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       Voici
      l'interview de M. Salif Diallo, Ministre de l'Agriculture, de
      l'Hydraulique et des Ressources Halieutiques, donnée au journal "Le
      Pays".
       "Le
      Pays" : Vous avez procédé le 12 juillet
      dernier au lancement du programme Sésame de la SOPROFA. Quel sens le
      ministère que vous dirigez donne-t-il à cet événement ? 
       
      Salif Diallo : Depuis l'année dernière, nous avons réfléchi à
      une nouvelle politique en matière de production agricole. Nous nous
      sommes dit que le blocage de notre agriculture est lié à l'absence de
      marché. C'est dans cette optique que SOPROFA a été créée pour lier
      notre agriculture au marché sous-régional et international. Notre
      ambition est donc de piloter la production agricole à partir de l'aval,
      c'est-à-dire à partir des opportunités qu'offre le marché. C'est ainsi
      que nous développons la politique des filières. Pour le sésame, les
      provinces du Bam, du Lorum et du Soum vont emblaver 10 000 ha. 20 000
      autres ont été emblavés dans la boucle du Mouhoun, dans les Hauts
      bassins et dans le Sourou en sésame biologique. 
      Tout cela témoigne de l'engouement des travailleurs ruraux, de l'intérêt
      qu'ils ont pour le projet. Cette année, ce sont 17 milliards de F CFA que
      les paysans vont recevoir en contre-partie des achats. Pour nous, il faut
      également spécialiser les régions. Par exemple, la région de Titao
      (Lorum) a une pluviométrie très moyenne (600 - 650 mm). Elle n'est donc
      pas favorable à la culture du riz. Par contre, pour le sésame, le climat
      y est propice. Cette région pourrait devenir un pôle attractif pour la
      culture du sésame, notamment le S-42. Ainsi, les revenus des paysans vont
      passer du néant à plus dix, rien que dans les trois provinces. Pour
      cette année seulement, les producteurs recevront plus d'un milliard de F
      CFA dans la filière sésame. Nous pensons qu'avec ces revenus, ils vont
      acquérir des moyens de production plus élaborés que la daba et
      augmenter la production. 
       
      Il y a souvent un hiatus entre les objectifs
      du gouvernement et la réalité sur le terrain. Pour le "sésame
      bio", avez-vous pris des dispositions particulières ? 
       
      Avec la SOPROFA, il n'y a pas de hiatus. C'est du concret. L'année dernière,
      SOPROFA a injecté 12 milliards dans l'achat de produits agricoles et
      cette année, ce sont 17 milliards qui sont prévus pour être distribués
      en contre-partie d'achats. Aujourd'hui, il y a des zones rurales, des
      villages entiers que la SOPROFA a transformés en terme de revenus. Il y a
      des producteurs qui ont pu acquérir des charrues, des tracteurs. A Nouna,
      un seul groupement a reçu environ 261 millions F CFA l'année dernière.
      C'est dire qu'il y a quelque chose de substantiel. Comment procédons-nous
      ? Pendant la campagne, on identifie les groupements qui sont répertoriés.
      Chaque groupement est suivi par un encadreur. Cet encadreur est lié à la
      direction provinciale de l'agriculture. C'est toute une chaîne qui suit
      la production. 
      Les semences sont certifiées et les choix opérés en fonction de la
      demande du marché. Pour le sésame par exemple, nous sélectionons les
      variétés. Ces semences certifiées ont un rendement plus élevé que les
      semences classiques. Ensuite, nous dotons les producteurs d'intrants
      agricoles pour augmenter la productivité. 
      C'est dire que dans l'ensemble, les facteurs pour une agriculture moderne
      sont en train de se mettre en place à partir de la base. 
       
      Les difficultés observées dans certaines filières sont-elles dues au
      manque de maîtrise des acteurs ? 
       
