- Petit village rural de 5 500 habitants - Aujourd'hui, nous vous proposons un document exceptionnel :

1) pour la qualité de l’établissement crée (rien y manque) - et son emplacement en brousse, loin de tout autre centre de santé

2) pour des raisons de proximité :

le lien professionnel entre le président du SEDELAN, Maurice Oudet, et la réalisatrice de ce bel ensemble, Birgitta Amoroso, ex fonctionnaire de la Commission européenne, retraitée bénévole au Burkina et collaboratrice du SEDELAN.

Depuis plus de 10 ans, forte de sa compétence accumulée, elle traduit en anglais toutes les lettres que nous publions sur notre site web. Elle a tenu à apporter son tribut à la santé des villageois Burkinabè en même temps qu’une touche de son passé.

 

produisons ce que nous consommonsVotre président Thomas Sankara disait:

• à chaque village son école

• à chaque village son bosquet

• à chaque village son centre de santé

Cela fait longtemps - 15 ans - que ce village envoie régulièrement une demande de mise en place d’un centre de santé à Ladiou. La réponse est toujours la même: Le Ministère vous remercie de votre sollicitude pour la santé de la population. En raison de nos contraintes budgétaires il ne nous n’est pas possible de vous accorder un centre de santé actuellement.

   Ceci depuis 15 ans.

CHERS VILLAGEOIS, CHERS INVITÉS

birgittaBienvenus tous à l’ouverture de notre CSPS aujourd’hui.

Cette journée est la journée du village de Ladiou. Contrairement à la tradition - et à la politesse diriez vous - je voudrais commencer mes salutations à la base - mon habitat naturel - de la pyramide des présents les hommes et les femmes de Ladiou avec qui nous avons bâti ensemble ce centre

• je salue les hommes ( Martin, Alain, Boureima, Dieudonné, Moussa, Salif et beaucoup beaucoup d’autres); qui - par la seule force de leurs bras - ont fabriqué, une à une, les près de 30.000 briques de terre pressée de nos bâtiments, sous la direction de Bernard Bado

port d'eau• je salue toutes les femmes (Julienne, Marie, Léontine, Pauline, Fatimata, ce ne sont que quelques unes) qui pendant ces 8 ans ont porté sur leurs têtes des centaines et des centaines des seaux d’eau et de sable nécessaires à nos chantiers

• je salue ceux qui nous ont accompagnés à distance, Pére Maurice Oudet de KDG qui pendant 10 ans m’a fait connaitre le Burkina, ses paysans et ses éleveurs, ses villages Peuls, ses cours d’alphabétisation, ses minilaiteries. C’est lui qui m’a aidée à trouver le lieu en grand besoin d’un forage .

Et réaliser enfin le projet de ma jeunesse. C’est aussi lui qui m’a accompagnée ici à Ladiou la première fois, en 2008

• je salue également Mme Alice Valea de l’OCADES qui nous a orientés vers le CREN de Ladiou et qui par la suite nous a soutenus matériellement et moralement ;

• et les amis et collègues de près et de loin, Koudougu, Ouagadougou, Suède et France, ma famille en Suède. Petit à petit l’ensemble complet a été crée:

• un forage

• un jardin potager

• un puits artisanal

• un nouveau CREN

• un hangar multifonctions de 80 m2 pour le CREN

• un dispensaire

• un dépôt pharmaceutique

• une maternité

• 3 hangars, dont un de 18 m2 de sol en pavés de déchets plastiques recyclés

• un incinérateur

• 3 chambres pour le personnel

• douche/WC écologique

• bâtiment de cuisine

• panneaux solaires sur les 3 unités

prètre et brigittaCe qui nous a valu aujourd’hui la reconnaissance officielle de statut de Centre de santé et une Convention de collaboration entre le Diocèse et l’État.

Je suis heureuse de pouvoir saluer ici

• Abbé Frédéric Compaoré, représentant personnel de l’Évêque Msgr Joachim Ouédraogo

• Abbés Jean-Marie, Nicolas, Pascal, Philippe et leurs confrères • Le Médecin Chef du District le Dr Barro

• Le Père Francis Bationo, Curé de Didyr

• Le Préfet • Le Maire de Didyr

• Les enseignants de Ladiou

• Les infirmiers des villages voisins

Je les remercie d’avoir fait le long et cahoteux déplacement à travers les 13 kms de brousse pour nous honorer de leur présence.

petrir la briqueNotre chemin a été long, semé d’embuches (un peu pareil à la piste Didyr - Ladiou en temps de pluie …) problèmes de fournitures, manque de sable !!! - pas de soudeur, menuisier, plombier, électricien à moins de 20 km, pistes infranchissables, pannes, retards, funérailles, beaucoup de funérailles …

Mais pas un seul accident de chantier.

