abc Burkina n° 119

Burkina Faso :

L'Eglise du Burkina s'engage résolument sur le chemin de la souveraineté alimentaire.

Déclaration de Koudougou :

A la suite des organisations paysannes, l’OCADES du Burkina s'engage résolument sur le chemin de la souveraineté alimentaire.

Du 17 au 19 janvier 2005, l’OCADES (Organisation Catholique pour le Développement et la Solidarité) et quelques uns de ses partenaires, notamment le CESAO (Centre d'Etudes Economiques et Sociales d'Afrique de l'Ouest), INADES-Formation, le GRAAP (Groupe de Recherche et d'Appui pour l'Autopromotion Paysanne), le SEDELAN (Service d'Edition en Langues Nationales), se sont retrouvés à Koudougou pour un atelier sur les enjeux et les défis de la souveraineté alimentaire. Cet atelier prend en compte les résultats de celui qui s’est tenu à Moundasso en mars 2004 avec pour thème : "Sur le chemin de la souveraineté alimentaire : une alternative paysanne à la mondialisation néo-libérale". Au cours de cet atelier, les participants s’étaient engagés à mobiliser les membres de nos organisations à vivre et à travailler selon l'esprit de la Souveraineté Alimentaire. Fidèles à cet engagement, nous nous sommes donc retrouvés à Koudougou pour approfondir ce thème.

Nous avons aussi fait les mêmes constats pertinents qu’à Moundasso :

  • "Nos produits agricoles subissent de plein fouet la concurrence de produits importés à des prix cassés car subventionnés ou de mauvaise qualité ;

  • L'absence de politique foncière respectueuse de ceux qui travaillent la terre fait que nous risquons de manquer prochainement de terres ;

  • Dans la mouvance des programmes d’ajustement structurel, nos États se sont retirés de toute institution d'appui au monde rural ; mais, soucieux d’exercer leurs fonctions régaliennes, ils proposent des politiques agricoles qui ne tiennent pas suffisamment compte des intérêts du monde rural et, en l’occurrence, des petits producteurs familiaux. "

Aujourd'hui, les grandes organisations paysannes de notre pays, comme la CPF (Confédération Paysanne du Faso) et la FENOP (Fédération Nationale des Organisations Paysannes), ont clairement opté pour la souveraineté alimentaire. La CPF, notamment, dans sa vision de l'agriculture écrit : « L’agriculture doit désormais être perçue comme un métier qui fait vivre convenablement et prospérer celui qui la pratique » ; et plus loin : «  Nous manifestons notre attachement au principe de « souveraineté alimentaire » traduisant « la responsabilité et le droit, pour tout pays ou groupe de pays, de concevoir et de développer soi-même ses propres politiques agricoles et alimentaires (y compris le droit de développer des mesures de protection des produits transformés) – Mais tout en évitant de créer le « Dumping » vis-à-vis d’un pays tiers ». Pour ce faire, ce droit de produire ce que la population consomme sur le territoire burkinabé ne devrait en aucun cas être compromis ou affecté par les importations ou les aides alimentaires. »

A l’instar de la CPF et de la FENOP, l’OCADES souhaite que le concept soit étendu à la CEDEAO (Communauté Economiques des Etats de l'Afrique de l'Ouest) pour une souveraineté alimentaire plus efficace.

Nos réflexions comme nos échanges au cours de cet atelier nous ont confortés dans ce choix en faveur de la souveraineté alimentaire. C’est pourquoi nous tenons à affirmer solennellement que l’OCADES et les partenaires présents à l’atelier s’engagent résolument aux côtés des agriculteurs et des et des éleveurs et de leurs organisations pour que le droit de souveraineté alimentaire soit reconnu rapidement tant au niveau national, que régional et international. Nous pensons que la situation actuelle des paysans de notre pays qui s'enfoncent dans la misère, et notre option préférentielle en faveur des pauvres et des petits nous obligent à un tel choix.