      Effectivement. Je le disais lors de mon discours le 12 juillet. Il y a un
      manque terrible de professionnalisme. Nous avons des paysans pauvres qui
      étaient liés (et qui le sont toujours d'ailleurs) à une agriculture de
      subsistance. Pour les faire entrer de plain-pied dans une agriculture de
      marché, il y a un temps qu'il faut non seulement pour informer mais également
      pour susciter leurs intérêts. C'est en suscitant leurs intérêts qu'ils
      vont chercher à s'améliorer et devenir des professionnels dans leur filière. 
      Le programme sésame, le programme riz et le programme maïs, consacrent
      l'émergence d'agriculteurs modernes qui pensent au marché avant de
      produire. 
       
      Quel type de relation votre ministère
      entretient-il avec la SOPROFA ? 
       
      La SOPROFA est une société où l'Etat est actionnaire à hauteur de 25%.
      Notre optique, c'est de veiller, premièrement, à ce que les prix d'achat
      au producteur soient des prix justes, rémunérateurs et qu'on ne pille
      pas les paysans. Deuxièmement, il s'agit de l'encadrement. Que nos
      encadreurs puissent se mettre à l'école et de la production et de la
      commercialisation. Ce faisant, la SOPROFA travaille en étroite
      collaboration avec le ministère. Et, le choix des spéculations par région
      doit être agréé par les structures du ministère de l'Agriculture. La région
      de Titao a été choisie pour le sésame parce que les conditions
      agro-climatiques y sont favorables. D'ailleurs, nous envisageons cette spécialisation
      dans chaque région sur cette base. 
       
      Vous avez critiqué avec vigueur la mentalité
      d'assistanat développée au sein du monde rural. Quel défi y a-t-il à
      relever à ce niveau-là ? 
       
      Non seulement au niveau des producteurs, mais également au niveau de
      l'Etat même, il faut changer les choses. On ne peut pas
      continuer, avec le potentiel hydrique en eau de surface que nous avons, à
      savoir 9 milliards de m3, à quémander des vivres à chaque campagne
      agricole. Ce n'est pas honorable. Nous avons les moyens, aujourd'hui, de
      nourrir nos populations. C'est une question d'organisation du travail.
      C'est pour cela que nous insistons sur la production en saison sèche.
      Pour pallier le déficit de la campagne hivernale, nous allons entamer une
      seconde campagne en saison sèche à travers la petite irrigation
      villageoise. Là où il y a de l'eau, il faut que les gens puissent se
      lancer vigoureusement dans la production en saison sèche. Dans certaines
      régions, il y a de l'eau à fleur de sol et avec la pompe à pédale, déplaçable
      facilement, on peut irriguer 0,5 ha. L'expérience que nous avons menée
      avec le programme de la petite irrigation villageoise montre que le
      rendement est souvent meilleur qu'en hivernage, notamment pour le maïs. 
       
      Reste donc à vulgariser cette petite
      irrigation pour la généraliser... 
       
      Un atelier a été tenu sur la question . On y a relu les contraintes et
      ébauché les perspectives de ce programme. La phase pilote a été très
      satisfaisante et la question, aujourd'hui, est de formuler un vaste
      programme de sensibilisation. La petite irrigation, ce n'est pas un projet
      en tant que tel. Il s'agit de montrer l'utilité de la pompe à pédale,
      comment l'utiliser et surtout sensibiliser sur la nécessité de
      travailler 6 mois au lieu de 3 dans l'année. C'est ainsi que dans les
      différents projets qui existent au Burkina, nous allons travailler à ce
      que les paysans puissent utiliser cette possibilité. 
       
      Vous avez été reconduit ministre de
      l'Agriculture. Le département s'est même élargi à l'hydraulique et aux
      ressources halieutiques. Comment doit-on comprendre cette concentration ? 
       
