Voici pourquoi la confiture des soeurs du carmel de Moundasso (au Burkina Faso)  restera  plus cher que la confiture importée d'Europe, même après la réforme de la P.A.C.

Lettre ouverte aux évêques de la Communauté Européenne :

Français vivant au Burkina Faso depuis plus de trente ans, je me sens concerné par la réforme de la P.A.C. (Politique Agricole Commune de l'Union Européenne). Quand les évêques de l'Union Européenne prennent position sur la réforme de la P.A.C., je suis intéressé. Or les évêques Européens ont publié deux déclarations sur cette question :

La première, datée du 30 mars 2001, s'intitule : " La crise de l'agriculture en Europe et ses conséquences ". ( Déclaration de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne - COMECE )

La seconde, datée du 29 novembre 2002, a pour titre : "Vers un modèle d'agriculture durable pour l'Europe". (Commentaires de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne - COMECE )

Quand ils écrivent (dans la première déclaration) : "Les subventions à l'exportation pour les surplus de production pertubent les marchés mondiaux et entravent sérieusement le développement agricole déjà très fragile des pays pauvres", jJe ne peux que me réjouir. Et je me dis que les évêques européens ont compris comment le commerce international écrase les paysans pauvres des pays du Sud, et notamment des pays africains. 

Quand en 2002, ils écrivent à nouveau : " Abolir au plus vite et complètement les subventions à l'exportation est de notre point une question de crédibilité politique de l'UE qui souhaite à juste titre jouer un rôle plus important et exemplaire sur le plan international. C'est quasi nécessaire aussi d'un point de vue éthique Il n’est ni bon ni juste que les excédents de production, résultat d'une politique de prix erronés, soient bradés grâce à de nouvelles subventions sur les marchés mondiaux à des prix si bas que d'autres producteurs vivant souvent dans des pays beaucoup plus pauvres ne restent plus compétitifs ", je me réjouis à nouveau.

Mais ma joie est de courte durée. Car, en lisant attentivement ces deux déclarations, je vois que les évêques européens adhèrent sans réserve à la réforme de la P.A.C. qui consiste à transformer les subventions à la production et les subventions à l'exportation en aides directes, ou en des aides liées à la multifonctionnalité de l'agriculture, par exemple quand ils écrivent : 
"Nous soutenons les idées principales des réformes de la politique agricole européenne de 1992 et 1999 qui visent à réduire les subventions par des prix garantis et à compenser cette réduction par des soutiens directs aux agriculteurs, régimes pouvant, en outre, être liés à des normes environnementales." 

La Commission européenne a bien fait son travail. Elle a réussit à faire passer sa réforme dans les esprits, à tel point que nos évêques ne se posent plus de question. Ils ont tout simplement oublié de se demander ce que cette réforme va entraîner pour les pays pauvres. Je me dis que la parole du Christ " les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de lumière " est toujours d'actualité. 

Je voudrais montrer par un exemple simple que la réforme de la P.A.C. ne va rien changer par rapport aux pays pauvres. 

Le Burkina Faso produit du sucre et des fruits en abondance. Pourquoi continuer à importer de la confiture des pays européens ? C'était la fausse-bonne idée des soeurs carmélites (et aussi de Madame Ouédraogo et de quelques autres, comme l'entreprise Savana). Alors, elles se mettent au travail. Et quand elles font leur compte, elles s'aperçoivent qu'elles doivent vendre leur confiture plus cher que celle du commerçant voisin, qui, lui vend de la confiture importée d'Europe. Comment cela est-il possible, se demandent les soeurs ? C'était sans compter avec les subventions de la P.A.C. qui permettent aux paysans européens de vendre leur produits aux entreprises agro-alimentaires en dessous de leurs coûts de production.

Quand la réforme de la P.A.C. sera achevée, les paysans européens pourront continuer à vendre leurs produits en dessous des coûts de production. Ils recevront assez d'aides directes ou d'aides liées à la multifonctionnalité de l'agriculture pour cela. Et l'agro-industrie européenne continuera à bien se porter. C'est le but essentiel de la réforme de la P.A.C.

Les paysans des pays pauvres, quant à eux, continueront d'être taxés pour que l'Etat puisse payer ses fonctionnaires. 

Pour comprendre l'enjeu de la réforme de la P.A.C., il faut regarder ce qui se passe actuellement à l'O.M.C. Et pour saisir les mécanismes du dumping et des subventions autorisées par l'OMC nous vous conseillons de lire "La PAC et l'Accord sur l'agriculture de l'OMC" (commentaires de Jacques Berthelot)

Il faut voir la pression fantastique que subissent les pays du Sud pour qu'ils suppriment le peu de protection douanière qu'ils ont pu conserver. En échange, les pays du Nord leur font miroiter un accès plus facile à leur marché. Les pays du Nord promettent de réduire (voire de supprimer) leurs subventions à la production et à l'exportation. Mais en fait ils ne changent que la forme de l'aide. Ainsi les pays du Nord pourront continuer à exporter leurs produits, notamment leurs produits agricoles (et les produits de l'industrie alimentaire). 

On peut estimer qu'ils condamnent ainsi 800 millions de paysans des pays pauvres à la misère. Je suis convaincu que ce n'est pas l'intention des évêques européens. Alors, j'attends d'eux une troisième déclaration qui tienne compte, cette fois, de l'environnement mondial, et spécialement des pays du Sud. J'aimerais qu'ils soient attentifs au cri des pauvres, au cri des paysans pauvres des pays pauvres : notamment ceux de la Via Campesina, mouvement paysan mondial, et du Réseau des Organisations Paysannes et de Producteurs Agricoles  de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) qui, dans leur communiqué de presse commun du 17 juillet 2001, soulignent que :

 "La décision de l’UE d’ouvrir sans droit de douane son marché agricole aux produits des Pays Moins Avancés est le contraire d’une solution pour ces pays. Elle est plutôt faite pour justifier la pénétration des marchés des Pays Moins Avancés par les exportateurs de l’UE… Les priorités des paysans et de leurs familles dans les Pays Moins Avancés est d’abord de pouvoir produire pour leur famille, puis d’avoir accès au marché intérieur, bien avant d’exporter. La décision européenne ne va au contraire que renforcer les bénéfices des grandes firmes utilisant les ressources et la main d’œuvre des Pays Moins Avancés pour les cultures d’exportation vers l’UE

Les agriculteurs de Via Campesina et du ROPPA réaffirment le droit pour les pays/groupes de pays du Sud et du Nord de protéger leur agriculture et leur marché afin de rémunérer équitablement le travail et les produits des exploitations familiales agricoles".

Maurice Oudet
Koudougou, le 3 janvier 

Que Dieu rende vigilants
Ceux qui chantent le Seigneur :
Qu'ils ne soient en même temps
les complices du malheur
Où leurs frères sont tenus !

              Prière du temps présent
        (Hymne de Carême)

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