Le dossier coton empêtré dans un bourbier profond

 Après une nouvelle série de consultations, le président des négociations agricoles a sorti un
nouvel avant projet de compromis. Si les travaux dans l’agriculture semblent avoir progressé
durant les deux derniers mois, en tous cas sur la question des « produits sensibles »,
en revanche, aucune avancée même mineure n’a été effectuée sur le dossier coton.

La reprise in extenso de la formule de réduction proposée par le C4 – à laquelle l’Union européenne et
les EtatsUnis restent opposés – illustre l’impasse dans laquelle se trouve le dossier coton.
La question du coton bloque avant tout à cause de l’absence de contreproposition américaine
et européenne qui satisfasse aux critères de HongKong.

Rappelons à ce titre que le C4 a soumis une formule de réduction en mars 2006.
Depuis, les EtatsUnis n’ont toujours pas présenté le chiffre de réduction de leurs subventions
au coton et l’Union européenne maintient qu’elle ne peut aller au-delà des 300 millions € nécessaires
à financer son aide au coton selon les termes de la réforme 2004. S’ajoute à cela, la nouvelle Farm Bill
qui n’apporte aucun élément réformateur quant au niveau de soutien interne et illustre
parfaitement le pouvoir du lobby américain du coton qui a parfaitement oeuvré pour que les
niveaux de soutien ne diminuent pas.

Les EtatsUnis condamnés pour leurs subventions au coton

Le 2 juin, l’OMC a condamné en appel les subventions américaines au coton après six ans
de feuilleton juridique. L’organe d’appel a confirmé la condamnation des subventions
américaines aux producteurs de coton prononcée en décembre dernier, mettant un point
final à au conflit qui opposait le Brésil aux EtatsUnis depuis 2003. Il a été à nouveau
constaté que les EtatsUnis agissent « de manière incompatible » avec les règles de l’OMC
et « ne se sont pas conformés » aux recommandations et décisions précédentes de l’Organe
de Règlement des Différends (ORD 1 ). Selon le rapport des juges de l’OMC les aides aux
agriculteurs américains versées à titre de prêts à la commercialisation et les versements
anticycliques «ont pour effet d’empêcher une hausse des prix de manière notable »,
«causant un préjudice grave aux intérêts du Brésil ». Les EtatsUnis
qui ont surtout cherché
à gagner du temps n’ont maintenant plus de recours possible. Cette nouvelle condamnation
ouvre la voie à une possible demande de sanctions commerciales par le Brésil par
l’application de mesures de rétorsion, qui pourraient atteindre un niveau de un milliard de
dollars.
Ce dossier qui dépasse les seuls intérêts du Brésil constitue un élément important au
moment même où les négociations sur le coton piétinent. Il confirme que les subventions
américaines au coton affectent les prix mondiaux et pénalisent, entre autre, les producteurs
africains qui ne peuvent soutenir la concurrence avec les cotonniers américains.

Des subventions estimées par le Brésil à 12 milliards de dollars entre 1999 et 2002, alors que la
valeur des récoltes a été de 13,9 milliards de dollars pendant la même période, soit un taux
de subventionnement moyen de 89.5%. Il est vrai qu’en période de prix élevés, le préjudice
causé par les subventions est moindre, ce qui ne signifie pas qu’une grande partie d’entre
elles restent illégales et doivent être supprimées.

Difficile de déterminer quel sera l’impact de cette décision sur le dossier coton. Avec leur
nouvelle loi agricole (Farm Bill) aux antipodes de ce que requiert l’OMC les EtatsUnis
montrent qu’ils continuent d’ignorer les règles du commerce international.
Conclusion
Lors de la réunion informelle de l’OCDE à Paris, le 5 juin dernier, le DG de l’OMC, Pascal
Lamy, a appelé les membres à envoyer leurs négociateurs à Genève dans les deux
prochaines semaines pour accélérer les discussions sur le dossier agricole. S’exprimant en
1 Document OMC WT/DS267/AB/RW, pp. 198201,
2 juin 2008.
marge de la réunion de l’OCDE à Paris, le ministre australien du Commerce, Simon Crean, a
indiqué que la discussion (de jeudi) était excellente" même s'il "reste des zones
considérables de désaccords". "Ce qui a émergé, c'est l'accord des autorités pour s'engager
intensément dans les semaines prochaines" dans des négociations avec "en vue la tenue
d'une réunion ministérielle à Genève d'ici la fin du mois", a-t-il ajouté, même si aucune date
n'a été fixée.

Il reste à espérer que le sursaut provoqué à Paris, soit le signe, non pas d’une éclaircie
temporaire entre les gouttes et le tonnerre mais bien le signe de l’installation durable d’un
climat sain pour enfin boucler la négociation.

D'après la lettre d'information sur le coton n° 80 d'Ideas Centre du 10 juin 2008.

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