      C'est vrai qu'il y a eu beaucoup de spéculations sur ce ministère, peut-être
      liées à ma petite personne. En réalité, je tiens à dire d'abord que
      ce ministère n'a pas été créé pour Salif Diallo. Ce ministère a été
      créé pour les besoins de la cause. A savoir que le président du Faso,
      à travers le programme de développement solidaire et en fonction des étapes
      franchies ou à franchir, a vu la nécessité de remodéler la mouture
      gouvernementale. C'est un hasard qu'aujourd'hui je sois à la tête de ce
      département. Demain, ce sera quelqu'un d'autre. 
      Aujourd'hui, la problématique du Burkina Faso, "c'est l'eau pour
      quoi faire" ? Nous avons deux directions. La première c'est l'eau
      potable de boisson. La seconde, c'est l'eau pour l'agriculture. Si vous
      observez bien, nous sommes en train de passer de l'hydraulique villageoise
      à l'hydraulique de quartier. Cela veut dire qu'il y a eu des efforts
      substantiels en matière d'eau potable pour les populations. 
      Notre agriculture doit reposer sur la maîtrise de l'eau. Aujourd'hui,
      nous ne pouvons pas nous détacher de la famine tant que nous resterons
      amarrés à l'agriculture pluviale. C'est pourquoi l'intégration du
      secteur eau à l'agriculture va de soi. Il n'y a que ceux qui sont de
      mauvaise foi ou ignorants qui peuvent contester la nécessité de reposer
      l'agriculture sur la maîtrise de l'eau. Ce sont là les raisons qui ont
      amené à la constitution de ce département. 
       
      Qu'en est-il des ressources halieutiques ? 
       
      Nous avons un potentiel d'environ 14 000 tonnes de poissons dans nos
      plans-d'eau. Mais seulement 5 à 6000 tonnes sont exploitées et
      commercialisées dans des conditions qui ne sont pas toujours les
      meilleures. Or ce potentiel peut être multiplié par deux ou trois, si
      une politique effective et concrète de développement de la pisciculture
      et surtout une politique de commercialisation en aval des produits de la pêche
      est conduite. Donc, il faut réorganiser les acteurs, créer les circuits
      nécessaires qui vont reposer sur un travail d'ensemencement des
      plans-d'eau et d'équipements. C'est une faiblesse qu'il faut corriger,
      notamment celle liée aux équipements de conservation. Je pense que très
      bientôt , nous allons nous pencher sur ce dossier et imaginer réellement
      une politique halieutique efficace. 
       
      Vos partenaires , ce sont les
      populations du monde rural. Quel cadre de concertation existe-t-il entre
      eux et vous dans la mise en oeuvre des différentes politiques ? 
       
      Il y a une multitude d'organisations coopératives et pré-coopératives
      sur le terrain. Toutes ces structures sont liées aux structures étatiques
      dans les départements et dans les provinces et au niveau central. On peut
      compter sur les unions de producteurs, et les organisations faîtières
      qui ont des relations fonctionnelles avec nos structures. Bientôt, les
      chambres d'agriculture régionales seront mises en place. Ce sont des
      structures qui concourent non seulement à professionnaliser les acteurs,
      mais également à faire en sorte que les orientations essentielles de
      l'Etat soient reçues. 
      Aujourd'hui, le rôle de l'Etat, ce n'est pas de s'impliquer dans la
      production, mais d'en créer les conditions, d'orienter nos producteurs
      sur un travail utile. Et c'est dans ce sens que la politique des filières
      est mise en oeuvre. 
       
      Etes-vous satisfait de la structuration
      actuelle du monde paysan ? 
       
      Non. Il faut dire que c'est un processus qui n'est pas encore à son
      niveau optimal. Les groupements villageois sont au nombre de 15 à 16 000
      et fonctionnent plus ou moins bien. Il y en a qui sont criblés de dettes
      et qui sont devenus des cas sociaux. Les chambres d'agriculture n'ont pas
      encore émergé. Les conditions juridiques et légales pour leur existence
      ont été créées, certes, mais nous attendons la fin de la saison des
      pluies pour travailler à leur mise en place. 
      Il faut dire que l'une de nos difficultés, c'est ce niveau général de
      connaissances de nos producteurs. Mais avec la deuxième phase du Programme
      national de gestion des terroirs (PNGT2), nous mettons en place des
      comités villageois de gestion des terroirs qui vont travailler à la
      base, pour éduquer, sensibiliser et amener les groupements à un niveau
      de conpréhension acceptable pour conduire leurs propres développements. 
       
