujourd’hui les éleveurs peuls manifestent fortement leur volonté de se former, en commençant par l’alphabétisation dans leur langue, le fulfulde. Cela n’a pas toujours été le cas. Mais il me semble qu’il faudrait tenir compte de cette évolution et essayer de répondre à cette demande.

Ces jeunes femmes, après la causerie, sont venues vers nous pour nous dire combien elles veulent s'alphabétiser en fulfulde.Les femmes désireuses d'apprendre à lire, écrire et calculer en fulfulde lèvent la main !Or je crois pouvoir dire que le Fonds  National pour l’Alphabétisation et l’Education Non Formelle (FONAEF) a échoué par rapport à la communauté peule. Comme avant l’an 2000 les éleveurs peuls ne s’intéressaient pas à l’alphabétisation, la règle qui stipule qu’il faut 3 ans d’expérience pour pouvoir bénéficier des fonds du FONAEF a pénalisé la communauté peule. Surtout que la plupart des opérateurs en alphabétisation, pour différentes raisons, surtout culturelles, ne font pas confiance aux peuls. Aussi, rares sont ceux qui ont accédé à la demande des éleveurs peuls. Rares sont également les DPEBA qui, sollicitées, sont capables de fournir un formateur en fulfulde.

Au-delà des initiatives privées, il appartient au gouvernement de trouver les moyens de répondre à cette demande des éleveurs peuls. Il pourrait demander aux responsables du FONAENF (*) d’assouplir « la règle des 3 ans » quant à l’alphabétisation en fulfulde. Il pourrait aussi demander aux différentes Directions Provinciales de l'Enseignement et de l'Alphabétisation (DPEBA) de faire une enquête auprès des éleveurs peuls de leur province, et de prendre les mesures nécessaires pour  répondre à la demande d’alphabétisation en fulfulde, là où elle est manifeste.

Il en va de l’avenir de la communauté peule, mais aussi de la cohésion sociale du pays.
Koudougou, le vendredi 9 juillet 2010
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

Note : * Si toutefois, ce fonds est appelé à durer. Certains signes sont inquiétants, quant à son avenir.

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