Il y a quelques jours, j'ai fait un tour du côté de la grande mosquée de Ouagadougou, là où se trouvent la plupart des grossistes qui commercialisent le riz. Je n'ai pas trouvé de riz burkinabè. Je demandais la provenance des différents sacs qui se trouvaient exposés devant un magazin, quand un vendeur me dit : "Nous avons aussi du riz qui vient du Japon." Il décolle une étiquette et il me la donne. C'est celle que vous voyez ci-dessus, à gauche.

Je dis : "Je serais très étonné si ce riz venait vraiment du Japon. Je n'ai jamais vu de riz japonais au Burkina." Je demande : "Est-ce qu'il n'y a pas une deuxième étiquette sur les sacs ?" Il se penche à nouveau vers le tas de sacs, et il arrache une autre étiquette. Celle-ci était cousue dans le sac. C'est celle que vous voyez ci-dessus, à droite. Du riz américain ! Ce riz a quatre ans d'âge ! Il est vendu 7 000 FCFA le sac de 30 kg, soit un peu plus cher que le riz importé de Thaïlande, et un peu moins cher (7 000 FCFA au lieu de 7 200 FCFA) que le riz du Sourou en vente à Koudougou.

Pour comprendre pourquoi l'aide alimentaire du Japon envers le Burkina (et d'autres pays voisins) est constituée de riz américain, il faut connaître les règles de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Il faut savoir que ces règles demandent à tous les pays membres de laisser entrer librement 5 % des produits consommés sur leur marché national . Cela veut dire que le Japon doit acheter 5% de sa consommation de riz sur le marché mondial. Le Japon achète donc 5 % de sa consommation en riz aux Américains (cela leur permet de rééquilibrer quelque peu leur balance commerciale vis-à-vis des États-Unis), il fait rentrer ce riz sur son territoire (pour qu'il puisse être comptabilisé dans les statistiques que le Japon présente à l'OMC), puis ce riz repart vers le Burkina (ou autres pays "aidés"). Quant à ceux qui voudraient exporter du riz au Japon, leurs clients devraient payer 500 % de taxes. C'est dire que les producteurs de riz japonais sont bien protégés. Ils peuvent vendre leur riz sur leur marché national 5 ou 6 fois plus cher que sur le marché mondial. L'aide alimentaire du Japon sert donc avant tout à protéger les riziculteurs japonais !

 

En résumé : à qui profite l'aide alimentaire du Japon? Certainement Pas aux producteurs de riz burkinabè ! Mais bien aux producteurs de riz japonais qui peuvent vivre dignement de leur travail. C'set ce que souhaitent aussi les riziculteurs burkinabè : vivre dignement de leur travail ! Pour cela il suffirait d'instaurer un prix plancher pour le kg de riz paddy. En un premier temps, le kg de riz paddy pourrait être fixé à 120 F CFA  (à l'exemple de la Thaïlande, comme me l'expliquait récemment un industriel thaïlandais). Et ce prix serait alors protégé par une taxe sur l'importation du riz (de l'ordre de 50 %, loin de ce que fait le Japon qui taxe le riz importé à 500 %; loin également des 100 % de taxe du Nigeria).

Koudougou, le 11 novembre 2004
Maurice Oudet

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