      Il a été question, il y a quelques années,
      de l’insertion de nouveaux acteurs dans le monde agricole avec
      l’agro-business. Quel bilan faites-vous de ce processus ? 
       
      C’est nécessaire et incontournable que dans notre agriculture il y ait
      de nouveaux acteurs. Il faut créer les conditions pour l’émergence de
      ces nouveaux acteurs par l’accès aux crédits, au matériel de mécanisation
      et surtout par la sécurisation foncière. C’est par eux que viendra
      l'exemple. 
      On n'a jamais vu dans aucun pays, une agriculture émerger sans des
      professionnels, des gens qui viennent d’autres branches pour acquérir
      ou diffuser des connaissances et gagner leur vie. 
      Regardez les agents de la fonction publique qui sont soit à la retraite
      ou en fonction. Ils essayent de s’installer dans l’agriculture. La
      difficulté, par le passé, c'était le marché. Mais aujourd’hui, avec
      des structures comme la SOPROFA et bien d’autres, il y a possibilité de
      produire pour commercialiser. Les fonctionnaires qui se lancent dans cette
      activité ont beaucoup plus de revenus que ce que leur procure la fonction
      publique. 
       
      N’avez-vous pas peur qu’il y ait un
      conflit entre ces nouveaux acteurs et les autres ? De plus en plus, on
      parle d’une agriculture familiale
      qui préserverait entre autres l’identité des paysans. 
       
      Ça c’est du misérabilisme. Nous sommes dans un monde moderne de compétition.
      Tant qu’on va rester dans notre lopin de terre avec la daba, nous ne
      serons jamais compétitifs, et nous ne nous insérerons jamais dans le
      marché sous-régional et international. Il faut rester dans l’air du
      temps. Tout en respectant la démarche des producteurs familiaux, tout en
      les aidant à émerger, il faut également travailler à l’avènement de
      nouveaux acteurs qui vont avoir des superficies plus grandes, employer même
      des ouvriers agricoles. Nous sommes dans un monde de capitalistes. C’est
      quand notre agriculture emploiera peut-être 5 ou 15% de la population
      pour produire pour l’ensemble du pays que nous aurons réussi notre
      mutation. 
      Ces exploitations familiales dont on parle aujourd’hui, toutes regroupées,
      ne produisent pas plus que 2 ou 3 fermiers européens ou américains. 
      Le paysannat, c’est bien beau, mais il lui faut une autre dimension,
      celle de l’entreprenariat agricole pour aller de l’avant. 
       
      Que devient votre programme gomme arabique ? 
       
      Ecoutez ! Le programme gomme arabique, ce n’est pas mon programme . Il
      faut que les gens dépassent la personnalisation des projets. Quand j'étais
      au ministère de l’Environnement, j’ai initié ce programme auquel je
      crois beaucoup en terme de revenus pour les paysans qui s'y intéressent.
      La gomme arabique est demandée aujourd'hui sur le marché et des sociétés
      en demandent. 
      Notre difficulté, c'est la sensibilisation et la formation des
      producteurs. Il faut organiser la filière et effectivement à ce niveau,
      on fait du surplace depuis mon départ du ministère, je ne sais pour
      quelle raison. Un pays comme le Tchad exporte pour environ 10 à 13
      milliards , le Niger entre 2 et 3 milliards F CFA. Les Nigériens viennent
      en acheter chez nous à Sebba et à Dori pour les commercialiser sur le
      marché sous leur label. Je pense qu'il faut une volonté politique tout
      simplement. 
       
      Dans votre approche du monde rural, vous
      semblez mettre l'accent sur la monétarisation. Dans notre contexte d'insécurité
      alimentaire, n'est-il pas plus pertinent de parler de disponibilité
      alimentaire ? 
       