Notre dernière construction c’est la Maternité. Je suis heureuse de savoir qu’à partir de maintenant aucune femme de Ladiou ne devra traverser les pistes boueuses pendant la saison des pluies pour aller accoucher ailleurs. La loi dit bien qu’aucun habitant ne doit être éloigné de plus de 7 km d’un CSPS. Kilomètres! Cela ne veut rien dire un jour/une nuit de pluie pour une femme assise derrière son mari sur un vélo . C’est le temps, le nombre de secondes, minutes ou heures qui comptent pour celle qui en est à 2 minutes entre les contractions …

Ladiou a maintenant sa Maternité.

Depuis le mois d’avril nous avons eu ici 42 naissances,

Cependant la Maternité ce n’est que la moitié d’une vie nouvelle. L’autre moitié c’est la Paternité. Et je m’adresse à vous, les hommes, pères présents et futurs. Je voudrais vous rappeler une vérité importante, grave, vitale :

CHAQUE ENFANT QUE VOUS METTEZ AU MONDE VOUS EN ÊTES RESPONSABLES. PLEINEMENT RESPONSABLES.

Vous avez le devoir d’ assurer à chacun de vos enfants

• nourriture

• éducation

• soins de santé

• affection 

• Pour les enfants qui viennent au monde il ne suffit pas de leur donner de beaux prénoms, comme Dieudonné ou Bienvenu.

• Les bons voeux ne nous coutent rien. La réalité par contre a un prix : il faut leur offrir une vie décente. C’est notre responsabilité. Je voudrais marteler ce principe durement et longuement, l’enfoncer comme un clou d’acier dans un mur de béton.

IL FAUT ADAPTER LE NOMBRE D’ENFANTS QUE NOUS FAISONS VENIR AU MONDE À NOS POSSIBILITÉS DE LES NOURRIR.

Le service de planification familiale de la Maternité de Ladiou est ouvert à vous, tous, hommes et femmes. Notre globe commence à manquer d’espace pour nous tous, humains prédateurs que nous sommes. Le Burkina est fermé, enclavé avec ces 20 millions d’habitants. “Celui qui a un lopin de terre de 100 m2 ne meurt pas de faim”, disait - en 2008 - Dominique Bassolé, ami agronome-économiste, mon collègue à OXFAM de Ouagadougou.

Juste. Mais il faut l’avoir, la terre.

Je discutais vendredi passé avec un autre Burkinabé agronome, Salifou Ouédraogo, Directeur de l’Institut de Développement rural à l’université Nazi Boni à Bobo Dioulasso. Il me disait: “Le conflit futur au Burkina ce n’est pas seulement les djihadistes contre la population, pas seulement agriculteurs contre éleveurs, mais ce sera agriculteurs contre agriculteurs. Car les terres ne suffisent plus pour les jeunes qui souhaitent rester au village et cultiver. La GUERRE DES TERRES est un conflit en préparation.”

* * * * *

Mon objectif dans ce projet de CSPS était de réaliser une structure

• utile

• écologique

• agréable

• avec des matériaux locaux

• et avec la main d’oeuvre locale

• Mon ambition n’était pas tant de faire quelque chose POUR le village de Ladiou, mais AVEC le village. De nous partager le travail. Et partager ensuite la fierté - et la responsabilité - de l’oeuvre finie. (La participation n’a pas toujours été facile et rapide, mais nous sommes arrivés!) Maintenant il faudra aussi l’entretenir. Mieux vous prenez soin de votre CSPS, mieux votre CSPS pourra prendre soin de vous.

MAIS ATTENTION ! Nous pouvons bâtir de beaux locaux, des immeubles en pierre, en marbre, ou en or. Ce n’est que l’emballage. Ce qui importe avant tout c’est le contenu, la qualité du service.

A l’école comme à l’hôpital, au gouvernement comme à la banque - c’est la compétence de ceux qui y travaillent qui importe. La compétence, la passion professionnelle, le dévouement au service.

C’est pourquoi je demande aux autorités, de l’État et du Diocèse, d’exercer pleinement leur droit de regard, je dirais même leur DEVOIR de regard, sur la qualité des soins et la gestion.

