En réponse à l’Express :

OGM : " Faucheurs contre chercheurs "

Cette semaine l'information vient du Nord. Elle est là, comme une contribution offerte aux organisations paysannes du Sud.

En mars dernier, la revue française l'Express a publié un article de M. Jean-Marc Biais intitulé : OGM : Faucheurs contre chercheurs. Dans cet article, l'auteur prétend que les "activistes" qui fauchent des cultures OGM réalisées en plein champ menace l'avenir agricole de la France. Voici la réponse (envoyée au Directeur de l'Express, qui n'a pas accepté de la publier) de M. Philippe  DESBROSSES, Agriculteur, Docteur en Sciences de l’Environnement, Président de la Commission des Labels Bio au Ministère de l’Agriculture.

Monsieur le Directeur

Peut-on espérer, par votre magazine, une information complémentaire à l’article de Jean-Marc Biais « Faucheurs contre chercheurs » qui exprime une opinion pour le moins biaisée et caricaturale sur la nature et les vertus des OGM.

Je suis compatissant à l’égard des jeunes chercheurs qui perdent leur emploi dans des aventures de la technologie moderne, parce qu’une majorité de citoyens (77%) conteste ces orientations de cultures OGM.

Mais dans une démocratie il est légitime qu’une population s’oppose à une aventure qu’elle juge non pertinente et dangereuse quand ses élus la trahissent au nom de chimères sonnantes et trébuchantes.

Je suis tout aussi compatissant à l’égard des milliers de familles de paysans qui ont été contraints de quitter la terre en 30 ans, au nom du progrès.

Cette hémorragie silencieuse dont ne parle jamais la presse représente 35 000 exploitations par an en France - une tous les quarts d’heure) soit plus de 100 000 emplois directs et indirects qui disparaissent chaque année dans notre beau pays.

Mais ces gens-là, Monsieur, n’ont pas la même valeurs que les autres travailleurs. Leurs souffrances n’intéressent personne, ils sont les survivants d’un modèle agricole ringard qui a façonné nos paysages, préservé nos ressources et approvisionné de manière saine et durable des générations de terriens.

Et puis surtout ils sont des obstacles à la pétrochimie triomphante qui a remplacé partout les hommes par ses molécules industrielles (herbicides, insecticides, engrais de synthèse, etc...), avec les conséquences que l’ont sait et avec les subventions de l’état, pour lesquelles l’agriculture sert d’alibi, les OGM étant la tentative ultime de s’approprier la totalité des ressources communes et le privilège exclusif de produire la nourriture indispensable à la vie.

Contrairement à ce que le bon peuple croît, ces techniques intensives ont un coût de production exorbitant, Le prix de l’aliment est 3 fois plus élevé que celui de l’agriculture paysanne. Mais le consommateur ne s’en rend pas compte parce que c’est le contribuable qui paie la différence.

Une étude économique, publiée en 1994 dans la Revue « Scientific Américan », indique qu’en agriculture industrielle il faut 300 unités d’intrants pour produire 100 unités de nourriture, alors qu’ils n’en faut que 5 unités en agriculture paysanne pour produire les mêmes 100 unités de nourriture.

Il faut observer que cette orientation n’est profitables qu’à quelques puissances anonymes qui dominent le secteur de la production alimentaire, mais sont préjudiciables à la communauté des hommes, en menaçant les équilibres des écosystèmes, la sécurité alimentaire et la santé des populations et menace l’avenir de nos enfants et petits-enfants...

Le choix d’imposer les OGM qui, en 7 ans ont dévastés les sols de l’Argentine (article de New Scientist - repris par Courrier International N° 38 du 4 novembre 2004) devrait inciter les journalistes « indépendants » et dignes de leur mission d’information à plus de mesure et de rigueur devant les fantasmes et les délires de quelques promoteurs appointés.

Pour ces journalistes dignes de leur mission qui sont peut-être aussi pères de famille, j’indique une information sur l’efficacité des méthodes archaïques des agricultures paysannes, notamment à Madagascar.

La petite communauté Malgache de Fianarantsoa, sous la conduite d’un jésuite agronome, a décuplé les récoltes de riz en quelques années.

A noter que ces paysans ne sont pas motorisés, qu’ils utilisent comme engrais le compost des déchets végétaux et animaux recyclés, et que toute leur technique est basée sur la rotation des cultures, sur le choix d’une variété rustique de riz adaptée au conditions locales, (terroir, climat, altitude) et sur l’économie d’eau au moment du tallage ce qui donne des récoltes de 230 quintaux / ha.

Et bien le croiriez-vous, les grandes institutions internationales qui ont été sollicitées et dont c’est le rôle de chercher des solutions économiques à l’approvisionnement alimentaire du tiers-monde, entretiennent une scandaleuse conspiration du silence, malgré la caution d’un scientifique, de la Cornell University de New-York, le Professeur UPOHV qui crie son indignation dans le désert, depuis dix ans.

Mais il est vrai que c’est insupportable d’admettre que des petits paysans sans moyens, puissent faire dix fois mieux que les experts « éminents » du CIRAD ou de la FAO, qui doivent justifier leur budget, leur carrière et leurs O.G.M...

Voilà Monsieur le directeur ce que ma conscience m’a porté à vous écrire ce dimanche, comme on lance une bouteille à la mer, tout en sachant que si mes propos présentent le moindre risque de déplairent à vos annonceurs, ils n’ont aucune chance d’être pris en considération. C’est ce que m’a répondu un patron de Presse il y a vingt ans à propos de la contamination des eaux par les nitrates d’origine agricole : « M. Desbrosses, ont sait que vous avez raison, mais vous comprendrez que nos annonceurs n’aiment pas que l’on malmène leur chiffre d’affaires... »

Je vous prie de croire en mes sentiments distingués.

Ph. DESBROSSES Agriculteur
Docteur en Sciences de l’Environnement
Président de la Commission des Labels Bio
au Ministère de l’Agriculture.

This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

FaLang translation system by Faboba