Le Ministre de l'Agriculture du Burkina Faso 
s'exprime sur la filière coton : il parle de riposte !

Baisse du cours du coton :

"Le Burkina prépare une riposte", selon Salif Diallo

Contrairement aux accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), certains pays du Nord subventionnement leurs producteurs de coton. Cette situation défavorise les producteurs africains qui ne sont plus compétitifs sur le marché du coton. Serait-ce pour cela qu'au Burkina Faso les autorités soutiennent et encouragent les producteurs à se lancer dans de nouvelles filières agricoles ? Quelles sont les mesures que le Burkina entend prendre contre la subvention des producteurs du Nord ? ... Ce sont là des questions que nous avons posées au ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo. C'était le 12 juillet dernier à Titao (Loroum) à l'issue de la cérémonie de lancement du programme intensif de production de sésame dans les provinces du Soum, du Loroum et du Bam. C'est un ministre visiblement affecté par la question du coton qui répond à nos questions.

Sidwaya (S.) : A l'instar de la culture du coton, on constate que le ministère chargé de l'Agriculture encourage de plus en plus les producteurs à développer d'autres filières. Quelles sont les raisons qui expliquent une telle option ?

Salif Diallo (S.D.) : Depuis l'année dernière, nous avons mis en place une stratégie pour lier notre agriculture au marché international. Nous pensons qu'aujourd'hui pour véritablement rompre avec l'agriculture de subsistance, il faille trouver des filières prometteuses pouvant procurer des revenus aux producteurs, des filières utiles à l'échelle internationale. Nous, nous pensons que pour le développement des cultures de rente ou de céréales au Burkina, il faudra nécessairement impliquer l'aspect marché. Il faut piloter l'agriculture en aval. Des idées reçues naguère, il fallait augmenter la production. On n'envisageait pas lier l'augmentation de la production à l'existence d'un marché. Tant qu'il n'y a pas un marché, vous ne devez pas augmenter la production parce que le producteur ayant des surplus de production qu'il n'arrive pas à écouler, retombe forcément dans l'agriculture de subsistance. Aujourd'hui, la culture du sésame est une filière porteuse au Burkina. La demande en sésame est très forte au plan mondial et est d'environ 650 000 tonnes. Au stade actuel, la demande en sésame dépasse l'offre. La culture du sésame peut donc être une source de revenus substantiels pour le producteur burkinabè.

Au delà du sésame, il y a d'autres filières telles que le riz, le maïs, les légumineuses comme la tomate dont le développement peut générer des revenus pour les producteurs. C'est dans cette optique que nous avons créé l'année dernière, la Société de promotion des filières agricoles (SOPROFA). Rien que pour cette campagne agricole en cours, ce sont 17 milliards de FCFA qui seront injectés par la SOPROFA auprès des producteurs du monde rural pour acheter leur production.

Nous pensons que la lutte contre la pauvreté doit partir de l'éradication de la pauvreté en milieu rural. Et cela passe nécessairement par la sensibilisation et l'encouragement des producteurs à aller vers des spéculations qui puissent leur permettre d'accroître leur capacité d'acquérir des équipements plus modernes qui favoriseront l'augmentation de la production. Voilà donc l'idée qui sous-tend par exemple, le lancement du programme intensif de sésame dans les trois provinces que sont : le Loroum, le Bam et le Soum. Ces trois provinces vont exploiter 10 000 ha de sésame qui viennent s'ajouter aux 20 000 ha emblavées l'année dernière dans d'autres régions du pays. Au total, ce sont 30 000 ha de sésame qui seront emblavés cette année.

Mais nous prenons le soin d'éviter de pousser les producteurs vers les cultures de rente uniquement.

Sinon notre pays pourrait connaître des difficultés sur le plan alimentaire. C'est pourquoi, il faut encourager une diversification des cultures. Il faut tout en encourageant la production céréalière, indiquer aux producteurs les spéculations qui sont les plus demandées sur le marché international.

S. : La filière coton connaît en ce moment des difficultés. Serait-ce pour cela que vous voulez orienter désormais les producteurs vers la culture du sésame ?

S.D. : En développant la filière sésame, nous n'avons pas pensé que la filière coton allait connaître des difficultés. Mais avec ce qui se passe aujourd'hui, la culture du sésame constitue une porte de sortie pour les producteurs. Ce qui arrive à la filière coton est un coup très difficile à supporter par nos producteurs. Le fait que les Européens et les Américains subventionnent leurs producteurs, annihile tout effort des producteurs africains et notamment burkinabè. Le coût de production de coton dépasse 200 à 300 F le kilo. A cause des subventions, le coût d'achat tourne autour de 180 F le kilo. Aujourd'hui, le producteur américain de coton reçoit en moyenne 2000 F de subvention directe par kilo de production, sans compter les subventions accordées aux autres industries de la chaîne de production, notamment les filatures. Dans un tel climat, nous ne pouvons pas être compétitifs sur le marché du coton tant que les subventions des producteurs du Nord vont se poursuivre.

C'est une pratique contraire à toute règle acceptée dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce qui nous révolte, c'est que ces règles d'interdiction de subvention ont été soutenues, organisées au sein de l'OMC par ces mêmes puissances qui accordent aujourd'ui des subventions à leurs producteurs. Il y a une maldonne quelque part. On ne peut pas nous pousser à adhérer et à ratifier la convention créant l'OMC et en un tour de main, mettre près de 170 milliards de F de subvention dans les mains des seuls producteurs agricoles américains. Maintenant, il va falloir que nous refléchissions à comment riposter face à une telle situation. Nous avons d'abord les voies légales de recours. C'est dans ce sens que le Burkina Faso et d'autres pays s'organisent pour poser une plainte contre les Etats-Unis, la Grèce et l'Espagne, contre tous les pays qui subventionnent la production du coton auprès des organismes de l'OMC chargés de résoudre les contentieux. (voir sur le site de la Commission des Ministres de L'Agricultures de l'Afrique de l'Ouest et du Centre: Concertation des ministres de l'Agricultures de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, à Abidjan (Côte d'Ivoire), les 25 et 26 juin 2002. )

Ils nous faudra ensuite développer dans notre pays, des structures allant de l'égrenage jusqu'à la filature et à la confection de tissus pour avoir une valeur ajoutée. Plutôt que d'exporter notre production de coton à l'état brut, nous aurons ainsi la possibilité de travailler, de raffiner cette production afin qu'elle nous procure une valeur ajoutée. Il nous faut agir dans ce sens sinon les deux millions de producteurs du Burkina qui vivent de la production du coton vont se retrouver avec beaucoup de difficultés. Le coton est une culture stratégique très importante pour notre pays. Plus de la moitié des recettes d'exportation du Burkina Faso provient du coton. Ce qui se passe à l'heure actuelle sur le plan international s'apparente donc pour nous à un coup de massue que nous avons reçu.

Entretien réalisé par
Rabankhi A. Zida
Sidwaya du 16 juillet 2002

Voir la réponse de M. Jean-Paul Rouamba dans l'Observateur paalga du 22/07/02

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