Publicité et Souveraineté alimentaire

Le 3 décembre 2005, à Ouagadougou, à 10 jours de la Conférence ministérielle de l'O.M.C. à Hong Kong, la Confédération Paysanne du Faso prenait position et se faisait entendre. Elle réclamait, entre autres, que " le droit et les facilités d’accès aux médias soient assurés pour la promotion de nos produits agricoles. Nous voulons qu’au même titre que les Spots Publicitaires de produits importés comme « Lait Nido », « Cube Maggi », un temps équivalent nous soit accordé gratuitement pour la promotion d’aliments locaux à base de nos produits agricoles. "

Il me semble que cette revendication n'a pas encore reçu l'attention qu'elle mérite.

1) Pourquoi une telle revendication ?

Tout simplement parce que, que ce soit à la télévision nationale ou sur les panneaux publicitaires des villes africaines et de Ouagadougou en particulier, vous ne voyez que des publicités qui font la promotion de produits importés. Aucune publicité pour les produits locaux. Le cas de la télévision nationale du Burkina Faso (TNB) est exemplaire. Elle est la propriété de l'Etat burkinabè. Elle se dit "service publique". Mais vous n'y voyez que des spots publicitaires pour des produits importés, souvent produits et commercialisés par des multinationales. Comme pour le lait Nido de Nestlé.

A Dakar, Cotonou ou encore Bamako, combien de panneaux publicitaires (parfois géants !) pour des produits laitiers ? Là encore il s'agit de produits importés ou de produits - comme le yaourt - fabriqués à partir de lait en poudre importé.

Comment voulez-vous qu'un jeune de la ville, qui a grandi dans cet environnement, s'intéresse aux produits de son pays. Il veut être de son temps, il veut être moderne. Il veut consommer ce qu'il voit à la télévision ou sur les panneaux publicitaires de sa ville. Il en vient à penser, sans réfléchir, que ce qui vient d'ailleurs est meilleur.

Comme ce jeune, au cours d'un débat qui suivait la projection du film "Afrique en danger", que j'ai vu se lever pour dire (sous-entendu : "Je ne suis pas fou !") : "Quand je rentre dans une boutique d'alimentation et que je trouve deux sortes de confitures, une du Burkina, l'autre venant d'Europe, je choisis la confiture qui vient d'Europe."

2) Quelles alternatives ?

  • La première, c'est celle que propose la revendication de la Confédération Paysanne du Faso. Que la télévision nationale joue son rôle de service public. Comme les paysans burkinabè n'ont pas les mêmes moyens financiers que les multinationales qui envahissent le petit écran, il faudrait que l'État permette aux organisations paysannes et aux petites entreprises de transformation alimentaire de faire la promotion des produits du pays.

    Ils pourraient aussi demander au maire de Ouagadougou (de même pour les autres villes) quelques panneaux publicitaires qui leur seraient réservés pour la promotion de ces mêmes produits.
  • La seconde serait de faire des labels et des unions de producteurs ou de petites entreprises.
    Par exemple, les producteurs d'oignons ou de bananes du Burkina pourraient créer un label de qualité pour chaque produit et s'unir pour partager les frais de promotion de leurs produits. 
    Ce qui permettrait, par exemple, aux oignons du Burkina - bien appréciés -de ne plus être mélangés, comme cela se fait aujourd'hui, aux oignons du Niger, généralement moins appréciés des consommateurs.

3) La fédération des laiteries "Kosam Wuro Men".

Cette fédération n'existe pas encore ! Il ne s'agit pour le moment que d'un projet qui devrait voir le jour au Burkina dans les mois ou les années qui viennent. En fulfulde, Kosam wuro men veut dire : "Le lait de chez nous". L'idée est de créer des mini laiteries autour de centres urbains. Ces laiteries s'engageraient à ne transformer que du lait local. Elles s'accorderaient également sur un cahier de charge et donc sur la formation du personnel, sur la qualité des produits, sur l'hygiène et les prix. Ce qui permettrait de faire des économies d'échelle sur les emballages et sur les campagnes publicitaires.

Maurice Oudet, le 5 juin 2006

FaLang translation system by Faboba