La terre appartient-elle à Dieu ou à l'Etat ? Au premier arrivé ou au plus puissant ?

Le vendredi 24 avril 2009, Inades-Formation/Burkina a organisé, en prélude à son Assemblée Générale, un atelier sur le foncier. Quand on sait que les députés s'apprêtent à adopter une loi sur le foncier rural, on comprend facilement le bien-fondé du choix du thème. Avec la présence de spécialistes et de responsables d'organisation paysanne, l'atelier s'est révélé très intéressant.

Il est évident que la Réforme agraire foncière (RAF) mise en place en 1984 (et revisité en 1991 et 1996) et qui stipulait, entres autres, que la terre appartient à l’Etat, a montré ses limites.

Récolte de sorgho dans un champ au bord du MouhounUn paysan de la boucle du Mouhoun nous l'a fait comprendre clairement. Du côté de Badala (entre Nouna et Dédougou), on a fait savoir aux paysans que les terres appartenaient à l'Etat. Que celui-ci allait venir les prendre sans contrepartie, puisqu'elles lui appartiennent. Ensuite, quelques personnes fortunés sont venus leur dire : « Vendez-nous vos terres avant que l'Etat viennent vous les prendre « cadeau »! C'est ainsi que 4 000 hectares, principalement au bord du fleuve, ont déjà été vendus. L'opération a profité, notamment, à 2 ministres et à 2 députés. Les fils des paysans, eux n'ont plus rien !

Mais, bien sûr, les terres existaient avant la RAF, et même avant la colonisation. Et elles avaient toutes un propriétaire. « Or dans la vision coutumière de la terre, la terre est à Dieu qui cède gratuitement le droit d'usage aux ancêtres fondateurs des familles humaines et à tous leurs descendants. La terre est donc à tous les humains. La terre est à tous. Ce qui correspond parfaitement au message biblique dans la pastorale de la terre. » (Pastorale de la terre, Abbé Joseph Mukassa Somé au cours de l'atelier).

Tant que la terre (les terres) était abondante, le droit coutumier répondait aux besoins. Même un étranger pouvait obtenir le droit de cultiver sur la terre du village, donc sur la terre appartenant à une des grandes familles du village.

Prenons un exemple. « Dans la province du Ziro précisément à Sapouy M. Zantigui Drabo et sa famille ont décidé d'élire domicile pour des raisons personnelles. Parrainé par un natif du village,  M. Zantigui a désiré avoir une portion de terre pour non seulement y construire son domicile mais également faire de l'agriculture domestique. Les propriétaires terriens ont exigé de lui une chèvre, un coq, deux poulets, du tabac, du dolo ainsi que d'autres cadeaux dont l'importance varie en fonction du statut du demandeur. » (L'hebdomadaire N°358 du 24 Février au 02 Mars 2006)

On pourrait multiplier les exemples. A chaque fois, il apparaîtrait « que l'accès à la terre est conditionné par le parrainage et l'offre de cadeaux. Le migrant bénéficiaire à des droits d'exploitation qui connaissent des limites (l'interdiction de planter un arbre ou de céder à autrui sans un avis préalable des propriétaires terriens) ». (L'hebdomadaire N°358 du 24 Février au 02 Mars 2006)

Mais aujourd'hui, avec une population de 15 millions d'habitants, les limites du système ancestral apparaissent également. De plus en plus souvent il arrive qu'après le décès du chef de famille, les enfants de celui-ci estiment qu'ils n'ont pas assez de terre à leur disposition. Et ils vont alors trouver celui à qui le père avait prêté des terres pour les cultiver pour les lui reprendre. Même si celui-ci les cultivaient depuis plus de trente ans !

Le gouvernement, lui, cherche à encourager les investissements dans le secteur rural. « Rappelons que le Premier Ministre n'a cessé de Récolte de riz dans la plaine de Bagrérépéter pendant tout l'hivernage : « il faut donner la terre à ceux qui ont les moyens de la cultiver ». C'est à dire, la terre au Burkina doit être à la disposition de ceux qui peuvent la valoriser. Il faut voir dans cette catégorie de nouveaux propriétaires les hommes du gouvernement, les hommes d'affaires. » (Aziz Vincent Legma, L'indépendant n° 806 du 17/02/09, cité par le Pr. Fernand SANOU au cours de l'atelier).

Les conflits fonciers sont de plus en plus nombreux et violents. La responsabilité des députés, qui vont bientôt être appelés à s'exprimer sur l’avant-projet de loi portant sécurisation foncière en milieu rural, est grande. Avant de voter la loi, ils seraient bien inspirés de lire et relire le document « Politique Nationale de Sécurisation Foncière en Milieu rural » (que l'on peut télécharger en cliquant sur PNSFMR ). Ce document, daté du mois d'août 2007, a été présenté au cours de l'atelier par M. Jean-Marie Wattara.

Ce document, formulé de façon concertée et participative, semble équilibré et donne une place à tous les acteurs ruraux. Mais beaucoup d'interrogations demeurent. Pour commencer : qui connaît cette Politique Nationale ? Certainement pas les chefs de terre !

Les communes rurales ont une place centrale dans la mise en application de cette politique nationale. Or ces dernières sont encore fragiles. Elles sont confrontées à toutes sortes de difficultés pour assurer leur propre développement. Une nouvelle loi va être votée, avant que cette PNSFMR n'ait connu un début d'application. Va-t-elle faciliter le travail des communes rurales ?

La nouvelle loi donnera-t-elle une vision claire à l'ensemble du monde rural? Les paysans (notamment ceux du Ziro ou de la Sissili) se sentiront-ils à l'abri de la ruée actuelle sur leurs terres agricoles ? Aura-t-elle le courage de limiter la superficie de la terre qu'un investisseur privé pourra s'approprier ? A 50 hectares ?

Enfin, cette nouvelle loi sera-t-elle appliquée ? Comment ? Au profit de tous les acteurs et de la paix sociale ? L'urgence est sans doute de mettre en place des cellules de veille (Organisation de la Société Civile) pour que personne ne détourne la loi, et la terre, à son profit personnel au détriment des autres.

Koudougou, le 26 avril 2009
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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