      Vous faites bien de poser cette question. Un ingénieur européen disait
      qu'il y a la sécurité alimentaire quand le paysan lui-même achète sa
      farine de blé dans les magasins modernes. 
      Au Burkina Faso, on parlera également de sécurité alimentaire quand le
      paysan burkinabè ira au magasin du village pour acheter la farine qu'il
      aura lui-même vendu au meunier et que ce dernier aura mise en sachet.
      Concrètement, cela veut dire qu'il ne faut pas se faire des illusions. 
      Tant qu'il n'y a pas de marché, tant qu'il n'y a pas d'intérêt pécunier,
      les producteurs auront tendance à faire du surplace et à pratiquer une
      agriculture de subsistance. Donc, le marché est incitateur. C'est une
      question d'offre et de demande. Aujourd'hui, nous utilisons le marché
      pour dépasser l'agriculture de subsistance, pour augmenter la production
      et éviter la famine. 
      Je prends un exemple. Dans le Sud-ouest, des paysans avaient aligné 5
      greniers de maïs qu'ils n'arrivaient pas à écouler. L'année qui a
      suivi, ils ont réduit leur production de maïs. C'est tout à fait
      logique. Pourquoi produire plus si l'on ne peut pas vendre et conserver ? 
       
      En terme de marché, l'international est
      presque fermé à nos produits. Est-ce que le marché sous-régional offre
      des alternatives aux produits burkinabè? 
       
      Prenons d'abord le marché national. Il est important. L'exemple des céréales
      est là. Le handicap, c'était l'inorganisation des producteurs, le manque
      d'accès aux sites de production. Maintenant, on développe des pistes
      rurales pour fluidifier les échanges. Le marché national n'est pas saturé,
      loin s'en faut. Au plan sous-régional, le marché existe. Au plan
      international, le sésame est demandé. Pour certaines spéculations comme
      le karité, des opportunités existent également. 
       
      Mais, on ne comprend pas qu’après quarante
      ans, le Burkina en soit toujours à ce niveau avec une agriculture qui a
      du mal à émerger, un marché peu fluide. 
       
      Cette question, je vous la retourne aussi. 
       
      C’est vous qui pilotez les politiques de développement. 
       
       
      Nous avons eu de bonnes expériences. Il y en a eu de mauvaises également
      parce que nous n’avions pas de politique. Il faut faire la politique de
      sa géographie mais aussi la politique de son milieu. Tant qu’on était
      embarqué à suivre certains bailleurs, on ne pouvait pas s’en sortir.
      Je n’en dirai pas plus. 
       
      Vous êtes donc d’accord que parmi les
      projets que le Burkina a eus à exécuter jadis, certains ont échoué ? 
       
      Même pas jadis. Actuellement, il y a des projets à mon sens qui ne sont
      pas fiables au vu des intérêts de notre peuple. C’est pourquoi, nous-mêmes,
      au lieu d’attendre que l’on vienne nous donner des programmes et
      projets à grand bruit, il faudrait que nous ayons notre propre vision,
      des cadres dans lesquels les bailleurs de fonds viendront s’insérer. Il
      ne faut pas que quelqu’un vienne d’ailleurs pour nous fixer des
      objectifs à atteindre. C’est à nous de fixer nos objectifs et les
      partenaires nous accompagneront et non le contraire. Sinon, comment
      comprendre que quelqu’un vienne vous aider à développer une spéculation
      qui sera concurrente à celle qu’il développe chez lui ? 
       
      Vous semblez faire un reproche à l'OMC ? 
       
      Ce n'est pas à l'OMC en tant que tel, mais aux pays membres qui ont signé
      les accords qui interdisent les subventions à l'agriculture. Et qui en
      moins d'un an, se sont mis à subventionner à grande échelle leurs
      agriculteurs pour détruire nos filières. Aujourd'hui, le coton a des
      difficultés à cause des subventions américaines et grecques. Ces
      subventions sont illégales au regard des accords de l'OMC. On ne peut pas
      prôner la lutte contre la pauvreté dans les pays du Sud, donner des
      financements pour les appuyer et détruire tout leur potentiel de travail.
      Aujourd'hui, le producteur américain de coton reçoit environ 2000 F CFA
      de subvention directe sur le kilogramme de coton. On ne peut pas être
      compétitif face à ces gens-là. 
       
      Vous parlez de compensations en retour, n'y
      a-t-il pas une autre alternative, sortir l'agriculture de l'OMC ? 
       
