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Le Burkina deviendra-t-il un pays de fromages ?

C'est la question que l'on pouvait se poser le samedi 7 août 2010, à la fin d'une brève, mais passionnante, formation sur la fabrication du fromage. Cette formation a pu avoir lieu grâce à l'accueil et à l'appui de la laiterie « Immaculata Concepta »de Tampouy, à Ouagadougou.

M. Jean-Bernard et Ousmane (le traducteur en fulfulde)Une partie de l'assistanceIl y avait des représentants (25 à 30) d'une bonne douzaine de laiteries venus de tous le pays. A titre d'exemple, les laiteries Kossam de l'Ouest et Bonnet Vert de Bobo-Dioulasso, la laiterie Deoral Weltare (celles de l'association des femmes peules) de Fada N'Gourma et celle de Bittou à l'Est, la laiterie de Kossam Yadga de Ouahigouya au Nord, la laiterie de Léo au Sud, et bien sûr, plusieurs laiteries de Ouagadougou.

Chacun est venu à ses frais, avec ses propres moyens. Il faut dire que la formation était gratuite, et que la réputation de M. Gilbert CANTERI, Président de l'association française Adel-Lait, qui donnait cette formation, avec l'appui de M. Jean-Bernard MILLIERE, n'est plus à faire. Beaucoup ont déjà apprécié la tomme de Moundasso (du Centre Alfred Diiban, près de Dédougou). Or c'est grâce à cette association, et à M. CANTERI en particulier, que ce centre est aujourd'hui capable de faire un tel fromage de qualité.

Pendant que M. MILLLIERE donnait un cours théorique (mais avec des aspects très pratiques !), les employés de la laiterie « Immaculata Concepta » fabriquaient du fromage sous la direction de M. CANTERI.

M. MILLIERE est professeur à Nancy-Université. Passionné par son enseignement, il nous a fait comprendre qu'on peut dire que le lait cru est vivant puisqu'il contient des micro-organismes, notamment des bactéries. Ces petits êtres unicellulaires ne sont visibles qu’au microscope puisque si l’on pouvait les mettre bout à bout, il en faudrait un million pour faire un mètre ! Ils sont capables de se multiplier en se coupant en deux, environ toutes les demi-heures ! C'est à dire qu'au bout de 5 heures, à la température ambiante, à partir d'une seule cellule bactérienne, il est possible d’en obtenir plus de 30 000 ! C'est, bien sûr, un ordre de grandeur car la vitesse de multiplication va dépendre de la bactérie, du milieu dans lequel elle se trouve et de la température ambiante.

Revenons à notre lait. Dans le lait cru, il y a de bonnes bactéries (heureusement), mais aussi de mauvaises. Les bonnes bactéries se multiplient, se nourrissent du sucre du lait (lactose) et rejettent dans le lait de l'acide lactique, à l’origine de la coagulation lactique et donc de l’obtention de lait caillé !

Mais comme il y a aussi de mauvaises bactéries, si vous voulez fabriquer du yaourt ou du fromage, vous allez commencer par chauffer suffisamment le lait cru afin de tuer la majorité des bactéries indésirables, mais également celles qui sont utiles. Pour la fabrication du yaourt, il faudra pasteuriser votre lait en le chauffant à 90 °C pendant quelques minutes, le refroidir jusqu'à 48 °C, puis l'ensemencer avec des ferments lactiques spécifiques à cette fabrication.

Pour le fromage, vous contenterez de chauffez le lait seulement à 70 °C pendant une minute, en le remuant régulièrement afin qu’il n’attache pas. Refroidi entre 32 et 39 °C, selon la technologie fromagère, il sera ensemencé avec un ferment correspondant au fromage que vous voulez fabriquer.

Si maintenant vous voulez faire un fromage à pâte plus ferme, pressée ou non, vous pouvez renforcer sa texture en ajoutant un peu plus de présure, mais surtout en divisant beaucoup plus le caillé lors de l’opération du découpage, afin de favoriser l’égouttage. C’est le moulage ou mise en formes (moules) qui donnera sa forme au fromage, anciennement dénommé « formage ». Ensuite, après démoulage, salage et ressuyage, vous allez faire subir à votre fromage un affinage (l'affinage étant la période – plus ou moins longue – de maturation pendant laquelle le fromage reçoit de nombreux soins). C'est ainsi qu'en « jouant » sur différents paramètres (qualité du lait – notamment de vache, de zébu, de chèvre ou de brebis, ajout de ferments lactiques, de présure, en pressant ou non la pâte, en chauffant ou non les grains de caillé dans le sérum), on obtient toutes sortes de fromages. A titre d'exemple, en France on fabrique plus de 400 sortes de fromages.

Une participante s'essaie au découpageAprès le découpage, on passe au moulagePendant que M. MILLIERE nous expliquait tout cela avec force détail, la fabrication de « notre » fromage se poursuivait. Quand une étape nouvelle était franchie, M. CANTERI interrompait le cours de son collègue. Ainsi, nous avons assisté à l'ensemencement du lait avec des ferments lactiques, à l'ajout de présure, au découpage, au transfert des petits cubes dans des moules... et, le soir, nous avons pu admirer un fromage qui se tenait bien, sans bulle, bien souple... qui ne demandait plus qu'à être salé puis à être affiné.

Cette journée avait atteint son but : non pas nous rendre capables en quelques heures de faire un fromage ! Mais les formateurs nous avaient transmis leur passion et leur conviction que le Burkina a tout ce qu'il faut pour devenir un pays de fromages.

Quelques jours plus tard, nous recevions les résultats d'analyses d'une dizaine d'échantillons de lait de zébu (zébu peul, zébu azawak, zébu goudali, métis de zébu et race européenne). Les résultats sont sans appel : « Ces laits sont très riches en protéines et en matière grasse... J'ai passé plusieurs fois les échantillons à l'analyse : ces résultats sont très supérieurs aux laits européens ! Ils sont de plus, plus riches en lactose que nos laits et probablement en caséines ce qui fait qu'ils ont des compositions très intéressantes. Cela milite pour la défense des laits d'origine ». (Courriel de M. Gilbert CANTERI).

Que dire maintenant ? D'abord qu'il n'est plus possible de s'arrêter là ! Il nous faut mettre sur pied de véritables stages de formation. D'où la nécessité et l'urgence maintenant pour l'Union Nationale des mini-laiteries de faire aboutir la création d'un centre de formation au service des petits éleveurs et des transformateurs, sur son terrain à Yagma, à quelques km au Nord de Ouagadougou. L'espoir est là : que dans un avenir pas trop éloigné la « tomme du sahel » soit réputée pour sa qualité et appréciée au Burkina, mais aussi dans les pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest !

Koudougou, le 4 septembre 2010
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

P-S : Ceux qui voudrait en savoir plus sur cette journée, peuvent télécharger un document plus complet.

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