abc Burkina :

Une expérience de travail en réseau 
au service des paysans africains

Introduction :

Depuis plus de trente ans, je travaille avec les paysans du Burkina Faso. Depuis janvier 2000, j’anime le site web www.abcburkina.net . Ce site propose divers services. On y trouve notamment, une présentation du monde rurale du Burkina Faso, et une réflexion sur le poids du commerce international sur les paysans africains.

I. La crise du coton et l’appel des producteurs africains.

En 2001, entre le mois de janvier et octobre, le cours mondial du coton s’est effondré. Le coton a perdu la moitié de sa valeur. Or il faut savoir que les Etats-Unis (le premier exportateur mondial de coton) et l’Europe (qui exporte peu de coton) subventionnent fortement leurs producteurs de coton.. C’est ainsi que le journaliste Jean-Pierre Boris a pu écrire en octobre 2001, dans la revue « L’autre Afrique », un article intitulé : « Face aux producteurs américains, fortement subventionnés, les paysans africains sont dramatiquement démunis. A (court) terme, ils pourraient disparaître, asphyxiés. »

Face à cette menace, je suis allé présenter cet article à M. François Traoré, président de l’UNPCB (Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina). Celui-ci était bien informé sur la chute des cours du coton. Il avait déjà rédigé un article sur cette question dans la revue de l’UNPCB. « Le Producteur ». Il a alors été décidé de contacter, par courrier électronique, les organisations des producteurs de coton de l’Afrique de l’Ouest pour leur proposer une démarche commune. Le Bénin et le Mali ont répondu aussitôt. C’est ainsi que le 21 novembre 2001 était lancé « L’appel commun des producteurs de coton de l’Afrique de l’Ouest ». Après une brève analyse, il y était dit :

« Aussi, nous demandons solennellement aux U.S.A. et à l’U.E. de supprimer leurs subventions aux producteurs de coton. Nous demandons à tous ceux qui veulent construire un monde plus juste et fraternel de se joindre à nous pour faire pression sur les Etats-Unis et l’Union Européenne pour qu’ils suppriment ces subventions. »

Cet appel a été placé aussitôt sur notre site www.abcburkina.net et nous avons contacté deux réseaux de solidarité internationale : le réseau AEFJN (Réseau Foi et Justice – Europe-Afrique www.aefjn.org) et le Réseau-Solidarité (ce réseau constitué d’environ 7 000 correspondants intervient dans les situations d’injustice économique
www.globenet.org/reseau-solidarite ).

II. Le travail en réseau.

Le premier, le Réseau-Solidarité a répondu positivement. Ensemble nous avons décidé d’orienter notre action vers le commissaire européen M. Pascal Lamy, en lui envoyant une lettre soutenant les producteurs africains dans leur démarche. Peu après le réseau AEFJN s’est joint à cette action. A travers ces deux réseaux, nous avons rejoint des personnes qui font elles-mêmes partie d’autres réseaux. Si bien qu’assez rapidement l’appel a été publié dans la plupart des revues des ONG ou Associations de solidarité internationale. Grâce à ce travail en réseau nous avons reçu, au Burkina Faso, un grand nombre d’informations utiles qui nous ont permis de constituer un solide dossier. Mais à ce moment les gouvernements africains n’avaient pas pris position.

C’est alors que nous avons appris la tenue prochaine d’une réunion sur le coton des Ministres de l’Agriculture de l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Abidjan. Le président de l’UNPCB a pu s’y rendre avec un solide dossier. Il a préparé cette rencontre avec le conseiller du Ministre burkinabè. C’est ainsi qu’à la fin de la rencontre, les Ministres africains ont décidé de porter plainte à l’OMC contre les subventions des Etats-Unis et de l’Europe à leurs producteurs de coton.

Les ministres africains avaient décidé de porter plainte, mais ils ne l’ont pas fait, alors qu’en septembre 2002 le Brésil l’a fait. A ce moment les producteurs de coton africains, aidés de diverses ONG dont OXFAM International (Oxfam International est une confédération de 12 ONG de développement qui travaille dans 120 pays dans le monde) ont fait pression sur leurs gouvernements pour qu’ils emboîtent le pas au Brésil. Sans résultats apparents.

En réalité, les états africains se sont orientés vers une démarche plus politique. Tenant compte du fait que des négociations étaient en cours à l’O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce), le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad ont décidé de déposer un texte destiné à être étudié au cours de la conférence ministérielle de l’OMC de Cáncun (septembre 2003). La suite est connue. La question du coton a été un des éléments majeurs de la rencontre de Cáncun. A cette occasion le grand public a été informé de la situation faite aux producteurs de coton africains.

Conclusion

Malgré l’échec des négociations de Cáncun, pour les producteurs africains ont peut déjà parler d’une grande victoire. Bien sûr, ils n’ont pas encore obtenu ce qu’ils demandent, mais ils sont sortis renforcés de ce combat, et bien déterminés à poursuivre la lutte.

De notre côté, cette expérience a renforcé en nous une double conviction :

- la libéralisation des échanges agricoles écrase les paysans, notamment les paysans africains. Il est urgent de proposer une alternative respectueuse des populations africaines.

- le travail en réseau est très efficace, et donc nécessaire.

Maurice Oudet
le 8 janvier 2004

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