Le lait en poudre est-il trop cher ?

De Dakar à Ougadougou, en passant par Bamako, les consommateurs se plaignent d'une forte hausse sur le lait en poudre. Et ils ne sont pas les seuls. Les commerçants et les transformateurs se joignent à eux. C'est que les sacs de 25 kg de lait en poudre sont passés, quand on en trouve, de 40 000 F à 80 000 F.

Du côté des commerçants et consommateurs, l'inquiétude est grande : « L’heure est grave. Nos commandes, en Europe, sont rejetées. Et les ristournes à l’exportation annulées. Et même quand les commandes sont acceptées, elles sont surtaxées… », nous confie un industriel malien. Avant d’ajouter, la voix nouée par l’amertume : « La situation risque de se compliquer davantage. Puisqu’on annonce, déjà, d’autres augmentations des prix du lait en poudre ».

Au Mali, le sac de 25 kg de lait, vendu sur le marché à 40 000 CFA, est en voie de disparition. Chez les rares détenteurs de stock, le prix du sac est passé du simple au double : 80 000 CFA.

Au Sénégal, c'est la même chose : les consommateurs, et les transformateurs de lait en poudre ont même fait pression sur le Ministre du Commerce qui a bloqué toute ré-exportation du lait en poudre vers les pays voisins.

« Si rien n’est fait pour épauler les professionnels du lait, la situation va s’empirer, avant, pendant et après le Ramadan », avertit le gérant d’un supermarché, en commune I du District de Bamako.

L'expression " les professionnels du lait " est intéressante. De qui s'agit-il ? 

Dans son esprit, il s'agit de tous ceux qui commercialisent le lait en poudre ou qui transforment ce lait en poudre en yaourt ou dégué, ou encore qui vendent du lait reconstitué.

Mais il y a d'autres professionnels du lait. Je pense aux petits éleveurs qui ont du mal à vendre leur lait sur le marché intérieur à cause, justement, des importations massives de lait en poudre. Je pense aux mini laiteries qui, par solidarité avec ces petits éleveurs, ont fait le choix de transformer le lait produit localement. Ceux-là se réjouissent.

Hier, la présidente de la mini laiterie de Koudougou (qui transforme le lait produit localement) est venue me saluer dans mon bureau. Elle était tout heureuse. Elle venait de découvrir que les derniers sacs de lait en poudre de 25 kg avaient disparu à Koudougou. Elle ajoutait : "Cette fois, les clients vont cesser de nous dire que nos yaourts sont meilleurs mais trop chers. Nous n'auront plus de problèmes pour vendre nos produits. Il faudrait seulement que les éleveurs puissent nous fournir plus de lait."

Comment en est-on arrivé là ? D'après le Le mollah Omar du Canard Déchainé (Mali) du 16-05-07, il s'agit d'une crise mondiale.

"A l’origine de cette hausse, que connaît le marché international, la suppression des subventions que les pays occidentaux accordaient à leurs producteurs ; et cela, conformément aux recommandations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Pour rentabiliser leur production, les producteurs européens se sont tournés vers d’autres produits, dérivés du lait. Comme les yoghourts ou les fromages. D’où la pénurie de lait en poudre sur le marché international.

A la suppression des subventions s’ajoute une autre cause et non des moindres : le réchauffement climatique, cause de la sécheresse dans la plupart des pays réputés gros producteurs, mais aussi grands exportateurs de lait. Notamment, la Nouvelle–Zélande, l’Australie où la production a chuté de 50%, l’Argentine devenue importateur de lait en poudre, après s’être illustrée comme l’un des plus grands exportateurs. Conséquence : à la bourse européenne du lait, le prix de la tonne de lait en poudre est passé de 3 100 dollars à 4 950 dollars. Et cela, entre le 1er et le 5 mai derniers. Même hausse en Océanie – et à la même période – où le prix de la tonne est passé de 3 000 dollars à 4 100 dollars."

Quoiqu'en disent certains consommateurs ou transformateurs, ce doublement du prix du lait en poudre n'est pas une catastrophe absolue. Dans cette rubrique, nous avons signalé plus d'une fois qu'un sac de 25 kg de lait en poudre ne correspondait en rien aux coûts de production. Et que le prix véritable devrait être plus proche de 70 000 F que de 40 000 F. L'UEMOA et la CEDEAO seraient bien inspirées de profiter de cette crise (le plus dur est sans doute devant nous) pour mettre en place des taxes à l'importation appropriées pour que le prix du sac ne retombe pas en dessous de 70 000 F. Alors, la CEDEAO pourra appliquer sa politique agricole pour la filière lait, de sorte que dans quelques années la production locale de lait remplacera les importations de lait en poudre (comme au Kenya), et nous ne risquerons plus d'être ainsi à la merci du marché mondial malgré nos millions de bovins.

 

Koudougou, le 10 juin 2007
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

FaLang translation system by Faboba