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Lettre ouverte à nos amis du "Commerce équitable"

Si le commerce équitable est assez bien connu en Europe, ce n'est pas le cas en Afrique, si ce n'est des quelques privilégiés qui en profitent. On parle de commerce équitable dans des relations commerciales Nord-Sud, quand ce commerce respecte les règles suivantes :
  • assurer une juste rémunération du travail des producteurs et artisans les plus défavorisés, leur permettant de satisfaire leurs besoins élémentaires : santé, éducation, logement, protection sociale,…

  • garantir le respect des droits fondamentaux des personnes (refus de l’exploitation des enfants, de l’esclavage,…)

  • instaurer des relations durables entre partenaires économiques, pré financer les achats, offrir un accompagnement technique aux petits producteurs,…

  • proposer aux consommateurs des produits de qualité tout en apportant la garantie qu’il s’agit bien de commerce équitable.

Chers amis,

J’ai appris par des amis, que vous venez de terminer « La Qinzaine du Commerce Equitable ». Je penses que vous avez commencé à en faire l’évaluation. Aussi, je me dis que le moment est favorable pour partager mes préoccupations avec vous.

Je vous écris du Burkina Faso, où je suis arrivé en 1965. J’ai travaillé longtemps en milieu rural. Je ne me souviens pas avoir rencontré une seule fois le commerce équitable. Pourtant, je crois savoir que quelques artisans burkinabè profitent de ce circuit.

J’ai lu, sur la toile (Web) qu’en l’an 2000, 9 % des français connaissaient le commerce équitable. Deux ans après, ils étaient 32 %. Bravo pour ce travail de sensibilisation.

Ici, le commerce équitable est quasiment inconnu. Par contre, ce que nous connaissons trop, c’est le commerce inéquitable. Ce commerce se porte bien, surtout celui des produits alimentaires. Il n’a pas besoin de label pour progresser chaque année. Les subventions des pays riches à leur agriculture lui suffit bien. Savez-vous que l’ensemble des pays riches dépensent chaque jours près d’un milliard d’euros pour soutenir leur agriculture ( à comparer au chiffre d’affaire du commerce équitable : 372 millions d’euros par an pour l’Europe, principale destinataire du commerce équitable). Pour donner un exemple, grâce à ces subventions l’europe déverse son blé dans les pays du sud. Ces pays qui autrefois ne connaissaient pas le blé se nourrissent de plus en plus de pain et de pâtes alimentaires. De leur côté, les pays asiatiques se débarassent à vil prix de leurs déchets de riz (brisures de riz ayant jusqu’à 7 ans d’âge !), si bien que les paysans du sud ne peuvent pas tenir. Si par ce commerce inéquitable les pays du nord se donnent le droit de nourrir les villes du sud, il n’y a plus d’avenir pour les paysans du sud. Ils consommeront leur propre production, mais ils n’auront rien à vendre. Ils ne pourront donc pas se soigner, ni mettre leurs enfants à l’école.

Or ce commerce inéquitable est légitimé par l’Accord sur l’Agriculture de l’OMC. Cet accord condamne 800 millions de paysans à la misère à travers le monde. Il est donc urgent de profiter des négociations qui ont lieu actuellement à l’OMC pour le renégocier. Il faut combattre pour un commerce équitable pour tous, basé sur deux principes simples :

·  L'interdiction de l’exportation de produits agricoles en dessous du coût de production.

· Le droit, et même le devoir, pour tout pays (ou union d'états) de protéger son agriculture, sachant que les pays du Nord ne supprimeront pas leurs subventions à l'agriculture.

Il est important également que tous ceux qui sont pour un commerce équitable fassent entendre leurs voix à l’occasion de la réunion du G8.

Dans cette situation, mon message est le suivant :

« Bravo pour le commerce équitable, mais n’oublions pas de lutter directement contre le commerce inéquitable ».

A la prochaine quinzaine, pourquoi ne pas consacrer 50 % de vos efforts à la promotion du commerce équitable, et 50 % à faire connaître les méfaits du commerce inéquitable ?

Et dès maintenant, travaillons pour faire reconnaître par la communauté internationale le droit pour tout pays de protéger son agriculture. Je sais que bon nombre d’entre vous travaillent déjà dans ce sens, mais c’est l’urgence et la gravité de la situation qui m’ont poussé à vous écrire cette lettre.

Koudougou, le 27 mai 2003

Maurice Oudet

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