" Nan laara, an saara "

"Si nous nous couchons, nous sommes morts"

(Joseph Ki-Zerbo - 2 juin 1922 - 4 décembre 2006)

Nous avons choisi ce titre (en jula, avec sa traduction en français) en hommage au Professeur Joseph Ki-Zerbo, décédé dans la matinée du lundi 4 décembre. C'est au cours d'un atelier sur la souveraineté alimentaire, à Ouahigouya - au Nord du Burkina Faso - que nous avons appris sa mort. Nous étions une trentaine de participants venus du Sénégal, du Mali et du Burkina Faso.

Avec ce slogan, le professeur Ki-Zerbo nous invite à nous lever pour lutter pour un monde plus juste, à nous lever pour le combat en faveur d'échanges équitables avec le Nord.

Personnellement, il me semble que ce n'est pas déformer sa pensée que d'appliquer ces mots au combat en faveur de la reconnaissance du droit de souveraineté alimentaire.

Dans ce cadre, se coucher, c'est accepter trop facilement de manger des produits alimentaires importés.

Se coucher, c'est accepter que le commerçant de mon quartier ne m'offre que du vieux riz thaïlandais. Pourquoi dois-je courir la ville pour trouver  le bon riz du Sourou ou de Bagré (ou encore de la vallée du Kou, de Banzon...) ?

Se coucher, c'est penser trop facilement que ce qui vient de l'extérieur est meilleur que ce qui est produit chez nous.

 

Se lever, c'est d'abord changer son regard.

Il y a des réalités qui devraient nous choquer. Pourquoi si peu de produits alimentaires de notre pays dans les boutiques d'alimentation générale de nos grandes villes ?

A Abidjan, il est difficile de trouver du chocolat à croquer fabriqué en Côte d'Ivoire. Et quand on en trouve, pourquoi est-il si cher ?  Plus au Nord, dans les plantations de cacao, les femmes burkinabè ne savent pas ce que l'on fait avec les fèves de cacao. Elles ne savent pas qu'elles pourraient elles-mêmes en transformer une partie en beurre de cacao. Pourtant, dans leur pays d'origine, elles savent très bien extraire le beurre des noix de karité !

 

Se lever, c'est aussi demander au vendeur où sont les vaches qui ont permis de fabriquer ces yaourts marqués "produit du Burkina". Vous serez sans doute surpris de sa réponse. Le plus souvent, il vous dira qu'il ne sait pas, ou encore qu'elles sont en Europe !

Se lever, c'est demander aux ligues des consommateurs de s'intéresser à la provenance des produits alimentaires. Et donc, avec elles, de demander aux pouvoirs publics de faire une loi qui oblige à indiquer la provenance des produits transformés. Ainsi, il serait interdit de vendre de la farine de blé "made in Ghana" sans indiquer l'origine du blé. De même pour les yaourts ou les pots de dégué : quand ils sont fabriqués à partir de lait en poudre importé, il faudrait l'indiquer, et préciser l'origine de ce lait.

Se lever, c'est remarquer que la télévision nationale ne fait la promotion que des produits importés.  En effet, la publicité n'est pas à la portée de tous ! Les produits locaux laissent donc toute la place aux multinationalex comme Nestlé, Maggi, Jumbo...

Se lever, c'est donc, avec d'autres, demander que, sur la télévision nationale, le même temps soit accordé gratuitement à la promotion des produits alimentaires du pays qu'à ceux qui sont importés. Cela devrait être possible, puisque la télévision nationale est un service public.

Se lever, c'est se rendre sur le site du Forum mondial pour la souveraineté alimentaire et voir les actions proposées !

 

Dans le même ordre d'idée, je lisais ces jours-ci ce passage d'un livre de Gandhi :

"Je suis absolument convaincu que personne ne perd sa liberté si ce n'est du fait même de sa propre faiblesse. Ce ne sont pas tant les fusils britanniques qui sont responsables de notre dépendance que notre coopération volontaire" (tiré de "Tous les hommes sont frères", p 247).

Ceci s'applique très bien à notre "dépendance alimentaire". Si nous sommes "victimes", c'est bien parce que nous sommes également "complices" !

Qu'attendons-nous pour réagir ? Qu'attendons-nous pour nous lever ?

Nan laara, an saara ! Si nous nous couchons, nous sommes morts !

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