Déclaration de Moundasso.

Sur la route de la souveraineté alimentaire :
une alternative paysanne 
à la mondialisation néo-libérale.

 

Introduction à la déclaration.

Face à ce sentiment d’abandon découlant de l’application de la mise en œuvre des Programmes d’Ajustement Structurel, nous, participants au séminaire de Moundasso, déclarons qu'il est urgent pour nos Etats de retrouver leur Souveraineté Alimentaire. Souveraineté que nous appelons de tous nos vœux.

Le concept de Souveraineté Alimentaire fut lancé dès le début de l’année 1990 par les Alliances d’Organisations de petits paysans, des paysans sans terre, de pêcheurs et de communautés indigènes. Ce concept met l’accent sur le droit des petits paysans, des éleveurs, des pêcheurs et des artisans à produire de la nourriture pour leur marché local.

Par Souveraineté Alimentaire, nous entendons :

"Chaque pays et groupe de pays doivent pouvoir satisfaire ses besoins alimentaires de la façon qui lui paraît la plus adaptée à sa situation. Pour atteindre cet objectif, des droits humains fondamentaux doivent être garantis, en priorité le droit à un niveau de vie satisfaisant, y compris une nourriture suffisante pour être à l'abri de la faim. (Article 11 - Pacte des droits économiques).

D'autres droits en découlent tout normalement, notamment :

Le droit à produire cette alimentation localement ;

Le droit à des revenus décents et à des prix rémunérateurs, en rapport avec les coûts de production rencontrés dans les pays concernés ;

Le droit à un accès équitable et juste aux moyens de production : terre, eau, crédit, semence etc. ;

Le droit de se protéger des importations à trop bas prix, ainsi que des importations de produits qui peuvent présenter des dangers pour l’environnement, pour la santé humaine animale et végétale. ;

Le droit de s'opposer au brevetage du vivant et à son appropriation par des sociétés privées;

Le droit à un environnement sain, avec des modes de production durable dans le respect de la biodiversité."

Les règles actuelles du commerce international font obstacles au respect de ces droits qui pourtant constituent le socle sur lequel repose le principe de la Souveraineté Alimentaire.

La Souveraineté Alimentaire en tant que droit des peuples à définir leurs propres politiques en matière d’agriculture et d’alimentation, se heurte de front aux politiques néo-libérales imposées par la Banque Mondiale, le FMI les Etats Unis les Européens ainsi que par l’accord sur l’agriculture de l’OMC.

Ces constats nous ont amené à approfondir notre analyse en jetant un regard hors de notre contexte immédiat et nous ont aidé à faire ressortir les éléments suivants :

  • Conçue en 1962 pour permettre à l’Europe de moderniser son agriculture et d’assurer sa sécurité alimentaire, la politique agricole commune en Europe a largement atteint ses buts. Mais la production, stimulée par des prix subventionnés, garantis et les progrès techniques, continue de croître, au point d’obliger les pays membres à écouler les excédents sur le marché mondial.
  • Ces exportations subventionnées arrivent dans les pays du Sud à des prix inférieurs aux coûts de production et privent les petits paysans de leurs débouchés. Aujourd’hui, des poulets brésiliens ou des brisures de riz thaïlandais, le coton des Etats Unis sont aussi néfastes que les produits européens pour les agriculteurs du Sahel.

De notre point de vue, l’aide alimentaire internationale dans ses rapports avec la sécurité alimentaire devrait tenir compte des mesures de l’Accord de l’OMC qui voudrait :

 

Que l’aide aille à ceux qui en ont vraiment besoin,

Qu’elle ne soit pas préjudiciable à la production intérieure des pays bénéficiaires ;

Qu’elle ne fausse pas les échanges ;

Qu’elle réponde vraiment à la demande ;

Qu’elle ne constitue pas un écoulement d’excédent pour les pays offrant des subventions ;

Qu’elle ne permette pas aux pays de contourner leurs engagements en matière de subvention à l’exportation.

 

Fort de ces conditions, les Etats pourraient fonder leurs politiques d’aide alimentaire sur une évaluation fiable des besoins, impliquant aussi bien le bénéficiaire que le donateur et axé spécifiquement sur les populations nécessiteuses et sur les groupes vulnérables.

Dans ce contexte les Etats sont invités à tenir compte des capacités de production alimentaire et des besoins nutritionnels des populations bénéficiaires.

 

Déclaration.

Nous, membres présents à l’atelier de Moundasso :

Affirmons notre attachement à ce principe de Souveraineté Alimentaire.

Proclamons que les pays ont le droit de décider comment disposer de leurs produits alimentaires sans ingérence extérieure, qu’elle soit économique ou politique.

Défendons vivement le concept et le contenu de Souveraineté Alimentaire et ses implications économiques, sociales et culturelles.

Nous nous constituons en plate forme d’animation et de plaidoyer pour la Souveraineté Alimentaire jusqu’à ce qu’elle soit reconnue au plan national et international comme l’expression d’un droit essentiel des peuples.

Nous nous engageons déjà à faire connaître autour de nous ce qu’est la Souveraineté Alimentaire et quels sont ses principes d’une part et à mobiliser les membres de nos organisations à vivre et à travailler selon l’esprit de la Souveraineté Alimentaire d’autre part.

Interpellons nos Etats, les pouvoirs publics, ainsi que les institutions sous régionales et régionales, qui sont sous leur égide, pour qu’ils prennent leurs responsabilités en matière de Souveraineté Alimentaire.

Nous demandons conformément à la déclaration du forum des ONG au sommet mondial de l’alimentation mondial de la F.A.O en 1996 :

Que le Code de Conduite International sur le droit à une Alimentation Adéquate dans le contexte de la Sécurité Alimentaire Nationale soit adopté et ratifié par les membres au prochain sommet de la F.A.O en 2005 comme Convention au Droit à une Alimentation Adéquate et non comme Directive Volontaire.

Qu’il soit introduit des mécanismes de contrôle et de rapport afin de valoriser cette convention.

Que ces mécanismes ne soient pas exclusivement réservés aux gouvernements mais aussi à d’autres acteurs comme les organisations internationales et des acteurs non-étatiques.

Fait à Moundasso Burkina Faso

Diocèse de Dédougou

Le 18 mars 2004.

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