a b c B u r k i n a

Pauvreté rurale et Commerce International 
(suite et fin)

III - Quelles perspectives de lutte ?

C'est sous ce titre qu'est intitulée la troisième partie de l'écrit du ministre d'Etat, Salif Diallo relatif à la chute du cours du coton. Après les deux premières parties que nous vous avons proposées dans nos éditions de mardi et mercredi, le ministre Salif Diallo donne dans cette troisième et dernière partie, quelques pistes en vue de sauvegarder nos filières coton.

Pour M. Rouamba déposer une plainte semble être une drôle de riposte.

A première vue cela peut paraître vrai, vu le rapport de force. En fait la démarche indiquée voulait simplement aboutir d’abord à la dénonciation publique, auprès des producteurs cotonniers et de l’opinion nationale, d’une situation inique, ensuite à la recherche avec les autres pays de moyens de pression et enfin, contraindre les pays subventionneurs à trouver des moyens compensatoires pour nos cotonniers soit dans le cadre de l’OMC soit dans le cadre de l’UE soit dans tout autre cadre de concertation.

Dans tous les cas, des solutions idoines devraient être recherchées et mises en œuvre rapidement par les pays concernés. Et dans cette optique, le Burkina, M. Rouamba ne pourra faire cavalier seul.

Notre position est confortée par les décisions et recommandations des ministres chargés de l’Agriculture de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (CMA/AOC) qui se sont concertés récemment (du 21 au 27 juin 2002) à Abidjan sur cette importante question.

Dans ce contexte, et pour la sauvegarde de nos filières coton, trois types de solutions peuvent être envisagées :

- les négociations pour le paiement de compensations financières au profit des pays en développement, victimes des subventions ;

- les négociations commerciales multilatérales sur l’agriculture dans le cadre de l’OMC ;

- le dépôt d’une plainte auprès de l’organe de règlement des différends de l’OMC.

3-1- Négociations pour des compensations financières

Les pays de l’AOC dont les économies nationales reposent sur le coton subissant des pertes de recettes importantes à cause des subventions accordées par les pays développés à leurs producteurs de coton, il est tout à fait normal que ces derniers réparent le préjudice subi. C’est pourquoi je souscris aux recommandations des ministres de l’Agriculture, de l’UEMOA et de la CMA/AOC d’engager des négociations directes avec les Etats-Unis et l’Union européenne pour l’institution d’un fonds de compensation au profit des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. L’on pourrait s’inspirer utilement de l’expérience des Fonds STABEX ACP/CEE.

3-2 - Négociation multilatérale au sein de l’OMC

Les pays membres de l’OMC, conformément aux engagements pris doivent poursuivre les négociations afin d’aboutir à un commerce international plus équitable, notamment pour les produits agricoles de base.

Il est évident que pour des raisons de politique interne, les Etats-Unis et l’Union européenne n’abandonneront pas de sitôt les subventions accordées à leurs producteurs de coton. De ce point de vue, les négociations seront certainement longues et difficiles. Aussi, il convient d’adopter une stratégie basée sur les alliances entre pays en développement et au-delà exploiter la disponibilité de certains pays producteurs de coton (Brésil, Argentine, Inde, Australie) à former des alliances avec les pays africains, et profiter des assistances techniques d’institutions telles l’OXFAM. Il est important au regard des enjeux économiques et politiques en présence, que les responsables africains que nous sommes mettent tout en œuvre pour sauvegarder nos matières premières de base, si nous voulons réellement lutter pour la réduction de la pauvreté ; toute position contraire serait sucidaire. En son temps, les Etats-Unis n’ont pas mis d’embargo économique sur le Soudan à cause de la gomme arabique.

3-3- Dépôt d’une plainte auprès de l’OMC

Ce dossier de plainte élaboré avec le plus grand sérieux avec l’appui de cabinets d’avocats solides devrait être déposé auprès de l’Organisme de règlement de différends de l’OMC, si les négociations avec les pays développés pour obtenir des compensations financières n’aboutissent pas.

M. Rouamba, quelles que soient les difficultés pour obtenir gain de cause, cette démarche est légitime et légale et il faut se départir d’une peur injustifiée.

Dans le cadre strict du Burkina Faso et au regard de ce qui précède, il convient d’examiner les principales actions à mettre en œuvre ou à renforcer afin de garantir un développement serein pour l’agriculture. Trois actions méritent une attention particulière en tenant compte des avantages comparatifs.

