OMC : Echec des puissants et des commerçants !

Changeons les règles du jeu :
Reconnaissons la souveraineté alimentaire !

Lundi dernier, le 24 juillet 2006, à Genève, après des mois de crise, le cycle de négociations commerciales, lancé en novembre 2001 à Doha, a été suspendu. Aucune date n'est prévue pour la reprise des négociations.

C'est évidemment un échec pour l'Organisation mondiale du commerce (OMC). C'est un échec pour les six "principaux" acteurs des négociations (Etats-Unis, Union Européenne, Japon, Brésil, Inde et Australie) qui étaient réunis à Genève depuis dimanche. Ce sont eux, avec le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, qui ont déclaré la faillite du processus démarré il y a près de cinq ans.

C'est donc un échec pour les grandes puissances, et pour tous ceux qui voulait réduire les droits de douanes et diminuer les subventions sur les produits agricoles. Est-ce pour autant une victoire pour les paysans ?

Pas encore !. Les paysans de l'Afrique de l'Ouest, par exemple, ne gagnent rien à cet échec. Mais la communauté internationale doit tirer les leçons de cet échec, et chercher des alternatives. Voici quelques propositions en ce sens :

1ère leçon : 

Personne ne peut nier que l'OMC a échoué sur la question agricole. La PAC (la Politique Agricole Commune de l'union européenne) et la politique agricole américaine ont été la goutte d'eau qui a fait débordé le vase. L'agriculture, qui concerne directement 3 milliards d'hommes, est une chose trop importante et trop complexe pour qu'elle soit remise entre les seules mains des commerçants. 

          Alternative : 

Pourquoi, ne pas écouter les paysans, c'est à dire ceux qui pratiquent l'agriculture ? Depuis plusieurs années ils demandent que soient respectée la souveraineté alimentaire de chaque état. Avec eux, demandons la souveraineté alimentaire. C’est-à-dire le droit des populations et des pays à définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires en fonction des besoins et des priorités de leurs communautés locales. Cela inclut des mécanismes de protection contre les importations à bas prix pour les produits alimentaires, un contrôle strict des importations d’aliments pour garantir la stabilité des prix des marchés intérieurs et un système de contrôle de la production pour éviter de générer des surplus et donc du dumping sur le marché mondial.

2ème leçon :

Cet échec conforte la position de ceux qui depuis plusieurs années se battent pour que l'agriculture soit retirée des compétences de l'OMC. Cependant, dès le 25 juillet au matin, Pascal Lamy a reçu une délégation de Via Campesina. Comme si soudainement l'OMC s'intéressait à la souveraineté alimentaire. Des réflexions communes entres syndicats de paysans et OMC vont être programmées. 

          Alternative 

De deux choses l'une :

- ou bien le point de vue des paysans et la souveraineté alimentaire sont rapidement pris en compte à l'OMC, au quel cas, pourquoi ne pas accorder une dernière chance à l'OMC ?

- ou bien les membres de l'OMC manifestent à nouveau leur incapacité à prendre en compte l'ensemble des dimensions de l'agriculture, au quel cas il est urgent de retirer de l'OMC les accords ayant trait à l'agriculture, la pêche, la forêt et les ressources naturelles. Pour les confier à qui ? Pourquoi pas à la FAO (l'Organisation des Nations-Unies qui traite des questions d'agriculture et d'alimentation). A condition toutefois que la FAO soit réformée. Et qu'elle accueille en son sein, de droit, des représentants des Organisations Paysannes, à l'instar du B.I.T. (Bureau International du Travail) où les ouvriers et employés ont leurs représentants.

3ème leçon : 

Ceux parmi les pays pauvres qui avaient cru aux promesses des plus puissants peuvent être déçus. Ce cycle de négociations devait offrir, aux pays les plus pauvres, un espace de liberté pour leur permettre de se développer, en mettant en place un commerce plus équitable. C'est en ce sens que le cycle de Doha avait été baptisé "Agenda du développement". Les pays riches n'ont rien voulu céder de leurs "avantages acquis". Les pays en développement ont tout intérêt à retenir la leçon. Surtout que ces mêmes pays sont prêts à se lancer dans des accords bilatéraux. C'est ainsi que, le soir même, la ministre française déléguée au commerce, Christine Lagarde, donnait le ton en indiquant : "On doit regarder maintenant les alternatives, c'est à dire les négociations multilatérales de nature régionale." En disant cela, nul doute que la ministre française avait en tête les APE (Accords de Partenariat Economique), ces accords de libre-échange que l'Europe voudrait signer rapidement avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). 

          Alternative 

Ce qu'on exige en premier d'un négociateur, c'est être capable de dire non quand les intérêts vitaux de son pays sont en jeu. A l'OMC, les négociateurs américains et européens ont montré qu'ils possédaient cette capacité. Que les négociateurs des pays ACP s'en souviennent quand ils négocieront un APE avec la commission européenne. Mieux vaut pas d'accord du tout, qu'un mauvais accord. Mieux vaut pas d'APE qu'un mauvais APE. Et comme l'agriculture est vitale pour l'ensemble des pays ACP, mieux vaut pas d'APE qu'un APE qui ne respecte pas la souveraineté alimentaire des pays ACP. Les accords de Cotonou reconnaissent le droit de ne pas signer un APE. Que les négociateurs pensent à cette alternative.

4ème leçon

Le cycle de Doha devait se conclure avant le 1er janvier 2005. Personne n'est capable aujourd'hui de dire s'il sera conclu un jour, et encore moins de fixer une date pour sa clôture. 
La nécessité de respecter  la date butoir du 31 décembre 2007 pour la fin des préférences commerciales n'apparaît plus clairement pour les pays en développement. En effet, les pays ACP peuvent légitimement prétendre que "le traitement spécial et différencié" dont traite le cycle de Doha pouvait modifier cette date pour accorder un délai plus long à leurs pays.

          Alternative 

L'Union européenne s'appuyait sur les règles de l'OMC pour que les APE soient conclus avant le 1er janvier 2008. Aujourd'hui les pays ACP peuvent aisément exiger de l'Europe un délai plus long. Il est plus important de s'assurer que les APE seront favorables au développement des pays signataires que de respecter cette date butoir, par trop arbitraire. Il est de fait inconcevable de signer un APE tant que l'intégration d'une région n'est pas réalisée. Nous entendons dire que l'Afrique centrale serait prête à signer un tel accord. Sur quels critères s'appuie-t-elle pour se déclarer prête à signer un APE, au risque de s'affaiblir elle-même et d'affaiblir les autres régions d'Afrique. N'est-ce pas plutôt l'Union européenne qui s'appuie sur la faiblesse de cette région pour l'entraîner dans ses filets ? L'Union africaine serait dans son rôle en veillant à ce qu'aucune des 4 régions d'Afrique ne signe prématurément un tel accord.

Semur en Brionnais, le 27 juillet 2006
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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