      L'agriculture est une industrie. Et si ceux du Nord ne subventionnent pas
      directement le producteur, ils vont le faire à travers les filatures. Le
      problème, c'est de laisser la libre compétition de toutes les filières
      sur le marché mondial. Le libéralisme économique, ce n'est pas nous qui
      l'avons inventé, ce sont ceux du Nord et ils sont les premiers à le
      violer. 
       
      Avez-vous les moyens d'y faire face ? 
       
      Il faut s'organiser. Nous allons poser une plainte au niveau de l'OMC et
      les pays victimes vont exiger des compensations. 
       
      Abordons le programme
      Saaga qui a été officiellement lancé le 10 juillet dernier. Otez-nous
      d’un doute. La pluie du 11 juillet était-elle l’oeuvre du programme ? 
       
      Elle a été l’oeuvre de Dieu et du programme Saaga. Hier
      matin (11 juillet), on nous a signalé une perturbation qui venait du côté
      du Niger et qui devait se situer aux environs de 11 heures sur les
      hauteurs de Fada et de Zorgho. Et nous avons mis en oeuvre les
      ensemenceurs au sol pour densifier le volume pluviométrique. Et nous
      sommes donc satisfait de cette pluie. 
      Le vecteur aérien est désormais fonctionnel. Deuxièmement, les obus qui
      devaient arriver dimanche 14 juillet, sont en train d'être calibrés. Et
      nous pensons que très bientôt le vecteur aérien sera à l’oeuvre.
      L’importance du vecteur aérien, c’est qu’il est valable pour
      l’ensemble du territoire national aérien. Ainsi, il est possible de
      s’attaquer à des poches de sécheresse. Le vecteur au sol est limité
      et il ne concerne que le bassin du Nakambé. 
       
      Pourquoi ce bassin spécifiquement ? 
       
      Parce que la ville de Ouaga est alimentée par le barrage de Loumbila et
      les barrages de Ouaga. D’autre part, une partie de l’électricité que
      nous consommons provient des barrages de Bagré et de la Kompienga. Ces
      infrastructures commandent que les barrages soient remplis. C’est une nécessité
      parce que nous avons des difficultés en terme d’électricité et en
      terme d'eau de boisson. C’est ce qui explique le choix du bassin du
      Nakambé. 
      Mais l’objectif du programme Saaga, c’est d’installer des générateurs
      au sol dans toutes les régions agricoles. Cela se fera au fur et à
      mesure. 
       
      Le programme aurait coûté 4 milliards de F
      CFA. On peut savoir sur combien de temps ? 
       
      Non. Non. Les 4,5 milliards F CFA ont été utilisés de 1999 à 2001 pour
      payer les avions. Le radar a coûté 1,5 milliard. Les produits ne coûtent
      pas cher. C’est surtout les aéronefs. 
       
      Que répondez-vous aux sceptiques qui croient
      qu’au contraire le programme va chasser la pluie ? 
       
      Vous savez, dans chaque village, il y a des mesquins et nous, nous tenons
      fermement à ce programme. A son lancement, il a reçu la bénédiction de
      l’archevêque de Ouaga et du président de la communauté musulmane
      ainsi que celle des chefs coutumiers. 
      Entre ceux qui spéculent et la nécessité d’avoir la pluie, nous, nous
      choisissons la nécessité d’avoir la pluie par tous les moyens,
      qu’ils soient modernes, techniques ou que ce soit par les prières, etc. 
      A partir des expériences d’autres pays, nous savons que c'est un
      programme scientifique qui produit des résultats concrets. L'expérience
      marocaine nous a apporté un gain de 15% en quantité de pluie par rapport
      aux 10 dernières années et de 10% de plus par rapport au 37 dernières
      années. 
      Je vous le dis, s'il y a des nuages qui peuvent donner 10 mm de pluie,
      s'ils sont ensemencés, leurs rendements peuvent aller de 30 à 40 mm de
      pluie. Nous ne sommes pas le seul pays à ensemencer les nuages. Dans le
      monde, il y en a 36 autres. 
       
      Pour nous autres néophytes, n'y a-t-il pas de
      conséquences climatiques ? 
       
