Éditorial :

Le commerce selon les USA

 et l'Union Européenne

 

Vous allez vous demander : pourquoi un numéro entièrement consacré au coton ? Il y a plusieurs explications à cela. La première c'est que lorsque le coton perd sa valeur comme aujourd'hui, cela concerne tout le monde, ceux des villes comme ceux des villages.
Car quand le coton perd sa valeur, c'est tout le pays qui s'appauvrit.

Mais ce n'est pas cela seulement. Essayez de bien comprendre ce qui se passe avec le coton aujourd'hui, cela vous aidera à comprendre, demain, ce qui se passe (ou se passera) avec le riz,
les arachides ou le sésame. Et vous verrez que beaucoup de conseils donnez aux producteurs de coton peuvent être utiles également à ceux qui n'ont pas l'habitude de cultiver le coton.

Aujourd'hui un paysan ne peut plus se contenter de cultiver pour gagner la nourriture de sa famille. Ils cultivent aussi pour gagner de l'argent pour les besoins de sa famille (habits, médicaments, scolarité des enfants...). S'il n'a pas un produit pour la vente, il va vendre la nourriture de sa famille !

Or ce qui se passe sur le marché mondial est dur. On peut même dire que c'est injuste. Les pays riches veulent interdire aux pays pauvres de protéger leurs cultures par les taxes douanières (faire payer pour faire venir un produit - comme le riz - qui est cultiver chez nous). Mais eux ils utilisent un moyen que les pauvres ne peuvent pas utiliser: ils aident leurs paysans pour qu'ils puissent vendre moins chers sur le marché mondial. Nous disons "ça suffit ! Trop, c'est trop !". "Du commerce, oui ! Mais un commerce équitable !".

La rédaction.

Peut-on continuer à cultiver du coton ?

Cette question peut paraître provocatrice, voire scandaleuse. Est-ce que le coton, ce n’est pas 60 % des recettes d’exportation du Burkina ? Est-ce que cette année la production de coton du Burkina ne va pas atteindre les 400 000 tonnes de coton-graine.

On appelle coton-graine, le coton tel qu’il est ramassé par les producteurs pour être vendu à la Sofitex. Cette année la Sofitex s’est engagé à payer aux producteurs leur
coton de qualité (dit de premier choix) à 200 F le kilo.

Celle-ci, dans ses 14 usines d’égrenage, va « nettoyer » ce coton, lui retirer ses graines et le transformer en « coton-fibre ». C’est ce coton-fibre qui sera transporté vers le port d’Abidjan, pour être vendu sur le marché mondial. Sachez qu’au Burkina, 100 kg de coton-graine donnent environ 42 kg de coton-fibre. Le prix de revient d’un kilo de coton-fibre rendu à Abidjan revient environ à 720 F le kilo. Sur ces 720 F, 476 F sont versés aux
producteurs. Le reste - 244 F - représente les frais
d’égrenage et le transport vers Abidjan. Tant que vous pouvez vendre ce coton-fibre entre 800 F et 1 000 F, vous n’avez pas de problème. Vous faites des bénéfices. C’est ce qui se passait ces dernières années.

Mais aujourd’hui, les choses ont changé. Le prix du coton-fibre sur le marché mondial a fortement baissé. Un kilo de coton-fibre qui valait environ 1 000 F au début de l’année ne vaut plus que 500 F, au mieux 550 F. On dit que les « cours » du coton sur le marché mondial se sont effondrés. C’est dire que si la situation ne change pas
rapidement, le Burkina va vendre sa récolte à perte,
c’est à dire en perdant de l’argent sur chaque kilo vendu.

Et cela, au moment où le Burkina fait sa plus belle récolte !

Cette situation est grave. Nous devons en tenir compte, pour aujourd’hui, et pour demain.

Aujourd’hui, que pouvons-nous faire ?

Puisque nous avons déjà produit ce coton, nous serons obligé de le vendre au prix du marché mondial. Les responsables de cette vente chercherons le meilleur moment pour vendre, et mettrons en avant la qualité de notre coton. Cela permettra de perdre moins d’argent. Mais les 8,5 milliards qui avaient été mis de côté les bonnes années vont disparaître et ne seront plus là l’an prochain. Ce qui veut dire que l’an prochain la situation risque d’être encore plus difficile !

Mais surtout, nous devons essayer de comprendre ce qui se passe. Pourquoi les prix ont-ils chuter ? Pourquoi le prix du coton-fibre qui valait 1 000 F il y a quelques mois ne vaut que 500 F aujourd’hui. Les cultivateurs peuvent facilement comprendre cela, s’ils regardent ce qui se passe avec le sorgho ou le maïs. Il y a quelques mois, le pays manquait de mil et de maïs, et le sac de 100 kg s’est vendu souvent plus de 15 000 F. Aujourd’hui, ce même sac ne vaut plus que 6 000 F. C’est qu’avec la récolte, assez bonne, le mil et le maïs ne manquent plus.
Pour le coton, c’est la même chose, sauf que le marché, ce n’est plus le Burkina, mais le monde entier. Aujourd’hui, il y a trop de coton sur le marché. Et donc le prix du coton baisse, comme celui de notre mil.

