Crise du coton : Vite, des solutions africaines !

25-5-2007
 
Cela fait trois ans que ça dure. Le blues des producteurs de coton burkinabè se prolonge. Toujours quelques francs en moins sur le kilogramme de coton et les prix des intrants qui s'envolent. La faute à un dollar qui ne résiste pas à la politique de l'Euro fort de Bruxelles, aux subventions américaines et surtout à la flambée du prix du baril de pétrole

Les dégâts sont énormes. La première conséquence de cette situation de moins en moins supportable est la baisse du revenu des paysans. Dans un contexte de pauvreté extrême en milieu rural, le coton était devenu depuis quelques années la locomotive de la croissance du Burkina et de la monétarisation des échanges en milieu rural. C’est dire donc que la baisse continue du prix d’achat du coton va accentuer la paupérisation en milieu rural.

Le problème, c’est qu’aucun signe tangible d’espoir pour inverser la tendance ne pointe à l’horizon. Pour expliquer leur impuissance à rétablir la situation, les politiciens parlent de chocs exogènes, c’est-à-dire des éléments sur lesquels, ils n’ont aucun pouvoir. Dans ces conditions, demander aux paysans qui n’ont d’yeux que pour leurs bourses, de ne pas se décourager, est une pilule difficile à avaler. Il est donc compréhensible que certains craquent.

Comme à Bakata dans le Centre-sud du pays, où des producteurs de coton ont jeté l’éponge. Le découragement gagne les rangs des producteurs, malgré toute l’énergie déployée par les sociétés cotonnières nationales pour remonter le moral des troupes.

La deuxième conséquence prévisible sera la baisse de surfaces emblavées au vu des abandons annoncés. Le niveau de la récolte annuelle sera alors à surveiller de près. Car les prévisions tablent sur 600 mille tonnes, identiques à celles de la campagne 2006-2007 en ce qui concerne la SOFITEX, première société cotonnière. C’est à l’aune de cette récolte que l’on verra si la stratégie proposée par les sociétés cotonnières nationales a fonctionné ou pas.

En cette période de crise, l’équation qu’elles demandent aux producteurs de résoudre est de maintenir le niveau de production actuel par une culture intensive. Diminuer l’utilisation d’engrais chimiques trop chers, au profit de la fumure organique par exemple. Au moment où ils apprennent avec un certain défaitisme le bas niveau des nouveaux prix, on se demande combien de producteurs ont anticipé cette situation en produisant de la fumure organique.

De toute évidence, l’intensification de la culture est une voie obligée pour contenir la baisse des prix du coton et la hausse de celui des intrants. Les producteurs y sont contraints par la force des choses s’ils veulent survivre. Malheureusement, cette technique est déjà appliquée sous d’autres contrées. Elle y a fait ses preuves certes, et si les nôtres arrivaient à en faire autant, ce n’est pas pour autant que les prix vont grimper. Des solutions durables sont à rechercher ailleurs. Le Burkina en tant que pays producteur n’a aucune influence sur la fixation du prix de son coton, pourtant reconnu comme de meilleure qualité. Les autres pays producteurs de la zone UEMOA et de la CEDEAO sont tout aussi désarmés.

Le juste prix d’achat, le prix rémunérateur que réclament les producteurs n’est donc pas pour demain. Il faut nécessairement sortir de la logique actuelle qui veut que les Africains soient seulement un réservoir de matières premières pour les industries de l’Occident et de l’Asie.

Pour cela, il faut un vrai courage politique et des sacrifices financiers et économiques pour créer à l’échelle du continent ou de la sous-région des unités de transformation. Apporter de la plus-value au coton africain et le consommer localement à travers des unités textiles sont possibles et permettront de réduire la dépendance vis-à-vis d’un marché international féroce. La BOAD (Banque ouest-africaine de développement) s’active sur un projet de cette dimension, mais les blocages sont loin d’être levés. L’avenir de la culture du coton passe entre autres par là.

Regardons devant notre porte et mettons les moyens des Etats de la sous-région ensemble pour créer un pôle sous-régional pour la transformation. C’est une façon de lutter contre la détérioration des termes de l’échange. La survie de nos économies et, partant, de toutes les filières agro-sylvo-pastorales passe par la création de ce marché sous- régional qui tarde à prendre forme à cause des intérêts égoïstes des Etats.

L’embellie du coton, surnommé l’or blanc, a fait perdre la tête à certains dirigeants qui ont oublié que le cycle économique n’est jamais rectiligne et qu’il faut toujours anticiper sur les crises. Il est vrai que l’option coton Bt est envisagée avec 400 mille hectares à emblaver à l’horizon 2010. La situation actuelle aura des incidences sur les finances du Burkina en termes d’entrée de devises. Pire, l’Etat est obligé de jouer au pompier en injectant 50 milliards pour soutenir la filière. Et ce n’est pas tout, les producteurs exigent la levée de la TVA sur les intrants et les transports.

Au Burkina, pour diverses raisons, on a fermé l’usine Faso Fani. La conséquence immédiate a été d’inonder massivement le pays de friperies et de pagnes de toutes sortes jusque dans le plus petit hameau du pays. Nos pays sont devenus aujourd’hui des pays importateurs de tout, jusqu’à l’ail pour faire la sauce ou la serpillère fabriquée à base de déchets du coton pour le nettoyage des sols de maison. Peut-on développer un pays en faisant le tout import ?

La crise du coton est une belle occasion de se projeter vers l’avenir.

Le Pays

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