      Absolument rien ! 
       
      Cette année, Ouagadougou a eu d'énormes
      problèmes pour la disponibilité de l'eau de boisson. N'y a-t-il pas lieu
      de revoir la gestion de l'eau pour la capitale ? 
       
      Non, la politique de l'eau pour la capitale est claire. Seulement, les
      infrastructures ne suivent pas. D'ici 3 ou 4 ans, le projet Ziga sera
      fonctionnel et nous aurons 200 millions de m3 pour Ouaga. Il y aura même
      un excédent jusqu'à l'horizon 2025. 
       
      Entre-temps, n'y a-t-il pas lieu de mettre en
      place des stratégies alternatives ? 
       
      Elles existent. Puisque nous avons fait des puits périphériques dont
      certains sont raccordés au réseau de l'ONEA (Office national de l'eau et
      de l'assainissement) avec des débits importants. Ce sont ces puits qui
      permettent de tenir le coup en période difficile. 
       
      Certaines voix proposent d'ouvrir le secteur
      de l'eau au privé notamment dans la création et la gestion des
      bornes-fontaines. 
       
      Oui. C'est même une des composantes de notre politique. Non seulement, il
      faut communaliser les bornes-fontaines mais également amener les opérateurs
      privés à prendre des concessions d'exploitation de l'eau. Et, il y a
      toute une série de mesures à prendre cependant pour ne pas offrir de
      l'eau impropre à la consommation. Nous prenons le temps de susciter l'intérêt
      du privé car c'est un secteur nouveau et beaucoup sont hésitants. 
       
      Est-ce à dire que la privatisation de l'ONEA
      n'est pas pour demain ? 
       
      Attention ! La privatisation de l'ONEA ne se pose pas en terme de demain
      ou après-demain . Le principe qui est retenu, c'est d'ouvrir le capital
      au privé. Ce n'est pas une privatisation totale. Il y a une loi qui la définit
      et le processus suit son cours. 
       
      Etes-vous un paysan dans l'âme ou plutôt un
      politique chargé d'une mission précise ? 
       
      Il ne faut pas se donner des vertus qu'on n'a pas. Dire que j'aime le
      monde paysan plus qu'un autre, je dis non. C'est beaucoup plus une
      question d'orientation, de vision et d'objectifs politiques à atteindre.
      On n'est pas forcément agriculteur pour être un bon ministre de
      l'Agriculture et vice-versa. Donc, c'est plus une question de conception,
      d'ouverture d'esprit et de capacité de travail. 
       
      Des indiscrétions au niveau de votre parti,
      le CDP, font savoir que vous seriez candidat au poste de chef du parti.
      Vous confirmez ? 
       
      Ce sont des rumeurs. Je ne suis candidat à rien. Et je pense que très
      honnêtement, il est bon que le camarade Roch Marc Christian Kaboré, président
      de l'Assemblée nationale puisse garder les commandes du parti c'est-à-dire
      le poste de Secrétaire national. Cela pour des questions de discipline au
      sein du parti et au sein des militants. Moi, je ne suis pas à l'Assemblée
      et vous savez que notre majorité est relativement courte. Pour toutes ces
      raisons, je ne vois pas de handicap à ce que Roch demeure le chef du
      parti. Maintenant le congrès décidera pour nous tous. Sinon je n'ai pas
      d'ambitions personnelles à ce niveau. 
       
      Merci de nous avoir reçus. 
       
      Je remercie le journal "Le Pays", pour cette occasion qu'il me
      donne pour parler de notre politique agricole. Seulement, je voudrais que
      les médias burkinabè s'intéressent davantage au monde rural. La plupart
      des quotidiens (c'est vrai que vous avez des moyens très limités) ne
      relatent pas beaucoup le travail de nos producteurs à la base, les
      initiatives louables des paysans dans les profondeurs du
      Burkina sont souvent ignorées. Mon souhait, c'est que la
      presse s'implique et aille voir ce qui est en train d'être fait dans le
      pays profond. Là aussi il y a des changements qui méritent d'être
      rapportés au public.
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      Burkina de A à Z
      
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