Mais, il faut continuer à réfléchir. Pourquoi, cette année, trouve-t-on trop de coton sur le marché du monde ? Est-ce que c’est parce que l’Afrique a augmenté sa production ? Oui, en partie. Mais la vraie raison, la raison principale n’est pas là. Le pays qui vend le plus de coton sur le marché mondial, c’est les Etats-Unis d’Amérique (les américains). Et pourquoi les américains produisent-ils tant de coton ? Parce que le gouvernement des États-Unis aide ses producteurs de coton. Par exemple, l’année dernière, les États-Unis ont dépensé 3 000 milliards de francs CFA pour aider leurs producteurs de coton. Ainsi un cultivateur de coton américain ou européen (car en Europe aussi les producteurs de coton sont aidés par l’état) est assuré de vendre son coton (le coton-graine) au bord de son champ à 600 F (ou même 700 F en Europe). Aussi, ils produisent beaucoup de coton, trop de coton, et ils cassent le marché. Si ces producteurs de coton devaient vendre leur coton à 200 F le kilo, ils arrêteraient de cultiver le coton, et les burkinabé, les maliens… seraient assurés de pouvoir continuer à cultiver le coton.

Nous pensons que cette situation est injuste.
Cette année, ont peut estimer que le manque à gagner du Burkina à cause de la chute des prix du coton, est de l’ordre de 42 milliards de francs (soit l’équivalent de 6 mois de salaires des fonctionnaires). Aussi, nous nous
associons aux organisations paysannes du Burkina (l’UNPCB), du Mali, du Bénin… qui ont demandé l’arrêt des subventions aux producteurs de coton américains ou européens. (Voir plus loin l’appel de ces organisations paysannes). Nous pensons que tous les producteurs de coton doivent se sentir mobilisés et répondre à l’appel de leur organisation le jour où elle demandera leur soutien pour faire connaître la situation et leur détermination à défendre leur droit de cultiver le coton à un juste prix.

Si cette année, le coton vous a permis d'augmenter considérablement vos revenus, pensez que toutes les années ne se ressemblent pas. Pensez à faire des dépenses qui vous permettrons d'obtenir de nouvelles recettes (élevage, charrette…). Pensez, peut-être à en mettre une partie sur un compte d'épargne pour pouvoir faire face aux coups durs (maladies, décès, mauvaise saison…)

Et pour demain ? Que pouvons-nous faire ?

Nous ne pouvons plus cultiver le coton sans nous
poser la question: « est-ce que nous sommes sûrs que le coton va "bien" se vendre la saison prochaine sur le marché mondial ». Tant que les américains et les européens maintiendront leurs subventions (tant que notre lutte contre ces subventions n'aura pas porté ses fruits) nous devons revoir nos ambitions à la baisse. Autrefois, les paysans
savaient calculer leurs risques: ils s'arrangeaient pour avoir des champs au nord et au sud, à l'est et à l'ouest du village. Ils cultivaient du petit et du gros mil… Tout cela pour être sûr de gagner quelque part. Aujourd'hui, un producteur ne peut pas se fier à une seule culture.

Nous pensons que chaque producteur doit s'asseoir dès maintenant avec sa famille et se demander : qu'allons-nous cultiver l'année prochaine ? N'est-il pas temps de diversifier davantage nos cultures. Si ceux qui cultivaient sur un même champ, une année le coton, puis du maïs l'année suivante, pour revenir au coton, ne devrait-il pas introduire une culture de plus ? Pourquoi ne pas faire du niébé ou des arachides,
ou encore du sésame.

Ceux qui pratiquaient un cycle de 3 ans ne peuvent-ils pas passer à un cycle de 4 ans ? Par exemple : coton - maïs - arachide - sésame ou coton - maïs - niébé -
sésame… Ou autre chose encore. N'oubliez pas que toutes ces cultures n'ont pas besoin de la même nourriture. En pratiquant une bonne rotation, vous fatiguez moins vos terre et vous obtenez de bonnes récoltes.

3. Enfin, redoublez d'efforts pour faire du compost, de la fumure organique. Pensez à l'avenir de vos enfants. Faites tout pour que vos terres restent bonnes et productives. Trop de terres ont été fatiguées par manque de fumure organique. Cela ne devrait plus exister. Sachez également, que le prix des intrants (engrais compris) risque d'augmenter. De plus, si vous soignez vos terres en les nourrissant avec du bon compost, vous pourrez affronter plus facilement ceux qui pensent que tous les producteurs de coton fatiguent inutilement leurs terres. Montrez leur que l'on peut être un bon producteur, et un bon gardien de la terre. Et cela d'autant plus facilement qu'on élève des animaux dans un enclos.

Que Dieu bénisse vos efforts pour produire sans gâter la terre.

Appel solennel des organisations paysannes 
du Bénin, du Burkina Faso et du Mali

Un joli conte : L'Eléphant et le Coq

qui n'est pas sans rapport avec notre campagne 
contre les subventions américaines et européennes 
aux producteurs de coton !

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