Et plus précisément

• d’assigner si possible un mentor aux personnel infirmier débutant

• d’accorder des stages de perfectionnement de deux semaines par année

• d’offrir des possibilités d’évolution de carrière et de promotion au personnel soignant

• et d’assurer la transparence dans la gestion et les finances

Et ainsi faire de ce centre nouveau-né non seulement finalement le CSPS de votre village, mais un BON CSPS. Oui pourquoi pas un

EXCELLENT CSPS?

J’aimerais laisser une petite empreinte personnelle de mon passage à Ladiou. Et honorer en même temps la mémoire de mes parents. J’ai vécu toute mon enfance et ma jeunesse côte à côte avec l’hôpital. Toute ma famille y a travaillé. Mon père était médecin, Directeur d’un hôpital au grand nord de la Suède.

Une fois - j’avais 18 ans et me trouvais aux Etats-Unis - un médecin américain (gynécologue) me lançait -: “ Ah, alors votre père aussi est médecin! Il est spécialisé en quoi ?”

J’aurais pu lui répondre: Sa spécialité ce sont ses malades.

Il était chirurgien généraliste, polyvalent, appelé a traiter pratiquement toutes les parties du corps humain.

Il était un bon médecin, ce n’est pas moi qui le dis, mais ses collègues et ses patients. Il avait une approche holistique du malade. Lors de sa visite des salles il s’adressait à chaque patient par son nom, demandait comment il se sentait. Et ensuite seulement il se penchait sur sa maladie. C’est cet esprit-là qu’il nous a inculqué, moi, mes frères et ma soeur que je souhaiterais implanter ici. La personne humaine d’abord. Sa dignité. Ensuite sa pathologie.

Notre engagement personnel est capital.

Il y une personne que je n’ai pas encore nommée. Parce que elle n’est ni seulement à la base de la pyramide, ni seulement au sommet. Elle a traversé tout l’édifice du début à la fin. Oui, elle a même creusé les fondations.

bebeC’est COLETTE BAZIÉ, animatrice et directrice du CREN de Ladiou depuis plus de 35 ans. Venue ici en 2008 j’ai suivi pendant des mois et des années son travail. J’ai été impressionnée dès le début. Son accueil de 40, 60, même 80 enfants et mères par jour, quelques uns arrivés même le dimanche. Ils ont trouvé ici un accueil amical. Une écoute attentive. Un traitement en douceur. Colette Bazié a assuré la récupération de 85% à 95 % des enfants malnutris venus ici.

J’ai été impressionnée par son enseignement: la leçon - “ la causerie” comme on dit ici - au début de chaque journée, sur divers thèmes essentiels, le sevrage, l’hygiène, le paludisme, les pratiques dangereuses, les problèmes sociaux. Elle a organisé des démonstrations de préparation de nutriments enrichis, elle a fait des animations dans les villages, elle a appelé les maris dans des cas sociaux difficiles.

Elle a fait connaître le CREN de Ladiou sur un vaste rayon, bien au delà du district. Elle a compilé seule les rapports et statistiques de tout - un travail de fourmi. Tard dans la soirée.

Elle a en plus suivi une formation continue, de nombreux cours à Kdg, à Ouagadougou. Des sujets complexes à un niveau scientifique élevé.

Tout ce travail, pendant 35 ans, a été un travail bénévole. Bénévole avec un très grand B.

Elle a agi avec calme et autorité. Je n’ai jamais vécu un conflit à ses côtés pendant toutes mes années à Ladiou.

LADIOU jAN 2011 (4) 2Pendant les 35 ans de son service IL N’Y A JAMAIS EU UN DÉCÈS AU CREN.

Ceci pour vous dire que c’est l’oeuvre de Colette BAZIÉ qui m’a amenée à réaliser toute la nouvelle structure qui nous entoure ici aujourd’hui.

C’est pourquoi j’en appelle aux hautes autorités du Diocèse de reconnaître l’importance de ce qu’elle a accompli et d’assurer à Colette BAZIE une juste et équitable rémunération, lui permettant d’affronter les années de service et de vie qui lui restent avec sérénité.

Je crois que C’EST VOTRE DEVOIR.

Longue vie au CSPS de Ladiou

Bon travail à son personnel

Bonne santé aux enfants, femmes et hommes de Ladiou

Merci.

Ladiou, le 16 février 2019

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