En conséquences, nous nous engageons :

I) En faveur d'un développement durable et équitable à travers :

  • la sensibilisation des agriculteurs, des éleveurs, des consommateurs, et de l'opinion publique, à la notion de souveraineté alimentaire et ses implications ;
  • L’appui aux organisations paysannes (OP) dans leur capacité à faire des propositions nationales ;
  • l’appui aux O.P. dans leur mise en place de banques de données concernant tant les nouvelles techniques que des informations sur les marchés nationaux et internationaux ;
  • la promotion des produits locaux notamment dans nos institutions (séminaires, centres de formation, les écoles...) ;
  • l'appui à la transformation et à la valorisation de nos produits ;
  • la promotion d'un commerce équitable ;
  • la vulgarisation de technologies alimentaires sur les produits locaux (art culinaire) en s'appuyant, entre autres, sur les centres de formation de l'Église ;
  • Notre implication dans le processus de décentralisation en cours ;
  • Le renforcement de notre capacité à travailler en réseau ;
  • L’appui des communautés villageoises en faveur d’un renforcement de la sécurité foncière des agriculteurs et des éleveurs ;
  • L’appui à la transformation et à la valorisation de nos produits locaux ;
  • Le renforcement des organisations et mouvements d’action catholique de base.

II) A faire du lobbying au niveau national, régional (CEDEAO) et international pour des politiques agricoles et commerciales plus justes.

  • Au niveau national :
    A la sortie de cet atelier, nous mettrons en place un groupe de travail dont les missions seront définies ultérieurement.

  • Au niveau régional,
    1) La menace se situe principalement dans les négociations en cours actuellement entre l'Union Européenne et les pays de la CEDEAO (auxquels s'est ajoutée la Mauritanie). Il s'agit de s'entendre sur un TEC (Tarif Extérieur Commun) différencié (produit par produit) avec un taux de protection suffisant pour les produits de base comme le riz et le lait...
    2) Sensibiliser les organisations catholiques caritatives et de développement de l’Afrique de l’Ouest au concept de souveraineté alimentaire.

  • Au niveau international:
    1) l'enjeu est tout d'abord de réaffirmer et de faire accepter par la communauté internationale que les règles actuelles qui régissent le commerce international sont injustes et menacent la paix sociale. Une première étape serait d'obtenir que la définition du dumping telle qu'elle est définie à l'OMC soit modifiée, et qu'il soit interdit d'exporter en dessous des coûts de production ;
    2) Que le Code de Conduite International sur le Droit à une Alimentation Adéquate dans le contexte de la Sécurité Alimentaire Nationale qui a été adopté par la F.A.O. en novembre 2004 soit ratifié et appliqué par les États. Que ses règles empêchent que les pays pauvres deviennent les poubelles du monde, et qu’elles protègent les droits fondamentaux des populations de ces pays.
    3) Enfin il s'agit de tout faire pour que le droit de souveraineté alimentaire soit reconnu par tous les pays et toutes les instances internationales. Le droit de souveraineté alimentaire est un droit des États qui doit être fondé sur un Accord multilatéral radicalement différent de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, et qui serait placé sous l'égide de la FAO ou/et de la CNUCED. Il doit reposer sur le droit à une protection efficace à l'importation et sur l'interdiction de toutes les formes de dumping.

III) Pour appuyer tant le travail à la base en faveur de la souveraineté alimentaire que ces actions de lobbying nous demandons aux évêques de la Conférence épiscopale du Burkina - Niger de faire une lettre pastorale qui soit une Bonne Nouvelle pour les hommes et les femmes du monde rural de nos pays.
Nous demandons aux évêques de la CERAO (Conférence Episcopale Régionale de l'Afrique de l'Ouest) de faire également une lettre pastorale.

Nous demandons à Caritas Régionale et à Caritas Internationalis et aux membres de la CIDSE (Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité) d’intégrer également la souveraineté alimentaire dans leur stratégie d’engagement.

IV) En conclusion, et en ce jour, nous interpellons solennellement :

  1. la presse burkinabè et internationale pour qu’elle accompagne ce mouvement en faveur de la Souveraineté Alimentaire ;

  2. les États à s’engager et à concrétiser ce droit de Souveraineté Alimentaire ;

  3. l’Eglise Famille à intégrer la notion de Souveraineté Alimentaire dans l’ensemble de sa pastorale.

Fait à Koudougou - Burkina Faso
Le 19 janvier 2005.

Ont signé : l’ensemble des participants à l’atelier.

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