Sécurité alimentaire contre sécurité alimentaire : La guerre des terres a commencé

Nous revenons aujourd’hui sur la question de l’accaparement des terres par les pays riches. Le phénomène se poursuit, et il va prendre des proportions dramatiques pour les paysans des pays pauvres si des règles internationales ne sont pas rapidement mises en place pour régulariser le marché des terres agricoles et  canaliser les puissances de l’argent. Il est urgent de dégager des principes qui assurent que les deux parties (les investisseurs) et les pays d’accueil (pas seulement les tenants du pouvoir politique, mais surtout les populations) seront gagnantes. Or ce que nous apprenons nous fait craindre le pire.

Le Dr Abdelbagi Ismail, de l’IRRI, Ahmed Al-Sadhan du ministère saoudien du Commerce et de l’Industrie, et Bob Zeigler, Directeur général de l’IRRIAhmad Mohamed Ali Al-Madani, président du groupe IDB rencontre le directeur général de l’IRRI, Bob Zeigler. Source: IRRIC’est ainsi que l’Arabie Saoudite a établi un vaste programme de « production alimentaire à l’étranger ». A cet effet elle a mise en place une société d’investissement nommé FORAS International, avec des capitaux du Gouvernement Saoudien, de la Banque Islamique de Développement et d’hommes d’affaires saoudiens.

« Foras a informé l'Institut international de recherche sur le riz (IRRI) de son acquisition de 500 000 ha de terres agricoles au Sénégal et de 200 000 ha de terres agricoles au Mali pour la production de riz » (d’après un document de Grain de septembre 2009).

L’IRRI a été informé parce que FORAS leur a demandé des conseils pour l’exploitation de ces terres maliennes et sénégalaises. Mais, à ma connaissance, les paysans maliens et sénégalais n’ont pas encore été informés par leur gouvernement. Et personne à l’extérieur, me semble-t-il ne connaît les termes des contrats. Les petits paysans des régions concernés ne sont même pas sûrs d’avoir une place dans le plan saoudien, intitulé « 7 x 7 », qui, sur une période de sept ans, prévoit la production annuelle de 7 millions de tonnes de riz sur ces 700 000 hectares de terres.

Malibya la socité chargée d'exploiter les 100 000 ha offerts à la LibyeTout porte à croire que ces investissements sont au seul profit des lybiensLe Mali a déjà cédé 100 000 hectares de terres irrigables de l’Office du Niger à la Libye. Que restera-t-il pour les maliens dans quelques années ?

Les organisations paysannes maliennes et sénégalaises rendraient un fier service aux autres paysans africains s’ils pouvaient obtenir les termes des contrats et les publier. Ce serait une bonne préparation pour le « Congrès du riz en Afrique 2010 » qui se tiendra à Bamako, au Mali, du 22 au 26 mars 2010. Une analyse détaillée de ces contrats permettrait sans doute de dégager quelques principes.

Il faudra pouvoir répondre à cette question : Comment faciliter les investissements sans que cela ne s’apparente à une nouvelle colonisation ?

Quand on sait que le Sénégal est le deuxième plus grand importateur de riz de l’Afrique (après le Nigeria), on peut penser qu’il vaudrait mieux chercher des investisseurs pour produire du riz pour les sénégalais, puis pour le marché commun de l’Afrique de l’Ouest.

Ces opérations risquent fort de renforcer la sécurité alimentaire de l’Arabie Saoudite aux dépends de celle des sénégalais et des maliens. Or, il y a sûrement plus de maliens et de sénégalais qui souffrent de la faim que de saoudiens !

Et j'apprends que le prochain sommet mondial de la FAO sur la sécurité alimentaire est financé par l'Arabie Saoudite ! Les puissants peuvent dormir tranquilles ! Leur sécurité alimentaire sera garantie ! Les exploitations familiales ont intérêts à renforcer leurs organisations au niveau local, national, régional et mondial, si elles ne veulent pas disparaître au profit de l'agrobusiness ! Les consommateurs aussi s'ils veulent conserver une alimentation variée, saine et adaptée à leur culture.


Koudougou, le 24 octobre 2009
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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