L'Etat devrait s'intéresser au riz étuvé par les femmes !

Le Burkina Faso célèbre la journée internationale de la femme sur le thème « Investir dans les femmes et les filles pour un développement humain durable : priorité et stratégies régionales ». Pour être cohérent avec cette célébration, l'Etat devrait s'intéresser au riz étuvé par les femmes.

Ce matin, j'étais encore au Sourou. Je terminais un bref séjour qui m'a donné l'occasion de rencontrer des responsables des organisations de producteurs de riz et aussi des associations de femmes étuveuses.

Aux dernières informations, il semble que le ministre de l'agriculture cherche toujours à acheter le riz paddy à 115 F le kilo. Cette fois-ci, il s'agirait d'un contrat en bonne et due forme. Les organisations paysannes qui prendraient de l'engrais (Urée et N-P-K) à crédit, (et à un prix subventionné, de l'ordre de 280 000 F la tonne), devraient non seulement rembourser les crédits, mais aussi la réduction (de l'ordre de 25 %) en cédant 15 % de leur production de riz à 115 F le kilo de riz paddy. Cette proposition du gouvernement ne semblait pas intéresser les producteurs de riz. Et encore moins les femmes étuveuses.

En effet, ces dernières n'ont plus qu'une crainte : « Que le riz paddy vienne à manquer !». En effet, aujourd'hui, elles sont heureuses de voir que leur riz étuvé est apprécié, et qu'enfin elles ont en main un travail rémunérateur. Il suffit d'échanger avec elles au moment où elles vont retirer les sacs de riz paddy à étuver, pour se rendre compte que quelque chose a changé au Sourou (comme dans les autres plaines rizicoles). La preuve : elles ont commencé à épargner.

 Sur la photo ci-contre nous voyons les femmes qui viennent réceptionner le riz paddy. Elles n'ont pas peur de prendre de nombreux sacs, et donc de se donner beaucoup de travail. La photo a été prise quelques jours après la marche des femmes de Ouagadougou pour ouvrir la semaine nationale de la femme sur le thème : « Investir dans les femmes et les filles pour un développement humain durable : priorité et stratégie régionales ». Cette marche était présidée par les ministres Céline Yoda, Salamata Sawadogo, Pascaline Tamini. Elles sont respectivement responsables des départements en charge de la Promotion de la femme, des Droits humains et de l’Action sociale et de la Solidarité nationale.

Les femmes étuveuses du Sourou seraient sûrement heureuses que ces trois ministres plaident leur cause auprès du Ministre de l'Agriculture. Elles pourraient faire une proposition en cohérence avec le thème de la semaine de la femme au Burkina. Au lieu de s'intéresser au riz paddy, dans les grandes plaines rizicoles, l'Etat pourrait s'intéresser au riz étuvé. Il pourrait par exemple proposer aux organisations paysannes et aux femmes étuveuses elles-mêmes d'acheter le riz étuvé à 300 000 F la tonne (prix à négocier suivant l'importance de la subvention), les sacs vides étant fournis par l'Etat.

L'organisation paysanne qui aurait une dette d'engrais s'élevant à 30 millions de F CFA s'engagerait donc à livrer 100 tonnes de riz étuvé. Elle serait ensuite libre de commercialiser le reste de sa production sans autre contrainte. Les organisations auraient jusqu'au 30 septembre pour rembourser les dettes contractées pour la culture en saison sèche (et jusqu'au 30 mars pour les dettes contractées pour la culture de la saison humide).

Ce prix est largement inférieur (d'environ 25 %) au prix du riz importé. Et le riz est de bien meilleure qualité !

Cette proposition aurait plusieurs avantages :

  • elle faciliterait le remboursement des crédits

  • le prix est tout a fait intéressant pour l'Etat

  • le prix reste rémunérateur, et pour les producteurs, et pour les étuveuses, du fait de la subvention sur l'engrais (en supposant que l'engrais subventionné sera livré à un prix ne dépassant pas les 280 000 F la tonne)

  • la qualité nutritive du riz fait qu'il aurait vraiment sa place dans les hôpitaux, les écoles, l'armée...

  • cette façon de faire renforcerait le statut de la femme dans les grandes plaines irriguées.

 

J'ai quitté la plaine du Sourou avant que les réflexions ne soient terminées sur cette question. Mais il est probable que les femmes étuveuses du Sourou (ou d'ailleurs) profitent de la 13° Journée du Paysan, qui aura lieu à Koudougou dans quelques jours, pour se faire entendre.

Koudougou, le 8 mars 2009
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

FaLang translation system by Faboba