Nouvelles menaces sur l'Afrique :

Les A.P.E.R.

Voilà un nouveau sigle qu'il va falloir apprendre à connaître avant qu'il ne soit trop tard. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'Accords de Partenariat Economique Régionaux (en abrégé A.P.E.R.) que l'Union Européenne veut mettre en place avec les pays A.C.P. (pays d'Afrique - des Caraïbes et du Pacifique) dans le cadre de l'Accord de Cotonou.

La menace se fait plus précise, car la deuxième phase de la négociation a été lancé ce mois d'octobre 2003. Pour l'Afrique de l'Ouest le lancement a eu lieu à Cotonou le 6 octobre dernier. Seuls quelques initiés sont au courant. Est-ce ainsi que l'on prétend donner une place à la société civile dans ces négociations ? Et pourtant, l'enjeu est de taille. En effet, il ne s'agit pas moins que de mettre en place des zones de libre échange entre l'Europe et des régions qui seront définies au cours des prochaines négociations.

L'Europe ne veut pas être en retard sur les Etats-Unis

Nous sommes inquiets, car il apparaît que l'Union Européenne fait le forcing pour arracher ces accords, méprisant les aspirations légitimes des pays ACP. Quand les pays ACP ont demandé que l'agriculture soit mise à l'ordre du jour de ces négociations, l'Europe a refusé. Elle a simplement indiqué qu'on traiterait de l'agriculture dans le cadre de l'accès au marché!

Toujours ce fameux marché ! Or l'urgence pour les pays ACP, et tout spécialement pour les pays de l'Afrique de l'Ouest, ce n'est pas l'accès au marché de l'Union Européenne, mais bien de protéger le droit souverain d'avoir accès à leur propre marché.

Il nous semble que du côté des pays ACP, l'esprit de Cancún devrait présider à ces négociations, contre vents et marées. Que s'est-il passé à Cancún ?

De Cancún, nous voulons retenir quatre éléments indissociables :

  • Le groupe ACP, l'Union Africaine et le Groupe des PMA se sont alliés pour défendre leurs intérêts à Cancún.

  • A Cancún, ces quatre organisations ont constaté la convergence de leurs points de vue sur l'Agriculture et le Développement : à savoir que pour ces pays la sauvegarde de leur agriculture est une question de vie ou de mort, et qu'en conséquence ils ne peuvent s'engager sur de nouveaux accords tant que leur droit de protéger leur agriculture par des taxes à l'importation ne leur sera pas reconnu. Que pour eux, les questions de développement ont priorité sur la libéralisation du commerce.

  • A Cancún l'alliance, notamment sur la question du coton, entre la société civile et les gouvernements africains a renforcé les capacités de négociations de ces derniers.

    • Enfin, comme l'a dit le Ministre du commerce du Burkina Faso : "il faut tirer les leçons de l'échec et comprendre que désormais, on ne peut pas signer les yeux fermés n'importe quel texte."

      Nous pensons qu'il est très important que ces quatre éléments soient présents tout au long des négociations avec l'Union Européenne pour la mise en place de ces APER.

      • Cela veut dire que les pays ACP doivent restés unis durant ces négociations.

      • Cela veut dire aussi, que s'il est bon de faciliter la mise en place de marchés africains intégrés, il n'est pas question d'ouvrir ces marchés vers l'Union Européenne, avant la reconnaissance d'un préalable : la souveraineté alimentaire (et donc le droit de protéger son agriculture et son industrie naissante de transformation des produits agricoles) des zones définies par ces marchés intégrés. La priorité étant le droit d'accéder à son propre marché !

      • Pour que ces droits soient mieux défendus, nous pensons qu'une alliance entre les états africains et leurs sociétés civiles est nécessaire. Cela suppose que les états africains résistent à la tentation de mettre en place une société civile à leur convenance, mais plutôt qu'ils laissent la société civile s'organiser, qu'ils lui transmettent les informations utiles et qu'ils engagent le dialogue avec elle sans réticence.

      Alors, l'esprit de Cancún continuera de régner et les états africains seront plus forts pour négocier. La menace s'écartera.

      Maurice Oudet
      Bamako, le lundi 27 octobre 2003

      N-B : Cet article reflète la teneur des échanges qui ont été tenu à Bamako du 23 au 26 octobre 2003 pendant la semaine d'Education Populaire de Jubilé 2000/CAD-Mali.

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