Que faire avec l'argent du riz américain offert par le Japon ?

Il y a un mois environ, j'ai visité quelques boutiques au centre de Ouagadougou pour voir quel riz on trouvait sur le marché, et à quel prix. J'ai été surpris de trouver, dans une même boutique, du riz en provenance de Thaïlande, du Vietnam, du Burkina, mais aussi du riz américain appelé « riz du Cathwel », et enfin du riz dit japonais, mais en provenance de Californie (USA).

Le vendeur a commencé par me montrer les riz Thaïlandais et Vietnamien. Ils étaient commercialisés en sacs de 50 kg à 20 000 F le sac (soit 400 F le kilo). Ensuite il m'a montré des sacs sur lesquels on pouvait voir le logo USAID. Le vendeur a appelé ce riz :« le riz du Cathwel ». Il s'agit de riz offert à l'ONG américaine par les Etats-Unis, et vendu aux commerçants de la place par appel d'offre. Sur les sacs, il est écrit « parboiled rice ». Il s'agit donc de riz précuit comme le riz étuvé. Le sac de riz de 25 kg était vendu 12 000 F (soit 480 F le kilo).

Ensuite j'ai aperçu quelques sacs sur lesquels on pouvait lire « Riz du Sourou – Burkina Faso ». Le sac était vendu à 10 500 F les 25 kg (soit 420 F le kilo). J'ai demandé si c'était du riz blanc, il m'a répondu « Non, c'est du riz américain ! ». Et il m'a montré quelques grains de riz. J'ai pu constater qu'il s'agissait bien de riz étuvé. En effet, il faut savoir qu'en langage populaire, quand on parle de riz « américain » veut dire paraboiled ou étuvé. Pour la bonne raison que le riz du Cathwel est très connu et très présent sur le marché burkinabé, depuis de nombreuses années !

A Koudougou, on trouve du riz étuvé du Sourou à 9500F le sac de 25 kg (soit 380 F le kilo). Donc moins cher que tous les autres riz.

Cette étiquette est la marque de l'aide alimentaire du JaponJ'allais quitter cette boutique quand le vendeur m'a dit, j'ai aussi du riz japonais. Et il m'a montré des sacs de 30 kg sur lesquels étaient collées des étiquettes où on pouvait lire « don du peuple japonais » (je vous invite à cliquer sur la photo ci-contre). Comme je sais que le Japon n'offre pas du riz japonais (il se protège plutôt des importations en taxant le riz importé à 700 %), j'ai demandé à voir l'ensemble du sac. Et j'ai vu une étiquette tout à fait semblable à celle de la photo de droite avec la seule différence: sur l'avant dernière ligne, il était écrit : crop year 2004 (et non pas 2000). Il s'agissait donc de riz américain vieux de 4 ou 5 ans (donc sans doute interdit de commercialisation aus Etats-Unis !). J'ai demandé à quel prix était vendu le sac. Il m'a été répondu 13 500 F (soit 450 F le kilo).

Or, aujourd'hui, l'Observateur paalga publie un article avec pour titre :

Aide alimentaire au Burkina : comment manger le riz japonais ?

Non, le riz offert par le Japon n'est pas du riz japonais.

Déjà, lundi dernier, Le Pays avait fait un article qui nous parlait « de cette aide de 5 270 tonnes de riz japonais ». Non, il ne s'agit pas de riz Cette année on retrouve ces mêmes étiquettes, mais avec "crop : 2004"japonais, mais bien de riz américain qui a transité par le Japon pour répondre aux règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Pour vous en convaincre je vous invite à lire « A qui profite l'aide alimentaire ? »

Mais aujourd'hui, il nous faut aller plus loin : Est-ce que nous ne pourrions pas nous appuyer sur l'aide pour pouvoir nous passer de l'aide ? C'est ce que demandait la Confédération Paysanne du Faso (CPF) en 2004, à Gaoua, devant le chef de l'Etat. Voici ce que la CPF demandait alors par rapport à l'aide alimentaire :

" Sans remettre en cause l'aide alimentaire en tant que telle, notre interpellation auprès du gouvernement est de développer une politique d'aide alimentaire qui permette effectivement aux Burkinabè de se passer de l'aide alimentaire.

Le succès de la "révolution blanche" en Inde (avec le lait), montre que l'on peut effectivement utiliser l'aide alimentaire pour le développement des filières agricoles, c'est à dire : utiliser l'aide pour éliminer l'aide."

De fait, puisque 90 % des 5 270 tonnes offertes par le Japon sont vendues, pourquoi ne pas utiliser la moitié des recettes de cette vente pour soutenir la filière riz au Burkina ? Pourquoi le Cathwel n'utilise pas 50 % de ses recettes issues de la « monétisation » du riz paraboiled en provenance des Etats-Unis pour soutenir les producteurs de riz et les femmes étuveuses qui transforment le riz des grandes plaines en « riz américain » comme nous l'avons vu plus haut !

Je suis convaincu que si l'on faisait cela, dans quelques années le Burkina serait autosuffisant en riz. Et les consommateurs seraient heureux d'abandonner les vieux riz asiatiques ou américains au profit du bon riz burkinabé récolté quelques mois auparavant. Et la pauvreté reculerait dans les rizières. Mais veut-on vraiment pouvoir se passer de l'aide?

Koudougou, le 10 avril 2009
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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