Tout en accordant la priorité aux cultures vivrières, base de l’alimentation des populations, un accent important sera mis sur la diversification des productions agricoles avec la promotion des cultures de rente : cas du sésame.

Ainsi selon les potentialités agro-écologiques des différentes régions du Burkina, les principales cultures de rente suivantes seront développées :

- le coton dans les régions de l’Ouest, du Sud-Ouest, du Centre-Sud et de l’Est ;

- les fruits et légumes dans les régions de l’Ouest et du Sud-Ouest et dans les bas-fonds aménagés ou sur les petits périmètres irrigués dans les différentes régions.

- les oléagineux, surtout le sésame, le soja et l’arachide sur le plateau central, le Nord et la région de l’Est.

Le choix de ces productions se justifie au regard des avantages comparatifs dont le Burkina dispose par rapport aux pays voisins et l’existence de débouchés sûrs au niveau national, régional ou international.

3-4- Valorisation agro-industrielle des productions agricoles

A ce niveau des leçons importantes doivent être tirées suite aux difficultés rencontrées par les filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre, du fait que 95% des fibres sont exportées, 5% étant transformés sur place par les industries textiles.

Pour ce qui concerne ce produit, compte tenu de l’exiguïté des marchés nationaux, il est un préalable de promouvoir des unités régionales de filature et de fabrication de tissus. Mais cela suppose la suppression des accords multi-fibres qui limitent les exportations des produits textiles vers les pays développés : cette question devrait donc être prise en compte lors des négociations prévues dans le cadre de l’OMC.

Pour ce qui concerne les autres produits d’exportation tels que les fruits et légumes et les oléagineux, leur transformation locale permettrait d’en tirer une plus grande valeur ajoutée. C’est en cela qu’il convient de saluer la création de la SOPROFA qui a repris la SONACOR et la SAVANA.

3-5- Renforcement des capacités des différents acteurs

L’intégration de l’agriculture a marché ne peut réussir que si les différents acteurs maîtrisent les règles du jeu. Cela suppose une professionnalisation accrue de ces acteurs notamment pour les opérateurs intervenant dans les filières de production de rente.

En effet pour évoluer dans un système de concurrence, parfois sauvage et déloyale, ils doivent avoir une bonne maîtrise des questions relatives à la compétitivité liée aux normes de qualité, de coût de production, à l’organisation et au fonctionnement des marchés, aux négociations commerciales et à la gestion des entreprises agricoles.

Pour ce faire, les chambres d’agriculture, les plans d’action et les services agricoles doivent adapter leurs approches afin de satisfaire les nouveaux besoins découlant du contexte de libéralisation généralisée de l’économie. Cela nécessite une refonte institutionnelle qui devrait impliquer tous les départements ministériels concernés par ces questions.

Conclusion

Au terme de cette réflexion, notre conviction est que la lutte pour la réduction de la pauvreté doit accorder la priorité à la création de richesses internes en vue d'accroître les revenus des ménages et de l'Etat. Aussi, des efforts doivent être faits par tous les acteurs à tous les niveaux pour intégrer davantage l'agriculture au marché dont les règles arrêtées de commun accord dans le cadre de l'OMC devraient être respectées par tous les opérateurs, à commencer par les pays développés.

Le Burkina Faso dispose de potentialités et d'atouts considérables sur le plan agricole qui peuvent lui permettre d'assurer un développement durable, si les conditions du marché sont un tant soit peu équitables. Pour atteindre cet objectif, les différents acteurs doivent s'organiser et se battre avec courage et détermination.

Je voudrais remercier M. Jean Paul Rouamba pour la réflexion portée sur le monde agricole et lui signifier que le Burkina Faso dispose de potentialités et d’atouts considérables sur le plan agricole qui peuvent lui permettre d’assurer un développement durable, si les conditions du marché sont un tant soit peu équilibré. Pour atteindre cet objectif, les différents acteurs doivent s’organiser et se battre avec courage et détermination.

A ce propos il est important que les partenaires au développement comprennent que, pour trouver des solutions durables à la pauvreté, il est préférable d’aider nos pays en développement à obtenir une juste rémunération de leurs produits de base sur le marché international.

En effet, souvent les montants des financements qui nous sont octroyés dans le cadre de des programmes et projets sont souvent loin de compenser les pertes de recettes dues au commerce inéquitable au plan international.

Cher ami, voici quelques considérations que je tenais à partager avec vous pour replacer le débat sur le coton dans ses enjeux réels.

Salif DIALLO

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